En route pour Antalya, le bus de la Kamilcoçs’arrête toutes les deux heures pour nous permettre d’aller aux toilettes et, malgré les boissons et biscuits servis comme dans un avion, nous restaurer dans les food-courtdevant lesquels le chauffeur stoppe son véhicule. À destination, je cherche un moyen pour rallier Adrasan. Le prix prohibitif du taxi nous oblige à prendre un bus local pour rejoindre cette petite station balnéaire située à 90 kilomètres au sud d’Antalya. Les billets en poche, nous nous installons à l’avant du car et quittons le terminal juste une demi-heure après y être arrivés.
La première embrouille survient peu avant le terme du trajet. Le chauffeur nous dépose en effet en bordure de route et nous invite à prendre un véhicule en nous précisant qu’il nous reste quatre kilomètres avant le village. De colère, je refuse le taxi qui, là encore, demande un prix exorbitant et choisis d’entreprendre l’itinéraire jusqu’à l’hôtel à pied, Chantal râlant derrière moi. Je ne lui donne pas tort, surtout avec la température suffocante à ce moment de la journée. La route grimpant fortement, je prends rapidement assez d’avance pour disparaître à sa vue. Quelques hectomètres plus loin, le conducteur d’une voiture me klaxonne en me doublant, puis s’arrête. Assise à l’arrière, Chantal savoure sa victoire. En sueur, je la rejoins avec une joie à peine contenue. À un carrefour à cinq ou six kilomètres de là, le chauffeur nous dépose et nous montre le chemin à suivre en nous indiquant le chiffre 4 avec ses doigts ! Encore quatre kilomètres ! Je reprends la route sous le soleil ardent, Chantal rouspétant toujours derrière moi. Une centaine de mètres plus loin, un papy aussi vieux que sa camionnette nous invite à grimper à bord et nous dépose devant notre hôtel situé en bordure de plage. Sympa ! Plus tard, en calculant le parcours sur l’appli Maps.me, nous constatons avec effarement que le bus nous a laissés à douze bons kilomètres de l’endroit pour lequel j’avais acheté les billets. Bienvenue sur la côte turque ! Ici, on risque souvent de se sentir considéré comme des touristes plein aux as…
Pas de bouteille d’eau dans la chambre, pas de frigo, pas de télévision, pas de Wifi et, en plus, la climatisation ne marche pas et je n’arrive pas à ouvrir la porte-fenêtre qui donne sur la minuscule terrasse ! Dire qu’à 4 euros près, nous payons cette chambre deux fois plus cher qu’à Göreme où tout était parfait ! La belle piscine ne justifie absolument pas à elle seule cette différence de prix.
La climatisation et la porte réparées, nous pouvons rejoindre la plage de l’autre côté de la rue. Les transats et parasols, tous identiques, sont alignés tout près de l’eau sur du sable grossier mêlé à de petits galets. Nous sommes juste en train de nous asseoir sur les chaises longues quand un gardien en tenue arrive et nous demande aussitôt d’en régler la location ! Je me pose déjà la question de savoir si nous allons nous plaire à Adrasan…
Par bonheur, le diner pris au bord de la piscine ranime un peu la flamme. Les entrée, plat et dessert, excellents et copieux, nous font vite oublier tous les petits malheurs de la journée. Du moins nous l’espérons, car nous ne connaitrons le prix du repas que demain, le gérant, mielleux, ne souhaitant pas nous le communiquer ce soir !
Le petit-déjeuner nous déçoit un peu. Après ceux de Göreme plutôt copieux, celui de ce matin nous semble frugal avec un tout petit nombre de plats présentés. Nous réclamons du fromage blanc, absent du buffet, à la cuisine. La serveuse ne nous en apporte qu’un bol. Et avec une certaine réticence en plus. Heureusement, le prix du diner d’hier d’un excellent rapport qualité-prix nous redonne de la bonne humeur.
L’anse dans laquelle est niché le village d’Adrasan constitue un abri sûr pour les bateaux. Une vingtaine d’embarcations traditionnelles sont ancrées en bordure de plage et attendent les clients. Le capitaine du Naralim nous aborde ainsi et nous propose une promenade en mer pour la journée avec des haltes pour la baignade. Mais, départ dans cinq minutes ! Nous retournons en catastrophe à l’hôtel, juste en face, nous badigeonnons de crème solaire et entassons serviettes, appareil photo et magazines de jeux dans le sac. Quelques instants plus tard, nous embarquons par un étroit ponton branlant et rejoignons les sept passagers qui n’attendaient plus que nous. À nous les criques inaccessibles autrement que par la mer. Première halte, première baignade. L’eau fraiche me saisit dès les premières secondes. La température des mers tropicales me semble à des années-lumière de celle-ci pourtant aux alentours de 21-22° et m’oblige à remonter à bord après seulement quelques brasses. J’y retrouve Chantal à qui la sainte horreur de l’eau fait parfois louper des choses inoubliables pour moi. Sa phobie l’empêche de faire trempette, mais lui permet de profiter pleinement du bateau et de ses transats. Ça, par contre, elle adore !
Le capitaine et l’équipage constitué de son épouse et de ses deux garçons nous concoctent un repas à base de poisson grillé et de légumes frais. Sous le chaud soleil turc et dans une ambiance bon enfant, tout le monde savoure ce repas simple, mais très goûteux. Trois jeunes femmes trentenaires de Göreme participent à l’excursion. Joyeuses, sympas, elles se sont installées près de nous et viennent souvent se prendre en photo en notre compagnie. Au moment de nous séparer en fin d’après-midi, nous échangerons nos mails et leurpromettons de passer les voir si nous retournons un jour en Cappadoce. Vraiment dommage qu’on ne se soit pas connus une semaine plus tôt ! Pour l’instant, elles sont en train de se badigeonner sur la plage avec de la vase qui, parait-il, fait rajeunir de 10 ans. Étant donné l’odeur qu’elles dégagent, nous n’avons aucune envie de tenter la chose ! Heureusement, lorsqu’elles remontent à bord, rincées, elles ne sentent absolument plus rien et semblent avoir perdu quelques rides. Du moins, c’est ce dont elles veulent de se persuader en s’examinant mutuellement dans de grands éclats de rire. Nous les confortons dans leur optimisme !
Le soir, en rentrant, nous achetons trois Efes chez l’épicier installé tout près de l’hôtel et les dégustons sur notre minuscule terrasse tout en écoutant de la musique. Nous avons vraiment l’impression d’être en vacances. Comme hier, le diner se révèle conséquent et délicieux. Le patron, toujours aussi mielleux, nous offre même le café…
Nous passons les jours suivants entre les transats payants de la plage et ceux gratuits de la piscine. Nous effectuons notre choix en fonction de la chaleur. Lorsque le vent ne souffle pas, nous nous réfugions à l’ombre des arbres et piquons de nombreuses têtes dans le bassin de l’hôtel. J’en profite alors pour écrire quelques pages de notre carnet de voyage. Quand il se lève, nous retournons nous installer sous les paillotes plantées telles des rangs d’oignons dans le sable grossier de l’anse.
Nous restons sept nuits dans cet hôtel dont la vieille clientèle féminine britannique nous déplait beaucoup par son snobisme et son mépris. Je ressens là la même antipathie envers les Français que celle que j’avais connue en Angleterre du temps de ma jeunesse. J’avais totalement oublié ce dédain avec les dernières générations de voyageurs anglais et je n’ai pas envie de retomber dans cette guéguerre stérile.
Le jour du départ, à 10 heures, nous quittons donc sans regret cet hôtel à l’ambiance plutôt pesante. Le gérant, toujours aussi fourbe, affirme souhaiter nous revoir un jour. Hypocrite !