Un taxi dont les portes s’ouvrent seules nous prend devant l’hôtel et nous dépose à la gare de Tokyo un quart d’heure plus tard.
L’affichage en japonais des guichets nous désoriente un peu et, bien entendu, nous attendons dans la mauvaise file. Celle-ci est si lente que nous gagnons du temps, même après vingt minutes de patience, à en choisir une autre pourtant beaucoup plus longue. Une fois devant le préposé, nous avons un peu de mal à nous faire comprendre. Je ne pensais pas que l’anglais était si peu parlé dans ce pays ; nous constaterons d’ailleurs cette lacune à de très nombreuses reprises. Ainsi, lorsque le jeune homme me demande de régler le montant des billets pour Nagoya, je pense avoir mal saisi. Mais, non ! Il s’agit bien de l’équivalent de 160 euros pour nos deux places dans le Shinkansen, le TGV local ! J’avais entendu dire que le tarif des transports valait cher au Japon, mais j’avoue avoir eu un choc à l’annonce du prix !
Le train est magnifique avec son carénage blanc immaculé qui ressemblerait à un bolide des 24 Heures du Mans sans sponsors. Par contre, je préfère le confort de notre TGV ou, encore plus, celui du CRH chinois dont le service à bord n’a rien à envier à celui des compagnies aériennes internationales. Une heure et demie plus tard, nous foulons le quai de la gare de Nagoya où nos amis Fabrice et Azy, rencontrés au cours d’une croisière sur le Mékong entre la Thaïlande et le Laos il y a quelques années, doivent venir nous chercher après leur journée de travail chez Mitsubishi Aircraft Corporation. En attendant, nous nous réfugions dans l’un des Starbucksde la gare pour lire les nouvelles françaises du jour sur nos iPad.
Pour fêter nos retrouvailles, les « Fabzy » nous emmènent dans un bar branché de la ville où les expats de toutes nationalités se mêlent gaiement à la jeunesse nagoyaise. Après une rafraichissante pinte de bière pression et une discussion tous azimuts, nous filons diner dans un restaurant sympa de leur connaissance. Comme à son habitude, Azy se charge de la commande et du reste : efficace et tout simplement parfait ! Malheureusement, les premières gouttes de pluie commencent à tomber au moment où nous sortons et nous arrivons trempés à leur appartement.
Avant de nous rendre dans un autre Starbucks de la gare situé sur une terrasse qui domine tout le quartier, nous faisons le plein de bonnes choses à la Boul’Ange, une boulangerie-pâtisserie self-service qui n’a pas à rougir devant les meilleures des nôtres. D’ailleurs, la longue queue avant le passage à l’une des cinq caisses atteste de la qualité de la boutique. Nous montons donc au 15eétage de la tour JR et prenons place sur la jolie terrasse extérieure à l’ombre d’arbres qui ont été plantés là comme éléments décoratifs. En accompagnement de nos grands gobelets de cappuccino, pas une miette du pain aux airelles, des croissants ou des pains au chocolat ne résiste à notre gourmandise ! On en aurait même mangé d’autres s’il y en avait eu !
Pour digérer, nous partons à pied pour le Château de Nagoya. Monument fortifié, mais détruit quasi intégralement lors des raids aériens de mai 1945, il a été reconstruit en 1959 sous son aspect originel de 1612, mais en pierre. Sa démolition doit débuter le mois prochain pour édifier à sa place un nouveau bâtiment, toujours à la silhouette identique, mais en bois cette fois. Il devrait être terminé d’ici 5 ans. Pour l’instant, nous savourons le bonheur de le voir encore debout et le prenons en photo sous toutes ses coutures avant de pénétrer à l’intérieur du musée tout neuf attenant. En chaussons qu’on nous a prêtés à l’entrée, nous pouvons y admirer quelques jolies pièces et panneaux peints décorés à la feuille d’or et aussi toute une collection de superbes kimonos. Dans la cour du château, juste au pied du donjon, un spectacle de théâtre avec chevaliers en armures et autres guerriers tient en haleine une foule de tout âge très attentive.
Nous quittons l’enceinte médiévale pour nous rendre du côté de Sakae, au parc Hisaya Odori. Au pied d’une énième réplique de la Tour Eiffel haute de 180 mètres, la tour Nagoya TV, une construction à l’architecture futuriste m’intrigue vraiment. Il s’agit d’un centre commercial, l’Oasis 21, dont le toit en verre ressemblant à un vaisseau spatial accueille un plan d’eau d’une centaine de mètres de long et d’une dizaine de large qui semble suspendu au-dessus des boutiques. On peut en effet voir le ciel à travers le fond et l’eau de cette piscine peu profonde. Étonnant, d’autant plus qu’on peut monter en faire le tour sur une promenade en verre translucide. Tandis que Chantal reste discuter là-haut sur la plateforme avec nos amis assis sur un banc original en métal, je ne cesse de prendre en photo cet édifice si surprenant.
En fin d’après-midi, un fort vent se met à souffler et, malgré le soleil, la température chute de façon spectaculaire. Nous retournons du côté de la gare en taxi pour aller goûter au fameux ramenque tous ceux qui connaissent le Japon nous ont conseillé d’essayer au moins une fois. Et nous ne sommes pas déçus ! C’est délicieux, mais moins surprenant que nous le pensions, puisque nous retrouvons presque exactement la soupe aux nouilles ouïgoure qu’on mangeait en Chine durant notre périple sur la Route de la Soie. Trop bon ! Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons faire les courses dans un supermarché pour le petit-déjeuner de demain. Peu habitués à la fraicheur, nous arrivons transis. Heureusement, dans la salle de bains sophistiquée où tout se règle une fois pour toutes, la douche nous revigore très vite. Même la lunette des toilettes équipées de différents jets de nettoyage intime est chauffante, c’est dire ! On y prend goût très rapidement !…
Après un superbe brunch préparé par Azy, nous partons tous les quatre à pied vers le parc de Shirakawa où l’immense sphère en métal coincée entre deux bâtiments qui abrite le planétarium du Musée des Sciences attire immanquablement le regard. Dans le parc lui-même, des groupes de jeunes s’entrainent au maniement de drapeaux gigantesques qu’Azy ne peut s’empêcher d’essayer : plus difficile que cela en a l’air !
En poursuivant la promenade, la chance veut que nous tombions sur deux jolies cosplays à qui je demande la permission de les photographier. Confuses, elles me répondent par la négative, mais m’indiquent un lieu à quelques centaines de mètres de là où je pourrai le faire sans souci. En fait, ce dimanche, un festival se tient dans l’artère principale de Sakae, quartier le plus animé et le plus chaud de Nagoya. Au milieu de la rue devenue piétonnière pour l’occasion, des centaines de cosplays dans leurs habits de mangas prennent la pose de leurs héros devant les photographes professionnels ou en herbe qui font la queue en attendant sagement leur tour. N’étant pas au courant de cette habitude très nipponne, je saute les files à de nombreuses reprises sans m’en rendre compte. Dans la foule, je retombe par le plus pur des hasards sur les deux jeunes filles qui nous ont envoyés ici et qui, cette fois, se plient avec complaisance à ma sollicitation de toute à l’heure. Avec leurs perruques acidulées et leurs lentilles aux couleurs improbables, elles semblent vraiment habitées par leur personnage. Comme elles, les cosplays les plus photogéniques sont très convoités qu’ils soient filles ou garçons, mais nous accueillent toujours avec empressement dès qu’ils apprennent que nous sommes Français. La grande affluence rend la prise de vue ardue. Pour faciliter la chose, je choisis de travailler en gros plan, mais, dans l’urgence des situations, me trompe de réglage en privilégiant l’ouverture plutôt que la vitesse. Il en résultera beaucoup de photos bougées que je devrai jeter à la poubelle. Dommage, même s’il m’en reste tout de même assez pour proposer un bon aperçu de cet après-midi totalement imprévu.
Pour nous remettre de nos émotions, Azy nous offre un verre de bière pression à la terrasse d’un bar, puis, après une visite rapide dans un joli temple, nous cuisine d’excellentes pâtes aux aubergines que Fabrice arrose d’un chardonnay bien frais. Nous nous délectons…
Nous avons passé trois jours extraordinaires à Nagoya et l’accueil de nos amis « Fabzy » y est vraiment pour beaucoup. Sans leur invitation, nous ne nous serions certainement pas arrêtés dans cette ville absente des guides touristiques. Nous avons pourtant découvert une cité attachante, à l’architecture futuriste… et aux excellentes boulangeries-pâtisseries !
Nous en conseillons chaudement la visite…