Avec émotion et, peut-être, un peu d’inquiétude, nous posons tous les deux les pieds sur le sol japonais pour la première fois. Je me l’étais promis à Paris lorsque j’avais fait l’ouverture de l’hôtel Nikko, à l’époque partenaire de la Japan Airline. Ce travail m’avait permis d’avoir mes premiers vrais contacts marquants avec la société nippone, il y a plus de 40 ans de cela… Mon Dieu que le temps passe vite !
Après une nuit de vol depuis Bali, nous voilà dans le train qui nous emmène en compagnie de Sandrine, une jeune Française rencontrée à la sortie de l’avion, de l’aéroport de Narita vers Asakusa, le quartier de notre hôtel de Tokyo. Après une petite marche d’un kilomètre sous le soleil depuis la gare, nous devons laisser nos bagages à la réception, le check-in ne débutant qu’à 14 heures. Et, au Japon, pas question de changer le règlement, même si la chambre est libre !
Nous partons donc, dans les habits que nous portons depuis hier matin, à l’assaut de cette capitale qui mélange le traditionnel et l’ultramoderne. Pour une première, nous ne nous éloignons pas trop et restons à Asakusa dont le temple Senso-ji dédié à la déesse Kannon constitue l’intérêt principal. Devenu l’un des lieux touristiques incontournables de Tokyo pour ses couleurs flamboyantes et l’atmosphère populaire qui y règne, Senso-ji est le plus vieux temple bouddhiste de l’agglomération. Comme les 30 millions de visiteurs qui la franchissent chaque année, nous empruntons nous aussi la grande porte Kaminari-mon pour pénétrer dans l’enceinte religieuse reconstruite après la guerre. Bien qu’un tant soit peu clinquant, l’ensemble des bâtiments dont l’imposant Hondo et sa pagode à cinq étages représente exactement ce que j’avais imaginé des temples japonais. De nombreux couples en habits traditionnels sillonnent les allées du jardin tout en fleurs avoisinant. Nous y prenons quelques photos avant de vite retourner à l’hôtel faire une toilette devenue urgente et enfin changer de vêtements. Rasé de près en ce qui me concerne et les cheveux remis en ordre par un bon brushing pour Chantal, nous allons trainer du côté de la rivière Sumida et admirer la fabuleuse Tokyo Skytree, plus haute tour de télécommunications du monde avec ses 634 mètres de hauteur. Cette merveille de technique architecturale est construite pour résister aux tremblements de terre, fréquents au Japon. Pour cela, elle renferme dans sa structure de tubes d’acier une énorme colonne de béton de plusieurs centaines de tonnes suspendue comme un pendule d’horloge qui, en cas de séisme, oscille et peut ainsi absorber les secousses. À ses pieds, l’Asahi Beer Hall conçu par Philippe Starck se fait lui aussi drôlement remarquer avec sa forme de verre de bière surmonté de mousse et son intrigante crotte dorée dont la signification réelle reste mystérieuse. Sur le chemin du retour, nous tombons sur un supermarché qui propose quantité de plats préparés, tous plus appétissants les uns que les autres. Nous y faisons chacun notre choix et allons déguster ces savoureux mets japonais dans notre chambre après avoir siroté une Kirin, bière locale réputée.
Nous n’avions pas dormi dans l’avion, aussi ce soir écrasons-nous tous les deux comme d’innocentes marmottes ; dans une pièce certes petite, mais superbement bien conçue.
Après un buffet petit-déjeuner des plus copieux pris à l’hôtel, nous achetons une carte Pasmoà recharger pour emprunter sans souci le métro tokyoïte. Nous nous rendons ainsi dans le quartier Shinjuku où la mairie dont l’architecture rappelle la cathédrale de Paris en version moderne offre un belvédère en haut de chacune de ses deux tours. Malheureusement, en ce samedi, elles sont toutes les deux fermées pour entretien. Nous devrons y revenir. Nous poursuivons la balade à pied vers le quartier Shibuya. En chemin, dans le parc Yoyogi, des personnes en costume traditionnel passant sous un immense toriien bois naturel nous font nous arrêter. Il s’agit en fait d’un mariage se rendant au temple Meiji-jingu tout proche. Nous les y accompagnons et prenons tous les deux quantité de photos intéressantes. Ce grand complexe shintoïste accueille en effet plusieurs cérémonies traditionnelles chaque week-end ; nous assistons ainsi à trois défilés différents avant de poursuivre la balade. Sortis du parc, nous continuons la promenade sur les larges trottoirs très fréquentés qui mènent à Shibuya. Une foule de jeunes, excentriques ou pas (en fait, nous pensions les Japonais, hormis les fameux cosplays, bien plus extravagants dans leur habillement qu’ils ne le sont vraiment, la jeunesse chinoise les devançant largement) entre et sort des nombreux magasins qui jalonnent le parcours jusqu’au célèbre carrefour. Ce passage piéton, le plus fréquenté au monde, nous impressionne réellement. Pas une seule personne ne s’engage avant d’en avoir reçu le signal, mais quand le feu vire au vert, environ toutes les deux minutes, ce sont des centaines d’individus qui traversent en même temps, et le plus surprenant, sans se toucher, en se frôlant à peine. Incroyable lorsque, comme nous, on arrive d’un autre pays d’Asie ! Obnubilés par ce majestueux ballet, nous oublions de nous rendre près la statue pourtant toute proche du chien le plus connu du Japon. Ce sera pour la prochaine fois. Pour l’instant, une fois parvenus sur le trottoir d’en face, nous assistons à un petit concert sauvage que quatre jeunes filles en costume d’un héros manga offrent aux passants qui s’agglutinent autour d’elles en reprenant tous en chœur les refrains. La police intervient au bout de deux chansons et, après une discussion sans heurts avec sourires et courbettes des deux côtés, fait cesser la représentation. Les promeneurs repartent de leur côté aussi paisiblement qu’ils étaient arrivés. Amazing Japan !..
Après une visite à l’amusant magasin Disneytout proche, nous prenons la direction d’une des rues les plus étonnantes de Tokyo : la Takeshita-dori, avenue piétonne de 400 mètres de long où les boutiques de mode alternent avec les salons de thé branchés et les vendeurs de… crêpes. Les queues pour obtenir ces gourmandises garnies de crème, fruits, chocolat nous impressionnent réellement par leur nombre et leur longueur ! Au milieu d’une foule hétéroclite dans laquelle se mêlent quelques visiteurs étrangers, de jeunes Japonais en cosplaydéfilent tranquillement pour le plus grand dépaysement des touristes. Nous en profitons pour prendre ceux qui acceptent en photo. Mais l’éclairage contrasté de l’après-midi rend ces séances difficiles et seulement quelques clichés ne passeront pas à la trappe. Dommage, mais il nous en reste tout de même le souvenir de beaux instants…
En ce dimanche matin, le temps maussade ne nous empêche pas de nous rendre à Otemachi et le Palais Impérial. Cerné de douves, celui-ci demeure inaccessible à la visite. Comme les nombreux touristes présents, nous en prenons quelques vues depuis le parc attenant. Nous continuons la promenade à pied vers la fameuse Tour de Tokyo reconnaissable à ses couleurs rouges et blanches et, surtout, réplique légèrement plus haute, mais beaucoup plus simple de notre Tour Eiffel nationale. Les photos rendues difficiles par un échafaudage qui en cache tout un côté, l’environnement et le ciel gris ne me satisfont pas du tout. J’en repars donc un peu déçu, d’autant plus que la pluie qui fait son apparition peu après nous oblige à rentrer plus tôt que prévu à l’hôtel.
En allant faire ses courses pour le diner, Chantal monte dans l’ascenseur en même temps que deux geishashabillées, maquillées et coiffées traditionnellement… La chance ! Par contre, vraiment dommage qu’elle n’ait pas son iPadpour immortaliser l’instant !
Le lendemain, nous prenons comme d’habitude le métro pour nous rendre au parc Ueno plus réputé pour ses musées que pour sa tranquillité. Un zoo qui en occupe une large partie attire en effet beaucoup de monde. Tout près se trouve le Ueno Tosho-gu, un sanctuaire qui a traversé les cinq siècles de son existence sans trop de dégâts malgré les guerres et séismes passés. Il est surnommé Konjiki-den, l’édifice doré, en raison de l’utilisation abondante de feuilles d’or. Nous prenons quelques photos de son allée, de sa porte et de sa pagode avant de quitter ce parc qui nous a semblé sans grand intérêt. Nous nous enfonçons alors dans un réseau de rues rectilignes et perpendiculaires où le calme et la sérénité interpellent dans une capitale aussi peuplée. Les gens s’y déplacent à pied ou en vélo, tranquillement. On y découvre un bon nombre de résidences, mais aucun immeuble. En fait, cette absence de bâtiments dépassant les 3 étages fait la particularité de Tokyo. Seuls, de rares quartiers en abritent quelques-uns, mais il s’agit la plupart du temps de bureaux ou de siège de compagnies. Nous arrivons ainsi, de rue en rue, à Yanaka, vieux quartier resté authentique. Ni les incendies successifs de la période d’Edo, ni le séisme du Kanto en 1923 ou encore les bombardements de la Seconde Guerre mondiale n’ont su venir à bout de ce quartier qui garde ainsi son charme typique d’antan. Dans sa rue commerçante, petites boutiques de prêt-à-porter et de souvenirs, restaurants coquets, bars à chats accueillent les rares touristes de passage.
De là, nous reprenons le métro en direction de Ginza, quartier moderne avec ses immeubles futuristes, mais aussi ses commerces de luxe aux enseignes internationales. On surnomme d’ailleurs sa rue principale « les Champs-Élysées du Japon ». Chantal visite quelques boutiques et en ressort chaque fois la mine triste : tout lui plait… sauf les prix ! Dans l’Apple store, je me renseigne sur les coversd’iPad3 mini. Un vendeur me conseille de me rendre plutôt au Bic Camera tout proche. Le bonheur : un magasin de plusieurs étages spécialisé entre autres dans l’électronique et la photo ! Je n’y trouve pas la fameuse cover, mais achète tout de même une bandoulière pour mon appareil Sonyque je pensais me procurer en France.
Après un petit-déjeuner toujours aussi bon et aussi copieux, nous décidons de nous rendre dans le quartier chic de Roppongi Hills. Au pied de la tour Mori trône la gigantesque araignée Maman, sculpture de la Française Louise Bourgeois. En ce moment, des tricots multicolores habillent ses pattes métalliques géantes ainsi que les poteaux de la galerie couverte qui entoure la place sur laquelle elle est exposée. Original et agréable à l’œil ! De là, nous gagnons à pied Akasaka en faisant auparavant une halte au sanctuaire Hie Shrine qui se trouvait sur notre route. Malheureusement pour nous, le Palais Impérial est fermé aux visiteurs, nous ne pouvons qu’apercevoir sa silhouette de granite de derrière les grilles. En faisant le tour de l’enceinte extérieure du parc, nous avons la mauvaise sensation d’être sans cesse épiés par les caméras de surveillance. Même les policiers, rien qu’en nous regardant fixement dans les yeux sans rien dire, nous empêchent d’approcher trop près de la lice. Nous n’insistons pas et préférons continuer vers le plus grand cimetière de Tokyo, celui d’Aoyama. Sur des hectares, celui-ci abrite un nombre impressionnant de tombes parfois décorées de hautes lattes de bois gravées.
En fin d’après-midi, nous retournons dans le quartier Shinjuku à la Mairie de Tokyo dont, cette fois, le belvédère d’une des deux tours est ouvert. L’ascenseur grimpe au 48e étage en seulement quelques dizaines de secondes et nous débarque dans une salle vitrée de tous côtés d’où la vue sur la ville ravit les yeux de tous. Dommage que la partie la plus intéressante soit occupée par un bar-restaurant à l’accès payant ! Mais nous avons déjà bien à faire avec le reste. Comme je l’ai expliqué, hormis les gratte-ciels futuristes du coin, c’est l’absence d’immeubles d’habitation qui ressort le plus du paysage tokyoïte. Vu d’en haut, cela se remarque encore plus. Nous trainons là une bonne demi-heure avant de redescendre prendre le métro et rentrer à l’hôtel.
Le matin suivant, nous partons à pied en direction de la Tokyo Skytree. Au pied de celle-ci, nous tombons sur une bande d’étudiants avec qui nous faisons quelques photos en rigolant. Nous nous rendons ensuite par la fameuse ligne de métro aérien Yurikamone dans le quartier ultramoderne d’Odaiba gagné sur la mer. Installés à la première rangée du wagon de tête, nous déclenchons tous les deux à tout-va, surtout lors du passage sur le pont Rainbow. Cette île artificielle, si j’ai bien compris les explications, risque de devenir un site majeur au moment des JO de 2020 qui auront lieu ici, à Tokyo…
Vers 20 heures, nous reprenons le métro pour, cette fois, aller à Akihabara, surnommé « la ville électrique ». Les magasins d’informatique, de jeux vidéo et d’électronique y sont légion. On trouve là, en avant-première, les dernières nouveautés high-tech, mais aussi beaucoup d’enseignes illuminées dédiées aux mangas et… au sexe ! Boutiques et salles d’arcade se succèdent le long de la rue principale. Lorsque nous pénétrons dans l’un de ces casinos multicolores, le bruit assourdissant des machines à sous nous donne un haut-le-cœur. Nous en faisons vite le tour, seulement par curiosité, pour en ressortir le plus rapidement possible. Comment un être humain normal peut-il supporter ce boucan infernal ? Nous n’arrivons pas à comprendre. Il faut avouer que la clientèle plutôt jeune, quoique, est tellement concentrée sur les paquets de jetons qui tombent dans leur escarcelle qu’ils ne semblent rien entendre… Incroyable ! Sur le trottoir, alors que je suis en train de prendre des photos des enseignes, une jeune fille en corsage, jupette, chaussettes et tablier blancs me propose, avec des mimiques de collégienne, d’aller boire un verre en sa compagnie. Surpris, je décline l’offre en rigolant. J’ai beau savoir que les bars où travaillent ces serveuses qu’on appelle ici maidsn’ont rien à voir avec les lieux obscurs de chez nous, son invitation me déconcerte tout de même un peu ! Chantal sourit de ma gêne. À 22 heures, les enseignes commencent déjà à s’éteindre. Nous rentrons…
Le lendemain, nous retournons du côté de Shibuya, mais cette fois n’oublions pas de rendre visite à la statue d’Hachiko, le chien le plus célèbre du Japon pour avoir attendu quotidiennement à cet endroit et durant pratiquement dix ans le vain retour de son maitre décédé brutalement sur son lieu de travail. Il mourra d’ailleurs là, devant la gare de Shibuya. La dépouille empaillée de celui qui a ému le pays tout entier est conservée au musée national de la nature et des sciences de Tokyo. Superbe preuve de loyauté et de fidélité d’un animal envers son maitre !…
Nous profitons d’être dans le coin pour observer une nouvelle fois le passage piétonnier le plus fréquenté au monde, mais d’un point de vue en hauteur cette fois. Pour cela, nous entrons dans le Mag 7, un immeuble situé à l’un des angles du fameux carrefour aux six passages cloutés, et grimpons au dernier étage. Une terrasse, Mag’s Park, vient d’être aménagée et durant ce premier mois d’exploitation, son accès est gratuit. Nous en profitons donc une vingtaine de minutes avec deux autres touristes aussi chanceux que nous !… Nous vadrouillons une partie de la journée dans ce quartier animé, au milieu de jeunes filles aux cheveux rose, rouges ou mauves et aux tenues grunge. Sympa ! Nous tombons également sur les fameux bars à chats où les matous se font caresser par les clients qui paient cher leur consommation pour avoir le privilège de gratouiller durant une demi-heure ces heureuses bestioles ! Incroyable…
Pour une première visite, Tokyo nous a charmés malgré le peu de monuments à se mettre sous la dent. Mais il y règne une ambiance si paisible, si polie, si respectueuse de l’autre que nous pourrions y rester des mois.
Et ça, c’est certain !