Le Boeing 777-300ER de la Qatar Airways se pose en douceur sur le tarmac de Doha après onze heures et demie de vol depuis Tokyo. Nous nous dégourdissons les jambes dans l’aéroport durant la courte escale avant de monter à bord d’un Airbus A320 en direction de la Turquie. Quatre heures plus tard, le moyen-courrier se pose délicatement sur la piste principale d’Ankara.
Une fois les bagages récupérés, nous n’attendons qu’une dizaine de minutes le départ d’un bus confortable de la compagnie Kamilcoç en direction de la Cappadoce. Lorsque nous arrivons à Göreme, le terme de notre voyage, quatre heures plus tard, il pleut. Tandis que Chantal reste à l’abri près des bagages, je m’en vais, emmitouflé dans mon K-Way, à la recherche d’une chambre. J’en trouve une assez rapidement, mais simplement pour 2 nuits, alors que nous aurions souhaité plus. Je la prends tout de même, car elle me semble d’un excellent rapport qualité-prix : nous aviserons au moment voulu pour un autre établissement.
En attendant, nous nous frictionnons sous la douche puissante et chaude de la petite, mais jolie salle de bains pour un décrassage bienvenu, le premier depuis les 38 heures qu’a duré le voyage depuis notre auberge de Kyoto ! Le tout sans jamais parvenir à fermer l’œil. Inutile de préciser que, sitôt le diner avalé, nous ne trainons pas une minute de plus et nous glissons sous la couette avec un délice rarement égalé !
Avecle décalage horaire, nous nous réveillons tous les deux à 4 heures du matin ! Flemmarde, Chantal préfère fainéanter au lit, tandis que je vérifie mon Sonyavant d’aller prendre quelques photos du village au moment du lever du jour. Il est 5 heures lorsque je mets le nez dehors et reste abasourdi par le nombre de montgolfières qui volent au-dessus de ma tête dans la lumière crépusculaire. Je n’en ai jamais vu autant. Le spectacle récompense largement mon effort matinal. Les yeux écarquillés, j’arpente les rues pentues de Göreme disséminé au milieu des pitons rocheux caractéristiques de l’endroit et grimpe vite au sommet de la colline qui domine le village et toute la campagne environnante. Le panorama qui s’étend alors à mes pieds est tout simplement époustouflant de beauté. Surgissant de toute part, les ballons viennent frôler les parois abruptes des cheminées de fée proches de la foule des spectateurs et, dans les nacelles bondées, je peux apercevoir le regard quelque peu paniqué de certains des occupants ! Au loin, dans la lumière bleue qui précède le lever du soleil, des pics émergent des nappes de brume légère qui flottent juste au-dessus du sol. Magnifique, irréel ! Depuis le belvédère où je me trouve, ceux que le prix prohibitif du vol a rebutés savourent sans retenue le spectacle grandiose que la nature et les pilotes de montgolfières leur offrent. Je suis pratiquement certain qu’à cet instant précis, comme moi, ils ne regrettent rien. À 5 h 15, le disque solaire apparait au-dessus de l’horizon et les rochers prennent alors une jolie teinte orangée qui tranche avec le bleu uniforme du ciel et les couleurs vives des ballons. Je redescends de mon nuage une heure plus tard et, les mirettes endolories par tant de beauté, rejoins Chantal qui m’attend avec impatience pour le petit-déjeuner. Elle ne sait pas encore ce qu’elle vient de louper ; durant tout le repas, je vais le lui expliquer…
Toujours sous le charme des scènes de ce matin, je repars, mais en compagnie de Chantal cette fois, pour une balade à pied vers le musée en plein air. Cette vallée à l’accès payant regroupe de nombreuses chapelles et anciennes habitations troglodytes. Avant d’y arriver, nous faisons une petite halte chez un potier qui propose tout un tas de cruches colorées. D’imposants pics rocheux en forme de dent cernent sa boutique. Dans l’enceinte du musée, une foule à dominance chinoise se presse à l’entrée des différentes églises creusées dans la pierre. Nous préférons attendre que le flux diminue un peu avant de nous y aventurer. Nous patientons donc tranquillement assis sur un banc à l’ombre d’un arbre en détaillant le paysage devant nous. Quelques coquelicots épars égaient les collines abruptes environnantes sur lesquelles des maisons sommaires ont été percées dans la paroi. Coincées entre les rochers, de petites parcelles graveleuses servent de terre d’accueil à des ceps de vigne dont les grappes commencent à se former sous le feuillage. Les queues étant désormais résorbées, nous nous enfonçons dans l’obscurité des chapelles rupestres qui parsèment le site. Dans beaucoup d’entre elles, des peintures religieuses parfois très abimées ornent les murs. Mais défense de les photographier, les gardiens veillent ; dommage, car certaines le mériteraient.
De retour à Göreme, nous flânons dans les ruelles typiques. Nous nous amusons dans un magasin de tapis à nous immortaliser affalés sur de confortables coussins avant de discuter un moment avec un artiste local plutôt sympa et très heureux d’accueillir des Français dans sa boutique qui lui sert aussi d’atelier. En rentrant, nous négocions à bon prix une chambre pour demain et les jours suivants dans un établissement situé tout près de celui que nous occupons actuellement. Dans une épicerie, nous achetons sans problème malgré le ramadan deux bouteilles de bière Efes que nous montons boire à l’heure de l’apéro sur la terrasse perchée au dernier étage de l’hôtel.
Pour changer du restaurant que nous avons pourtant bien aimé hier, nous en choisissons un pour son feu de cheminée auprès duquel nous nous installons aussitôt. Après dix mois passés à une température ne tombant qu’exceptionnellement sous les 26-27° en soirée, nous avons en effet du mal à supporter les 19° d’aujourd’hui !
D’épais nuages gris assombrissent encore un peu plus l’aube lorsque nous sortons tous les deux tôt le lendemain matin pour nous régaler du spectacle des montgolfières. Chose inouïe : il est 5 heures et, malgré la météo peu favorable, une bonne centaine de ballons se partagent déjà l’espace aérien au-dessus de Göreme. Chantal qui assiste à la représentation pour la première fois n’en croit pas ses yeux. Elle ne se doute pas qu’hier, avec le ciel dégagé, le spectacle était bien plus exaltant. Pour l’instant, elle en prend plein les mirettes malgré les premières gouttes qui commencent à tomber et qui nous incitent à regagner nos pénates avant qu’elles ne se transforment en averse.
Aussi beau que délicieux, le petit-déjeuner turc rime avec profusion et, sur notre buffet, les assiettes et les ramequins se chevauchent sur une bonne longueur de table. Ici, des olives noires ou vertes, là, des rondelles de concombre pour la fraîcheur. Par là-bas du şucuk, un saucisson de bœuf épicé qu’on mange cru ou cuit souvent accompagné d’un œuf. Pour compléter le tableau, il y a le fromage, en l’occurrence une sorte de fetaproposée avec un filet d’huile d’olive et du Kașkavalà croûte lavée et pâte semi-dure. Également typique du pays, le kaymak, produit laitier entre le yaourt crème fouettée, se déguste sur du pain agrémenté de miel. On se sert, on se ressert et on tartine tout ça sur de la mie classique ou du simit, sorte de baguette au sésame en forme d’anneau. À tout cela, nous ajoutons une belle portion de fromageblanc dans laquelle nous jetons quelques flocons de corn-flakes et deux ou trois cuillerées de miel liquide. Pour arroser le tout, nous nous versons un verre de jus de grenadine et une ou deux tasses de café. Lorsque nous quittons la terrasse presque une heure plus tard, nous pouvons attendre sans trop de soucis le repas du soir !
Pour digérer, nous préparons nos bagages et allons nous installer à une centaine de mètres de là dans notre nouvelle chambre. Nous devrions cette fois y rester 3 nuits, le temps de parcourir un peu plus cette Cappadoce qui nous plait tant.
L’averse est passée et le soleil brille de nouveau. Nous en profitons pour partir sillonner les sentiers du côté de la Vallée Rose. En cours de balade, nous nous reposons une dizaine de minutes dans un canapé fait main d’un café très local caché sous une affreuse bâche, mais qui propose de merveilleux jus d’orange pressée. Nous en prenons chacun un grand verre. Les tenanciers nous conseillent d’emprunter un autre chemin que celui indiqué sur les cartes. Inévitablement, nous nous égarons dans le labyrinthe des sentiers qui se croisent et se recroisent. Nous tombons sur un groupe de vététistes australiens déboussolés au milieu des pitons rocheux, puis sur deux Chinoises perdues qui n’osent pas s’aventurer plus en avant. Lorsqu’un Écossais nous déconseille vraiment d’aller plus loin, nous décidons alors de rebrousser chemin. Les deux jeunes Chinoises nous demandent la permission de nous suivre. Avec elles, nous revenons donc sur nos pas jusqu’au fameux bar… où l’on nous propose à nouveau des jus frais. Je commence à comprendre. Pour se donner une possibilité de revoir leurs clients, la jeune maman et son fils indiquent systématiquement le mauvais chemin aux promeneurs. Mais, de ce fait, aucune chance pour eux que nous nous y arrêtions une seconde fois ! Les Chinoises hésitent un moment, puis décident de tenter le coup par une autre voie. D’un petit belvédère où Chantal et moi sommes montés, je devine en contrebas un sentier qui pourrait les y emmener.À force de gestes, j’arrive à les orienter du mieux que je peux. Une vingtaine de minutes plus tard, je les aperçois qui parviennent à l’endroit voulu : elles ont trouvé le chemin de la Vallée Rose, exactement à l’opposé de la direction donnée par la femme de la gargote ! Je me promets d’y revenir si nous avons le temps. Le paysage semble vraiment beau. Sur les sentiers pentus qui serpentent au milieu des cheminées de fée, Chantal glisse souvent et se fait quelques frayeurs. Des pigeonniers sont creusés dans les falaises et accueillent des colonies d’oiseaux qui volent par dizaines dans un ciel désormais dégagé. Un chien berger allemand impressionnant par sa stature nous accompagne une bonne partie du chemin vers le village, mais nous quitte dès l’apparition des premières maisons. Le ne va pas tarder à se coucher lorsque nous arrivons dans notre nouvel hôtel : belle occasion pour tester la terrasse du jardin en dégustant une Efesbien fraiche.
Pour diner, nous retournons dans le restaurant du premier soir que nous n’avions pas forcément apprécié à sa juste valeur tant la fatigue nous accablait. Ce soir, tandis que Chantal se contente d’une brochette de poulet grillé, le testi kebabqu’on me sert me comble d’aise. Préalablement cuits hermétiquement à haute température durant plusieurs heures, les ingrédients, de la viande de bœuf ou d’agneau, des tomates, quelques gousses d’ail, de petits poivrons verts, du beurre, du sel, du poivre et des épices sont réchauffés dans un pot en terre cuite, le testi,fermé par de la pâte à pain et donnant aux aliments un goût authentique. Cette façon de cuisiner est ancestrale et typique de la Cappadoce. Je ne peux réprimer un « C’est délicieux, je me régale » comme le dirait notre petit-fils Octave à la vue d’un plat qu’il apprécie !
Toute la journée du lendemain, je reste travailler sur mes photos et mon blog tandis que Chantal s’aventure seule dans le village. Nous prenons tout de même le temps de nous promener ensemble de 16 à 19 heures avant d’aller diner.