Après un voyage où nous étions séparés et tassés dans un minivan bondé, la conductrice du songthaew nous dépose gentiment au croisement de la rue de notre hôtel retenu sur Booking. C’est la première fois que je réserve un séjour de plus d’une semaine sur ce site, ayant pour habitude de chercher notre hébergement une fois arrivé sur place. Nous avons la mauvaise surprise de constater que la chambre n’a pas de salle de bains privée, ce qui est omis dans la description. Mais nous n’avons pas le moyen d’y remédier, aucun logement de l’établissement n’en possédant. Les aménités que je profère à la réceptionniste ne l’émeuvent pas plus que cela, ce qui m’agace un peu. Je me promets de le signaler vertement au site de réservation. La chambre, dont la surface nous permet à peine de nous retourner, possède une seule fenêtre et, qui plus est, donne sur le couloir. L’armoire dans laquelle nous rangeons nos affaires constitue l’unique point positif de notre très petit chez nous. Bref, en cas d’arrivée tardive pour un prochain séjour, où qu’il se trouve, je ne réserverai que la première nuit et aviserai ensuite d’un prolongement éventuel. Pour l’instant, il ne reste plus qu’à attendre que les toilettes et la douche, communes, se libèrent pour aller nous soulager et nous décrasser… J’adore !
Une fois remis de nos émotions, nous partons à l’assaut de cette petite ville du nord de la Thaïlande où nous ne sommes pas revenus depuis cinq ans. Elle n’a pas énormément changé, du moins dans sa partie centrale, la plus intéressante. Je me reconnais assez facilement, retrouve très vite mes repères, tandis que Chantal patauge un peu plus dans ses souvenirs. Pour fêter notre arrivée, nous nous offrons une bière dans un joli bar qui semble nouvellement ouvert puisqu’il sent le béton frais à plein nez et que le patron, apparemment scandinave, demande à sa compagne thaïe de suspendre les éléments de décoration qu’il est en train de déballer. Nous nous dirigeons ensuite vers le restaurant local que nous fréquentions. La responsable nous apprend malheureusement que la dame qui le gérait et que nous aimions beaucoup vient de décéder d’une longue maladie. Nous en sommes tous les deux très chagrinés. Ce soir, le lak que j’adore tant et le porc à l’ananas de Chantal ont un gout amer…
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons au marché de nuit où les touristes de tous poils s’agglutinent autour des stands de nourriture exotique et la dégustent sur les tables disposées sur la place centrale. Sur les deux estrades, situées l’une à l’entrée, l’autre à l’extrémité, se succèdent groupes de musique folk et danseuses à paillettes transgenres. Tout autour, une multitude de boutiques proposent les mêmes souvenirs, les mêmes vêtements, les mêmes ticheurtes, les mêmes bijoux de pacotille. Nous avons beau être habitués à voir ces marchés partout en Asie, ils nous amusent à chaque fois sans que nous comprenions pourquoi personne n’a l’idée de se démarquer des autres en proposant quelque chose de différent. Mais ont-ils simplement le choix d’approvisionnement ?
Durant les deux jours suivants, le ciel nous tombe une nouvelle fois sur la tête. La pluie incessante nous cloue à l’hôtel toute la journée. Nous n’en sortons, encapuchonnés, que pour aller diner dans des restaurants locaux pas trop éloignés. Près de la pittoresque tour de l’horloge, emblème de la ville, nous retrouvons la vieille dame musulmane qui nous confectionnait d’excellents rotià la banane. Ce soir encore, en guise de dessert, nous nous en régalons.
Au matin du troisième jour, pour nous dégourdir les jambes restées pratiquement inactives durant deux longues journées, nous partons faire un grand tour à pied sous un ciel enfin plus clément. Nous retrouvons sans peine notre ancienne guesthouse, désormais transformée en hôtel sans charme et cernée de bâtiments modernes. À nos yeux d’étrangers, le progrès n’a pas toujours que de bons côtés ! On aura malheureusement beau faire, on n’arrêtera pas de sitôt la construction de ces verrues architecturales de bas de gamme. Dommage… Les temples, eux, résistent bien aux années, même si les rénovations nous laissent parfois pantois. Heureusement, celles de Chiang Rai nous paraissent mieux pensées et mieux réalisées que dans beaucoup d’autres endroits. Le Wat Ming Meuang s’enorgueillit d’un bâtiment récent qui s’intègre plutôt bien au milieu des édifices anciens, le Wat Klang Wieng a reçu un nouvel habit de peinture blanche et rouge qui a dissimulé les affres des années. Quant à l’atmosphère du Wat Phra Khaew où une grande quantité d’orchidées et fleurs a été plantée, elle repose toujours autant. Nous continuons la promenade jusqu’à un immense centre commercial assez éloigné où nous nous régalons avec un cornet de glace de chez McDo. Lorsque nous rentrons après avoir diné à l’hôtel, nous avons effectué au moins quinze kilomètres dans la journée. Pas mal pour une reprise !
Et le lendemain, nous remettons ça avec la visite d’autres temples et d’autres parcs aux quatre coins de la ville ! Nous n’arrêtons plus !
Le matin suivant, nous louons une moto pour trois jours pour partir à la redécouverte de la région. En premier lieu, nous nous rendons au Wat Rong Khun, le célèbre et touristique temple blanc que nous avons admiré une première fois il y a cinq ans, mais que nous tenons à revoir tant il nous avait plu. Cette fois encore, nous restons subjugués par sa beauté, d’autant plus qu’une brume légère le nimbe lorsque nous arrivons. Nous profitons de l’heure matinale pour en jouir au maximum avant que la foule rappliquepar cars entiers. Nous photographions tous les deux à tire-larigot sans penser au temps qu’il faudra pour trier, sélectionner et archiver tous nos clichés : des heures et des heures en ce qui me concerne. Tant pis ! Nous continuons de déclencher dans tous les sens. La lumière sur le blanc de temple se découpant sur le bleu pur du ciel devenant trop dure, nous partons à 11 heures en expédition dans les montagnes avoisinantes. En cours de route, nous tombons sur un Français en moto qui habite le coin et qui promène un couple d’amis avec lui. Il nous invite à le suivre sur la chaussée sinueuse qui traverse de petits villages typiques où les femmes portent encore l’habit traditionnel et le bonnet en pièces d’argent. Avant de poursuivre son chemin, il nous indique un point de vue perché qui offre un panorama magnifique sur des kilomètres à la ronde. Le doi Chang doit être le lieu de rencontre favori de la jeunesse locale. De nombreux groupes d’adolescents, garçons et filles, profitent d’une journée sans école pour s’y rejoindre et passer le temps entre chuchotements et rires. Très loin, je distingue Chiang Rai et, légèrement plus proche, le fameux temple blanc qui dépasse la verdure de la végétation. La descente vers celui-ci dure une quinzaine de kilomètres et met à mal les freins de la moto. Je profite d’une partie moins pentue pour l’arrêter comme je peux et nous patientons un bon quart d’heure avant que leur efficacité, momentanément disparue, ne revienne. Nous en avons été quittes pour une grosse trouille rétrospective !
Une jolie lumière qui commence à dorer revêt les formes blanches alambiquées du Wat Rong Khun quand nous y arrivons en milieu d’après-midi. Nous profitons d’une foule beaucoup moins dense que lorsque nous l’avons quitté en fin de matinée pour flâner au milieu des sculptures étranges recouvertes de mosaïque réfléchissante. Ce temple, vraiment pas comme les autres, a un pouvoir d’attraction phénoménal sur nous deux. Cette quatrième visite ne sera certainement pas la dernière si nous venons de nouveau trainer dans le coin.
Pour terminer cette belle journée, nous nous rendons sur le Marché du Samedi qui s’étend sur plusieurs rues du centre de Chiang Rai. Malgré le monde, la balade s’y révèle beaucoup plus aisée qu’à Chiang Mai et surtout moins touristique, fréquenté principalement par les locaux. La part de gâteau fourré à la noix de coco que nous achetons à une jeune femme souriante ne résiste pas longtemps à notre gourmandise conjointe. Nous sommes en train de la terminer lorsque nous apercevons une scène plantée dans le parc du Festival des Fleurs vers laquelle se précipitent les gens et en particulier les jeunes. Curieux, nous nous en approchons aussi. Quelques minutes plus tard, Ben Chalatit, apparemment très apprécié des femmes présentes, mais qui, d’après ce qu’on nous en a dit, s’intéresse plus aux garçons, entame son tour sous de timides applaudissements. L’ambiance monte de plusieurs crans à mesure que le show avance et se termine, comme partout ailleurs dans le monde, par les hurlements des fans qui s’égosillent juste devant la scène. Un jeune qui semble connaitre tous ses morceaux nous apprend qu’il est considéré comme la star numéro un de la chanson populaire en Thaïlande. Une fois de plus, nous avons eu de la chance. Alors qu’il est en train de s’adresser au public en leur racontant des histoires certainement être drôles, mais que nous ne comprenons pas, nous quittons discrètement le spectacle.