Le bus est très confortable. Il est vrai que nous avons choisi l’option la plus chère pour avoir plus d’aise qu’avant-hier, dans celui qui nous a amenés à Bangkok. Peu après le départ, une hôtesse nous sert un plateau-repas et boisson. Nous qui venons de prendre par précaution un grand Milo (ressemblant à notre bon vieux Cacolac) dévorons sans problème le riz et la viande très épicée et les deux cakes. Je réserve ma brique de jus de raisin et mon café soluble pour plus tard. Calé confortablement dans mon large siège, je me laisse bercer par la musique de mon iPod, tandis que Chantal lit sur son iPad. Bien au chaud sous l’épaisse couverture fournie, nous ne dormirons pourtant pas. Notre seule consolation est d’arriver presque frais et dispos et, surtout, sans mal de dos notoire. Rien que pour cela, nous ne regrettons pas notre argent.
Il fait encore nuit lorsque nous montons dans le tuk-tuk qui nous emmène à l’adresse que nous communiquons au conducteur. Nous espérons obtenir une chambre dans l’hôtel où nous avons logé quand nous sommes venus ici, il y a 14 mois. Mais nous devons attendre 10 heures pour en avoir une. La dame de la réception nous la propose pour plus de deux fois le prix d’alors. Devant notre refus de payer un tel tarif et après une discussion un peu animée, elle nous la laisse pour une somme supérieure de « seulement » 50 %, mais nous en promet une autre moins chère pour demain. En fait, la chambre qu’on nous attribue nous parait beaucoup moins bien que celle que nous avions occupée l’année passée : dur, dur ! Mais, demain, c’est sûr, nous en aurons une autre…
Après une toilette qui nous a bien réchauffés (il ne faisait que 15° à 8 heures), nous filons directement au petit kiosque du coin manger un excellent fried rice. Il est toujours aussi bon et cela finit de nous retaper ; nous pouvons maintenant attaquer notre promenade sans problème. La température, plus fraiche qu’à Krabi et Bangkok, nous permet de marcher sans transpirer : nous n’avions plus l’habitude ! Nous prenons la direction de Warorot Market tout en nous arrêtant dans les temples qui bordent le parcours. Chiang Mai est réputée pour le nombre de ses édifices religieux. Il y en a à tous les coins de rue. Nous passons un peu de temps dans certains d’entre eux avant de nous aventurer dans le grand marché couvert. Nous craquons devant deux écharpes et les achetons à la dame qui tient ce stand d’objets plus ou moins ethniques. Au rayon de l’alimentation, je note un cafard qui se promène sur les poissons impeccablement rangés. Il va se cacher dans la tête de l’un d’eux. Ce soir, je mangerai du poulet ! Pourtant habitués à voir ce genre de choses, nous préférons tout de même poursuivre notre visite du côté des fleurs. Ébahis par la dextérité des femmes qui confectionnent colliers, gerbes et bouquets odorants, nous restons un bon moment les regarder choisir, trier, couper, arranger leurs boutons. Ces magnifiques compositions, à base d’orchidées et de roses, ne sont vendues majoritairement qu’entre 0,50 et 3 euros ; à faire pâlir de honte les fleuristes français !
La journée passe très vite à flâner dans les rues animées ou dans les temples où les visiteurs affluent. Nous sommes en pleine saison touristique et nous le sentons très bien à travers l’agressivité de certains guides ou chauffeurs de taxi qui harcèlent sans cesse les passants. Cela nous pèse et nous change beaucoup de Krabi où cette catégorie de personnes, plutôt sympa et souriante, n’insiste pas devant un refus comme ici. Et puis je ressens pour la première fois une certaine hostilité envers les voyageurs de la part de certains locaux. Pour échapper un peu à tout cela, nous nous réfugions, au moment du diner, dans un restaurant que nous connaissons. À notre grande surprise et contrairement aux années passées, il n’y a pas foule dans la salle carrelée. Nous en comprenons le pourquoi dès que nous goûtons nos plats : tout bonnement infects. Des grumeaux flottent à la surface d’un liquide infâme et mal dilué qui aimerait s’appeler sauce. En plus, les portions désormais ridiculement petites font peine à voir au fond du bol. Je me force pourtant à avaler ce semblant de mets qui était l’une des très bonnes spécialités de la maison l’année dernière encore. En quittant ce restaurant devenu minable, j’ai toujours aussi faim. Sur un marché de nuit proche de là, je bâfre une assiette de riz et de porc en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire ! Me voilà enfin repu !
Le lendemain matin, comme nous nous y attendions un peu, la dame de la réception nous affirme qu’elle ne peut pas nous changer de chambre. Ni une, ni deux, nous voilà cinq minutes plus tard à ranger nos bagages dans une pièce qui fait office de consigne. Nous venons de décider de redescendre à Krabi, à 1 600 kilomètres de là, en nous arrêtant le plus rapidement possible à Bangkok récupérer nos passeports. Pour cela, nous achetons deux billets pour le train de nuit de ce soir auprès de l’agence de voyages de l’hôtel, puis allons manger un copieux muesli chez Tip, la jeune maman thaïe qui nous les servait les années précédentes dans son stand de Somphet Market. Cette fois-ci, sa sœur la remplace pour lui permettre de profiter quelques mois de son bébé et nous sert tout aussi généreusement. Une demi-heure plus tard, nous ressortons de la halle rassasiés ; Chantal a même eu peur de ne pas pouvoir terminer son assiette. C’est donc peu dire que la part était énorme. Ils demeurent, de loin, les meilleurs et les plus copieux mueslis qu’on ait jamais mangés ; et toujours à un prix ultra compétitif… Nous passons le restant de la journée à arpenter les rues et les temples les plus connus. À 16 heures, nous retournons chercher nos bagages à l’hôtel et allons acheter deux portions de riz frit au poulet dans la cantine où nous avons pris le petit déjeuner hier. Nous les mangerons plus tard dans le train. Un tuk-tuknous emmène à la gare où le convoi attend déjà au quai. Nous avons le temps de nous installer tranquillement avant qu’il ne démarre, pile à l’heure. Le soleil tombe rapidement sur les beaux paysages de rizières. Nous nous délectons de ce moment qui magnifie les campagnes tout en avalant nos fried rice. Juste après ce repas frugal, la contrôleuse passe préparer nos couchettes. Nous avons tous les deux une place en haut, plus étroite et moins chère que celle du bas qui est plus large. Tandis que Chantal parvient à s’endormir, je ne ferme pas l’œil de la nuit. J’en profite pour regarder un film sur mon ordi et écouter de la musique. Lorsque le convoi entre en gare de Bangkok, le jour est en train de se lever.
Avant toute chose, nous nous occupons de trouver un moyen de transport pour rejoindre Krabi. Une fois encore, nous optons pour le train et je me rends au guichet acheter les billets. Nous repartirons donc d’ici ce soir, mais nous qui voulions laisser les bagages à la consigne, ressortons avec ceux-ci. Le gardien nous demandait, en effet, deux fois le prix affiché. Deux jeunes Français qui nous suivaient ont fait de même. Y n’avait qu’à pas !
Nous avons décidé d’attendre l’ouverture de l’ambassade sur la terrasse de l’hôtel où nous avons l’habitude de descendre. Pour cela, nous prenons le métro, juste à l’heure de pointe : pas génial avec les sacs ! Parvenus à la guesthouse, nous nous affalons sur les chaises en plastique rangées sur le trottoir, le long de la vitrine. Un peu gêné de profiter ainsi de la situation, je préfère attraper mon appareil et partir dans le quartier faire quelques photos. Chantal qui a moins de scrupules que moi choisit de rester lire. À 14 heures, nous prenons place, avec tout notre barda, dans la queue devant l’entrée de l’ambassade indonésienne. Quelques instants plus tard, Chantal, qui gardait les sacs sur le trottoir, me voit revenir avec le sourire aux lèvres : j’ai les sésames à la main. Cela nous évitera de prolonger les visas une fois à Bali, opération toujours fastidieuse. Nous gagnons ensuite le Siam Center et nous installons confortablement dans de grands fauteuils en velours. Pour passer le temps, nous partons, chacun notre tour, flâner dans les allées du centre commercial luxueux et assister à quelques morceaux d’un boys bandpour minettes qui s’y produit…
Dans le quartier de la gare, je repère un stand de rue qui grille la volaille. Je choisis deux grosses parts que la dame me met dans un sac plastique. On les mangera plus tard. J’achète aussi quatre sandwiches frits, deux au thon et deux au poulet, auprès d’une petite mamie. En fait, nous n’attendons pas d’être dans le train pour commencer à les grignoter, nous les dévorons aussitôt assis sur les sièges du grand hall. Dans la précipitation, je me renverse toute la sauce des poulets sur le bermuda. C’est la première fois du voyage que Monsieur Tâches revient m’embêter ! Évidemment, Chantal est pliée de rire… Pas moi !
Pour cette fois, nous avons réservé une couchette basse et une couchette haute. Chantal qui dort presque n’importe où me laisse choisir celle du bas. Je lui suis reconnaissant et pionce vraiment bien cette nuit, même avec le groupe de jeunes nordiques qui n’arrêtent pas de s’abreuver comme voisins ! Lorsque j’ouvre un œil, le soleil rougit déjà l’horizon. Nous arrivons à Surat Thani, où un minivan pour Krabi doit nous attendre. En fait de minivan, c’est un vieux car, un peu pourri, qui nous dépose quelques kilomètres plus loin sur le bord de la route devant une sorte de maison en tôle qui se fait appeler bus station ! Le van, archi bourré, partira de là. Mais, d’abord, nous devons patienter une bonne demi-heure avant que le chauffeur ne veuille bien démarrer !
Nous terminons le trajet à pied, le conducteur ayant stoppé son véhicule à environ 500 mètres de notre gîte. Nous en profitons pour manger une soupe copieuse aux nouilles chez notre petit papy qui semble tout heureux de nous retrouver. Comme l’est aussi la réceptionniste de l’hôtel en nous voyant débarquer. Désolée de ne pouvoir nous loger dans la même chambre pour cette nuit, elle nous promet de nous redonner « la nôtre » à partir de demain.
Ça fait du bien de revenir chez soi !…