Ce soir, nous dinons sur le marché de nuit du week-end, celui que nous préférons. Les habitudes ne sont pas perdues : Chantal prend un beef curryet moi un tom yam. Dans ma mémoire, je ne me souviens pas d’en avoir mangé de meilleur ailleurs. La jeune femme nous sert dorénavant très avantageusement. Comparées aux parts qu’elle présente à ses autres clients, les nôtres sont devenues énormes ; lorsque nous avons terminé nos bols, nous n’avons vraiment plus faim. Cela ne nous empêche pourtant pas d’aller acheter une gaufre au maïs, délicieuse, dans un stand voisin avant de nous diriger vers le second marché de nuit, celui installé près des quais et désormais hyper touristique. Nous y retrouvons André et Hou, sa jeune femme thaïe, tout surpris de nous voir si tôt revenus. Par simple gourmandise, nous commandons toujours le même jus de fruits au sympathique Mee qui nous concocte deux énormes cocktails dans lesquels la paille tient toute seule. Et quand il en prépare pour d’autres, il s’empresse de compléter nos gobelets avec ce qui lui reste après avoir servi ses clients. Nous buvons ainsi, chaque soir, pratiquement deux grands verres de ce nectar. Un repas entier comme celui d’aujourd’hui nous revient à 160 baths, soit environ 4 euros pour nous deux…
Après avoir bouclé nos sacs et les avoir regroupés près du lit pour que la femme de ménage les monte dans « notre chambre » lorsque celle-ci sera prête et après une bonne soupe aux nouilles et au poulet, nous prenons un songthaewpour Ao Nang. Les vacances de fin d’année sont maintenant terminées et il y a beaucoup moins de monde sur la plage. On ne s’en plaindra pas. Les bains dans une mer tiède qui nous rafraichit à peine se succèdent tout au long de la journée, entrecoupés par deux ou trois balades jusqu’au bord de la forêt. Là-bas, je reste regarder des macaques effrontés plonger leurs pattes dans les cabas des touristes qui veulent se prendre en photo avec eux. Les plus hardis et les plus rusés parviennent même à chiper les plastiques tenus à la main contenant de la nourriture ou de la boisson. Un monsieur qui avait caché des bananes dans son sac de plage se fait voler celui-ci par un singe plus malin que les autres. Par contre, pour récupérer son bien, le vieil homme doit affronter quelques individus qui défendent férocement leur butin et tentent de lui sauter dessus en montrant les crocs. Armé d’une grosse branche, le bonhomme parvient en fin de compte à leur soustraire le fameux sac, désormais vidé de toute pitance. Tout le reste git en vrac sur le sable : appareil photo, téléphone, vêtements, serviette ! Cela me rappelle la fois où Chantal s’est fait voler ses lunettes, pourtant sur son nez, à Bali par un singe chapardeur. Elle les avait récupérées, mais complètement déglinguées. Depuis, on essaie de faire attention et d’anticiper leurs réactions… et l’on rigole bien de ce qui arrive aux autres !
Levés de bonne heure le lendemain matin, nous louons une moto et partons au hasard des petites routes découvrir des coins que nous ne connaissions pas, au milieu des pics karstiques. Les falaises, coiffées d’une végétation d’un vert intense, présentent leurs flancs ocre et rouille à la lumière dorée du soleil matinal. Il ne faudrait user que de superlatifs pour décrire la vision offerte par ce décor si particulier, mais je n’écrirai qu’une banalité : c’est tout simplement BEAU ; en lettres capitales… Nous terminons notre jolie balade sur la plage de Tup Kaek qui fait face à un amas d’iles et de gros pitons rocheux qui fait immanquablement penser à la baie d’Halong au Vietnam. Nous nous installons à l’ombre des arbres et flemmardons une bonne partie de la journée sur le sable fin. Pour retourner à Krabi, nous empruntons, comme ce matin, le chemin des écoliers qui nous mène jusqu’au port maritime, un peu lugubre avec sa construction moderne perdue au milieu des parkings sans voitures, son avion de chasse, son vieux bâtiment retapé de la marine militaire… et l’absence de bateaux ! Nous poursuivons la promenade dans un quartier aux abords de la ville où nous découvrons la piscine publique dont nous ont parlé André et Hou. Je ne sais pas encore si nous y viendrons, mais nous avons maintenant connaissance de sa présence.
Le lendemain, nous avons la visite de copains dinannais, Arnault et Guylène, qui viennent passer deux semaines de vacances en Thaïlande. Après les nombreux mails échangés, le rendez-vous a enfin lieu, sur la terrasse de notre hôtel. Ils y ont réservé une chambre pour deux nuits. Après la sacro-sainte Changde l’apéritif, nous filons tous les quatre sur le marché de nuit ; les heureux vacanciers souhaitent découvrir la nourriture locale. Même si la qualité des plats ne laissera un souvenir impérissable à aucun d’entre nous, cet endroit animé plonge immédiatement nos amis dans l’ambiance exotique qu’ils sont venus chercher. La soirée passe à une allure folle et se termine devant les excellents jus de fruits que Mee nous a confectionnés. Tout le monde rejoint ses pénates aussitôt les verres terminés. Le décalage horaire agit encore…
Nous nous retrouvons le lendemain matin pour aller prendre un muesli et un bon café dans un restaurant proche de l’hôtel. Une demi-heure plus tard, nous montons à bord du bateau longue-queue qui nous emmène directement à Prah Nang et ses plages magnifiques. Il y a, cette fois, beaucoup moins de monde que l’autre jour où nous étions venus avec les Mimis et le ciel restera d’un bleu pur tout au long de la journée. Nous en profitons pour nous baigner, nous baigner et nous baigner encore… Ayant atteint notre quota de soleil, nous rentrons par Ao Nang : Arnault doit impérativement acheter une carte mémoire pour sa caméra. La sienne est déjà pleine et l’étourdi qu’il est a oublié les autres en France ! Il en trouve une « vraie », et non une copie comme dans la majorité des cas, dans une boutique spécialisée. Heureux d’avoir retrouvé son jouet, il monte dans le songthaewpour Krabi, ravi. Nous trinquons tous les quatre à la bonne journée que nous venons de passer.
Quelques jours plus tard, nous avons la surprise de voir débarquer les Mimis, de retour de Birmanie, et qui se rendent à Koh Lanta en compagnie de la sœur de Michel et de son mari. Ils arrivent, pas très frais, de Bangkok et ont deux heures d’attente avant de continuer leur chemin. Nous en profitons pour aller prendre une bonne soupe aux nouilles chez nos petites mamies préférées ; inutile de préciser que les deux heures passent à une vitesse folle. Nous les accompagnons jusqu’à leur minivan et donnons rendez-vous aux deux Mimis dans quelques jours à Kuala Lumpur.
Les jours défilent très vite. Souvent, nous profitons de la météo clémente pour louer une moto et aller à la très jolie plage de Tup Kaek. Un sentier qui serpente à travers la forêt débouche sur une mince bande de sable fin abritée par des arbustes et des cocotiers. Que désirer de mieux ? Seules quelques rares personnes logeant dans les hôtels de luxe du coin viennent troubler la quiétude qui règne sur ce petit bout de paradis lors de leur promenade quotidienne. Nous passons, là, des journées à nous baigner, nous sécher, nous baigner, nous sécher, nous baigner… En général, nous reprenons la moto vers 16 heures pour regagner Krabi par le chemin des écoliers. En route, lorsque nous passons devant un marché local, nous nous y arrêtons systématiquement pour acheter un ananas sucré, juteux et toujours énorme. La région en produit d’ailleurs de sublimes. La vieille marchande nous l’épluche joliment, à la manière asiatique qu’on ignore encore en France et nous le tend, coupé en quartier et accompagné d’un mélange de sucre et de sel ; il ne résiste que quelques minutes à notre gourmandise. Une fois, je profite de passer à proximité pour m’arrêter à Outlet Village où nous sommes déjà venus avec les Mimis. Au grand dam de Chantal qui ne trouve rien à lui plaire, je me laisse séduire par un bermuda Oakley et un ticheurte sans manches Le Coq Sportif, le tout vendu la moitié du prix boutique : je n’ai pas su résister ! Une fois rentrés et après une douche bienvenue, nous descendons prendre une Chang et un Spy bien frais sur la terrasse de l’hôtel en nous gavant de cacahuètes, elles aussi achetées sur le marché. Un sachet de 500 grammes ne dure jamais plus de 3 soirées. Après cet apéritif devenu quasi quotidien, nous retournons, les trois soirs du week-end, sur le marché où la jeune dame et son mari servent toujours un excellent beef curry à Chantal. Pour ma part, leur copieux tom yam restera certainement encore longtemps le meilleur que j’ai jamais mangé. Ces jours-là, je termine mon repas par une gaufre au maïs que j’achète toujours au même jeune homme. Un soir, j’arrive alors qu’il ne lui en reste que deux. Il était temps ; un peu gêné, il me tend les deux alors que je ne lui en avais commandé qu’une seule et, dans un grand sourire, refuse catégoriquement que je les lui paie. Incroyables Thaïlandais. Je n’en achèterai plus jamais ailleurs que chez lui. Les autres jours de semaine, nous cherchons d’autres petites cantines, pas chères. Nous trouvons parfois notre affaire sur le trottoir où la soupe aux nouilles et aux wan tan ravit nos papilles ou bien encore dans un restaurant local où la nourriture est très bonne, mais le service malheureusement très long. Pour terminer agréablement tous ces diners, nous nous rendons immanquablement sur l’autre marché de nuit, ouvert tous les jours, retrouver Hou et André et déguster un jus de fruits chez Mee. Je devrais plutôt dire deux, car avec tous les fonds de cocktails qu’il nous rajoute lorsqu’il lui en reste après avoir servi ses clients, la quantité totale bue est certainement plus proche du deux que du un ! Et malgré tout cela, nous perdons toujours un peu de poids… À décourager les adeptes des régimes amaigrissants !
Quelques jours avant notre départ, André nous convie à une balade sur le bateau qu’il a acquis il y a quelques mois. Les Bretons que nous sommes ne sauraient refuser l’invitation ; l’appel de la mer est toujours très fort, du moins pour moi. Ce matin, la promenade se déroule uniquement dans l’estuaire, mais cela suffit amplement à notre bonheur. Le capitaine André se débrouille comme un chef pour sortir l’embarcation de la marina. Il nous trimbale ensuite, à travers les canaux de la mangrove, jusqu’au pied des fameux rochers de Krabi. Deux fois, le chapeau de paille que portent alternativement Hou et Chantal s’envole et tombe à l’eau. L’exercice de repêchage de galurin n’a presque pas de secrets pour le commandant. Une seule fois (sur les deux !), le bateau passe en plein sur le couvre-chef ! Heureusement, l’hélice du moteur ne le touche pas, mais il faut recommencer la manœuvre pour le récupérer. Puis, après une entrée dans la marina un peu sportive à cause du courant, nos amis nous déposent à notre auberge avant de revenir nous chercher pour nous emmener chez eux. En fait, Hou a préparé un merveilleux riz gluant à la noix de coco et à la mangue qui accompagne très bien le bon café qu’elle nous a servi avec. Il fait presque nuit lorsqu’ils nous laissent devant l’hôtel pour la seconde fois de la journée. En nous quittant, ils nous donnent quelques idées de visite dans les environs. Nous avons vraiment passé un très agréable moment en leur compagnie. Nous les en remercions. Demain, ils prennent l’avion pour aller se détendre quelques jours dans l’Est du pays, sur les bords du Mékong. Nous leur promettons de les appeler si nous revenons un jour à Krabi… Ce qui est loin d’être impossible !
En nous rendant à la plage quelques jours plus tard, nous nous arrêtons au Maritime Spa et Resortque Hou et André nous ont conseillé de visiter. Leonardo di Caprio y aurait séjourné. Contrairement aux bâtiments qui paraissent aujourd’hui un peu vieillots, l’immense piscine trône, majestueuse, à l’entrée du parc qui mène jusqu’à la mangrove. Nous y effectuons une courte balade avant de reprendre la moto. Sur le chemin de Tup Kaek, nous découvrons un second endroit que nos amis nous ont recommandé : près d’une rivière nichée au pied d’une falaise, des cornacs proposent des promenades à dos d’éléphants. Dans ce lieu paisible, nous restons un petit moment à étudier la démarche pataude des hauts pachydermes qui balancent, d’un côté et de l’autre, les touristes de tout âge assis par deux ou trois dans les nacelles fixées sur leur échine.
Le terme du séjour thaïlandais arrive à une vitesse folle et nous dormons une dernière nuit à Krabi. La vieille dame et son mari qui tiennent l’hôtel nous proposent de revenir dans leur établissement la prochaine fois que nous repasserons par là. Nous le ferons certainement, car nous devinons qu’ils nous aiment bien. De plus, notre chambre, assez simple, mais avec la climatisation, un frigo et la télé, se situait au 5e étage et offrait une jolie vue du lever de soleil sur la rivière. Nous redemanderons celle-là. Par contre, les tarifs risquent de grimper puisqu’ils ont prévu l’installation d’un ascenseur… Mais Chantal est déjà d’accord !…
Quoi qu’il en soit, au moment du départ, le vieux patron et la charmante réceptionniste nous accompagnent jusqu’au taxi qui est venu nous chercher pour nous emmener à la station de bus. Ils restent sur le seuil tant que la voiture disparaisse à leurs regards…
Nous avons tous les deux les yeux humides…