Nous venons de passer une journée dont nous nous souviendrons longtemps.
De la nuit suivante aussi, d’ailleurs ! Des ouvriers travaillent en effet sans relâche à la construction d’un immeuble à moins de trois mètres de notre fenêtre. Et, en plus, parlent et rigolent à gorge déployée comme en plein jour. Bien énervés, nous restons éveillés jusqu’aux premières lueurs matinales. Avant le petit-déjeuner, je demande à Very sorry Mam, very sorry Sir de nous changer de chambre pour ce soir. En refusant ma requête, il s’embrouille dans de bien vaseuses explications. Son incompétence et sa mauvaise foi sont affligeantes au plus haut point. Je ne crois bien évidemment à aucun de ses arguments. Pourtant, Chantal parvient à me convaincre de rester. Avant de partir en balade, je descends à la réception récupérer notre linge déposé hier pour être lessivé. Sur un signe de tête de mon nouvel ami, un jeune homme me tend les vêtements roulés en vrac au fond d’un sac poubelle. Je ne dis rien, mais n’en pense pas moins. En défaisant le paquet, Chantal s’aperçoit qu’en fait rien n’a été lavé ! Mais où sommes-nous donc tombés ?
Nous partons donc à la recherche d’une nouvelle chambre
Écœurés, nous partons aussitôt à la recherche d’une nouvelle chambre. Après quelques essais infructueux, nous en visitons une dans l’hôtel où nous avions séjourné il y a 12 ans. Après nous être mis d’accord sur le prix avec le même patron qu’à l’époque, nous retournons préparer les bagages pour le déménagement. Lorsqu’il nous aperçoit descendre avec nos sacs, Very sorry Mam, very sorry Sir baisse la tête et n’ose pas réclamer son dû. Nous nous retrouvons donc dans la rue, mais, pris d’un remords, je remonte et lui tends la moitié de la somme en lui signifiant que c’était largement suffisant. Le bougre ne s’attendait même pas à ce que je laisse quelque chose. Thank you Mam, thank you Sir ! dit-il en se fendant d’un grand sourire. Désolant…
Nous avons pourtant une petite frayeur en revenant du restaurant le soir : de la musique live nous parvient le luxueux hôtel d’à côté. Heureusement, tout rentre en ordre aux alentours de 21 heures. Cette nuit, après celle d’hier où nous n’avons pratiquement pas fermé l’œil, nous dormons tous les deux à poings fermés…
Nous avons pris le petit-déjeuner à la réception de l’hôtel avant de sortir en ville. La fraicheur nous surprend. Le soleil a disparu et les nuages ont fait leur apparition. Même si j’ai un doute sur la qualité, j’achète un pull en cachemire, la spécialité népalaise, dans une boutique de Thamel. Le jeune vendeur m’offre un thé masala le temps que Chantal retourne à la chambre chercher de l’argent. Nous n’avions, en effet, absolument pas prévu de dépenses de ce type ce matin. À peine dans la rue, Chantal tombe sur un collier qui lui plait ! Après une discussion pour en faire baisser le prix, pourtant peu élevé au départ, elle le prend ! Nous poursuivons tranquillement la promenade lorsque j’aperçois un bracelet en turquoise dans une bijouterie. À l’écart du parcours touristique, celle-ci me fait plus confiance que celles de Thamel. Par contre, le patron reste inflexible sur le tarif. Après un moment de réflexion, comme Chantal, je cède et ressors de la boutique le colifichet au poignet. Heureusement pour notre budget, les premières gouttes de pluie qui se mettent à tomber abrègent notre fièvre acheteuse ! Il y a des jours comme ça…
Soutien-gorge contre un tas de couvertures en cachemire…
Et, avant de rentrer, nous allons récupérer notre linge dans une laverie près de l’hôtel. De retour à la chambre, nous nous apercevons qu’il manque un soutien-gorge dans les affaires de Chantal. Par contre, j’ai un boxer qui ne m’appartient pas dans les miennes. Nous retournons sur-le-champ à la laundry. Tout en redonnant le slip au monsieur, nous le sommons de retrouver le sous-vêtement. Sans aucun scrupule, il nous demande de repasser dans quelques jours. Ben voyons ! En même temps que sa laverie, il fait commerce de couvertures en cachemire. J’en chaparde une grosse pile que je serre dans les bras en lui expliquant que je la lui rendrais lorsqu’il me redonnera l’article manquant. Pris de court et pas forcément de gaité de cœur, il emmène Chantal dans une boutique de lingerie et la laisse choisir un soutien-gorge à sa convenance. À leur retour, je lui tends le tas de couvertures. Il me l’arrache des bras, furieux… Eh, mec ! Ne nous en veux pas ! Si tu avais bien fait ton boulot, on n’en serait jamais arrivé là !
Après une balade matinale du côté de Durbar Square et de Freak Street, nous nous dirigeons vers Ratna Park prendre un bus pour Bodnath. Pour dégoter celui que nous cherchons parmi les dizaines et les dizaines de véhicules qui s’y trouvent, nous devons faire confiance à notre instinct. À la question de savoir lequel va à Bodnath, nous obtenons en effet autant de réponses différentes que de personnes interrogées ! Heureusement, nous tombons sur un conducteur qui, nous apercevant hésiter, nous désigne la bonne colonne. Là, un vendeur de tickets nous fait monter dans le premier de la file. Quelques instants plus tard, nous roulons au milieu d’une circulation dense qui soulève une épaisse poussière. En fait, des travaux de réfection de l’enrobé sont en cours sur une partie du parcours. Des camions-citernes arrosent ce qu’il subsiste de la chaussée. De ce fait, arrivés à bon port, nous devons marcher les pieds dans la gadoue jusque devant le temple !
Situé à sept kilomètres du centre de Katmandou, mais désormais complètement intégré dans l’agglomération de la capitale, se dresse le plus grand stupa du Népal. Resté debout après le séisme de 2015, sa flèche a tout de même dû être démontée pour assurer la sécurité de l’édifice. Aujourd’hui, les drapeaux flottent à nouveau au-dessus du monument. Comme tout le monde, nous en faisons le tour dans le sens des aiguilles d’une montre. Les pèlerins venus de tout le pays souvent en tenue traditionnelle actionnent les innombrables moulins à prières et, pour certains, s’agenouillent, s’allongent face contre terre et se relèvent plusieurs fois sur des planches disposées à cet effet. Leur ferveur nous fascine réellement. Avant de grimper sur les terrasses, nous jetons un œil dans les innombrables boutiques de souvenirs et de bondieuseries qui l’entourent. Nous nous arrêtons aussi dans un temple assister à une sorte de messe bouddhique où des moines psalmodient des mantras. Même si nous sommes étrangers à cette religion, ces chants monocordes sont réellement émouvants et ont une fonction apaisante étonnante sur nous. En attendant une lumière moins crue, nous allons boire un thé masala à l’étage d’un bar donnant sur le stupa. Affalés dans de bons fauteuils, nous observons l’activité de la place. Un sadhu de circonstance se plante au beau milieu du passage, juste devant les pigeons qui se bâfrent des kilos de graines que leur jettent les gens, et attend sans un geste que les dévots le prennent en photo. Il pourra ainsi leur demander, avec une certaine insistance, de déposer un petit billet dans le bol qu’il tient à bout de bras. Quelques pèlerins étrangers que l’on repère vite à leur couleur de peau et leur coiffure rasta se mêlent aux locaux et se recueillent avec eux. Les plus courageux effectuent jusqu’à sept circumambulations autour de la plus grande enceinte du site. Quant à nous, après en avoir accompli deux autres et engrangé quantité de photos, nous reprenons un bus qui nous ramène dans la poussière à Ratna Park. Un orage éclate alors qu’il ne nous restait plus que quelques centaines de mètres jusqu’à l’hôtel. Nous enfilons nos K-way pour les effectuer.
Ce soir, pas de bière sur la terrasse du dernier étage, donc !