Cette fois-ci, nous prenons nos précautions et passons sweat-shirt, gilet, écharpe en nous installant à nos places dans le train de Butterworth, ville située juste en face de l’ile de Penang notre destination. Avec en plus une couverture sur les jambes, je regarde bien au chaud deux films sur mon iPad pendant les 4 heures que dure le trajet. De la gare, un ferry nous dépose 20 minutes plus tard sur le quai de George Town, de l’autre côté du bras de mer, puis un bus gratuit nous laisse au pied de l’hôtel que nous avons l’habitude de fréquenter. Avant de nous donner la même chambre que les fois précédentes, le patron nous signifie qu’une récente taxe imposée par l’État envers les touristes étrangers gonflera la note de 20 % par nuit. Quand bien même cela nous fait râler, nous n’y pouvons rien et acceptons ces nouvelles conditions. À travers leurs propos véhéments, nous devinons une certaine aversion pour le gouvernement… mais cela ne nous regarde pas !
Aussitôt les bagages déballés et rangés dans l’armoire, nous partons faire un tour en ville. Celle-ci nous parait étonnamment calme : peu de touristes dans les rues, de nombreux rideaux métalliques baissés et une circulation très fluide. Seuls les muezzinset leurs appels à la prière viennent régulièrement troubler la quiétude surprenante. De retour à l’hôtel, nous nous laissons tenter, malgré le prix déraisonnable encore une fois dû aux nombreuses taxes, par une bière bien rafraîchissante du fait de la chaleur moite qui règne comme toujours ici. La patronne d’origine chinoise nous sert sans avoir besoin de prendre la commande : une petite Tiger pour Chantal, une grande Carlsberg pour moi… et une assiette pour les cacahuètes ! L’apéritif terminé, nous retournons chez nos copains du restaurant indien, tout près ; le sympathique gérant trône toujours derrière la caisse et, hormis un nouveau serveur thaï, tous ceux qu’on connaissait déjà se tiennent à leur poste. Je constate avec un réel plaisir que le vieux grincheux qui s’occupait des plats cuisinés n’est enfin plus là. Pour cette raison, je n’hésite pas une seconde et commande une part de poulet masala, du riz et des légumes, tandis que Chantal se contente de deux roti canai, sorte de pain malaisien. Pendant que nous attendons nos gamelles, le barman qui se rappelle ce que nous prenions dépose devant nous un teh tarik et un milo ice. Tellement bien servi, j’ai vraiment du mal à finir, mais avec un peu d’insistance j’y parviens malgré tout. Chantal en rigole encore, elle qui a englouti en un éclair son assiettée !
Pour le petit-déjeuner nous retrouvons avec plaisir sur le marché nos amis thaïs et leur excellente et copieuse soupe wantan mee. Comme le serveur d’hier soir, celui du stand voisin dépose fièrement un grand verre de milo ice devant Chantal sans en attendre l’ordre. Comme à mon habitude, je me contente du bol de soupe très parfumée, des raviolis et du porc ; à l’inverse de ma femme, je ne parviendrai jamais à marier les gouts si différents du bouillon et du chocolat !
Après avoir commandé de nouveaux coussinets pour les écouteurs de mon casque audio chez Sony, nous continuons la promenade à travers la ville. À notre surprise, de nombreuses boutiques pourtant récentes semblent avoir définitivement fermé depuis notre passage en mars dernier. Je ne comprendrai décidément jamais comment ce pays fonctionne, ni comment les choses courantes sont réglées. J’en parle à chacun de nos séjours ici, mais énormément de trucs m’interpellent. En premier lieu, je ne m’explique absolument pas le nombre incommensurable de buildings en cours de construction. J’ai au demeurant surnommé la Malaisie le « Pays du béton ». L’odeur omniprésente de ce matériau envahissant nous incommode d’ailleurs presque ! Mais pourquoi donc bâtir autant, alors que le centre-ville offre déjà un grand nombre d’appartements inoccupés ? En second lieu, pourquoi l’UNESCO continue-t-elle à subventionner des travaux de rénovation qui ne seront jamais achevés ou, s’ils le sont, n’ont que peu d’intérêt puisque les bâtiments classés seront laissés à l’abandon après une ou deux années d’exploitation ? Nous connaissons ainsi une demeure dans la partie séculaire de George Town qui en est à sa seconde restauration en dix ans, tandis qu’un ensemble d’anciennes habitations, terminé depuis plusieurs années maintenant, reste caché derrière de hideuses barricades de tôle et attend désespérément qu’on lui attribue des locataires ou des boutiques… qui ne mettent pas la clé sous la porte au bout de quelques mois seulement ! Et que penser de toutes les autres vieilles demeures qui moisissent sous leurs échafaudages sans que personne n’y trouve à redire ? En troisième lieu, je ferai référence à l’absence chronique de véritables trottoirs, de zébras ou de clous qui faciliteraient pourtant tellement la vie des piétons. Mais il est vrai qu’ici, lorsque vous annoncez à quelqu’un que vous allez vous rendre à tel endroit plus de 300 mètres à pied, il vous regarde d’un air si ahuri que vous savez que vous avez trouvé l’un des éléments de la réponse ! Nous avons décidément un mal fou à appréhender ce pays pas tout à fait comme les autres. Mais, chose incompréhensible après de tels arguments, nous l’aimons !…
Devant un hôtel clos, nous repérons une affiche du prince Charles et de Camilla qui annonce leur visite sur l’ile cette semaine. Dans l’une des rues de la partie historique, aussi incroyable que cela puisse paraitre, nous tombons pile sur eux au moment où ils sortent d’un magnifique ensemble rénové qui accueille désormais un hôtel et un restaurant de luxe. J’immortalise le moment en le filmant avec mon iPad. Sitôt la berline des Altesses Royales partie, la vingtaine de badauds qui comme nous attendait patiemment cet instant somme toute mémorable se disperse, réjouie. Ce n’est pas tout de même tous les jours qu’on croise le chemin du prince de Galles (qui porte également les titres de duc de Cornouailles, duc de Rothesay, comte de Chester, comte de Carrick, Baron Renfrew, Lord des Iles, Prince et Grand Steward d’Écosse) et de sa femme. Pour ma part, j’aurai nettement préféré Lady Di ! Mais… me voilà paparazzi ! Dans toute cette histoire, nous retiendrons tout de même une anecdote, pas si anodine que cela en fait. Dans le contexte international actuel où des attentats terroristes sont perpétrés presque chaque semaine, une femme de type indien qui circulait sur une moto chargée d’énormes paquets a pu tranquillement se frayer un chemin jusqu’au prince sans que l’un des nombreux policiers armés présents intervienne. Drôle de pays, je vous ai dit !
Comme pour illustrer cette forme de naïveté ou, au choix, ce manque flagrant de professionnalisme, nous tombons le lendemain sur un pompier qui, à peine descendu du camion arrivé sirène hurlante, commence son intervention en allumant une cigarette. En nous éloignant au plus vite, nous croisons les doigts pour qu’il ne s’agisse pas d’une fuite de gaz !
Nous tirons parti de notre séjour ici pour obtenir, comme les fois précédentes, nos visas de deux mois pour la Thaïlande à l’ambassade de George Town : chose accomplie sur deux jours. Nous profitons de la relative promiscuité avec Gurney Plaza pour rendre visite au vendeur du magasin Casio où j’ai acheté une montre Edifice l’année dernière à l’occasion de mes 60 ans. Il nous reconnait au premier coup d’œil et vient à notre rencontre en arborant un joli sourire : toujours aussi sympa. Je le remercie d’ailleurs pour son geste commercial de l’époque où il m’avait gentiment prolongé la garantie internationale de deux semaines. Très vite, le bouton Bluetooth ne fonctionnant plus, j’avais tenté la réparation en Malaisie, mais on me demandait un délai de six mois et l’équivalent de cent euros ! Incroyable pays, je vous ai déjà dit ! À deux jours près, le petit plus qu’on m’avait gentiment octroyé le jour de l’achat m’a permis, lors de notre retour en France l’été dernier, d’envoyer la fameuse montre au service après-vente Casio de Lyon où elle a très bien été remise en état… gratuitement comme le prévoyait la garantie ! Je tenais donc à remercier Sha de vive voix pour sa démarche.