Nous retrouvons sans mal la station des bus qui, pour une dizaine de ringgits, rapprochent les nouveaux arrivants du centre-ville. Une heure plus tard, le réceptionniste de notre hôtel habituel réservé sur Booking nous remet la carte magnétique qui fait office de clé. Une fois tranquillement assis sur notre lit avec les bagages à nos pieds, nous notons que le voyage, malgré la fourgonnette délabrée de ce matin, n’a pas été trop éreintant ; nos « vieux » organismes s’en félicitent…
Pour aller diner, il nous faut d’abord aller retirer de l’argent dans un ATM. J’introduis ma Visa dans la fente de l’appareil, tape mon code, puis la somme. Au bout de quelques secondes, la carte ressort, mais pas les billets. Motif : inconnu ! Qu’à cela ne tienne… Seconde tentative, deuxième échec… Petit moment de panique ! Après une réflexion de quelques secondes, nous décidons de retourner à la chambre à deux kilomètres de là récupérer celle de Chantal qui ne sert jamais. Elle marche au premier essai dans un ATM juste en face l’hôtel ! Rassurés sur notre sort, mais pas sur l’état de ma carte, nous partons diner dans le restaurant indien où nous avons l’habitude d’aller. Pas de chance, lorsque nous y arrivons, il est fermé ou plutôt entouré de bandes de plastique blanc et rouge tendues qui en empêchent l’accès. Comme dans les films après un meurtre ! Décidément, ce soir rien ne tourne rond. Heureusement, celui dans lequel nous entrons propose du butter chicken, plat indien dont je raffole. Je m’en régale pendant que Chantal le regarde avec envie tout en dévorant son excellent murtabak. Avec un rapport qualité-prix aussi intéressant, nous reviendrons.
Pour autant, la soirée n’est pas encore terminée. Nous sommes à peine couchés que de fortes voix venant de la pièce voisine résonnent d’une manière insupportable. N’y tenant plus, à minuit, je fais monter l’un des réceptionnistes de nuit pour qu’il aille demander aux braillards de se calmer un peu. Rien n’y change, les sans-gênes, apparemment du Moyen-Orient, continuent. Le jeune homme confus nous propose alors une nouvelle chambre. Il nous installe en fait dans une pièce similaire, mais à l’étage au-dessus. Il est désormais une heure du matin et nous apprécions franchement le calme enfin retrouvé. Mais qui ne dure que jusqu’au moment où une autre famille du Moyen-Orient vient occuper la chambre voisine. Cette fois, ils doivent être carrément sourdingues vu la manière dont ils poussent la sono de la télévision ! Nous sommes anéantis ! À 3 heures, malgré mes bouchons d’oreilles siliconés, je ne parviens pas à m’endormir, énervé comme une puce… Et que dire de Chantal qui n’arrête pas de se tourner dans le lit en poussant de longs soupirs ? Bref, on peut affirmer que cette première nuit malaisienne aura été très courte. D’autant plus qu’à 5 h 30, deux ou trois familles chinoises dont on ignorait l’existence jusque là sont déjà levées et se retrouvent dans le couloir pour une première discussion animée. Heureusement, elles quittent assez rapidement les lieux… Dur, dur !
Comme nous ne trouvons pas de roti pisangdans les restos que nous avons l’habitude de fréquenter, nous choisissons de nous rendre à la gare dès ce matin pour y acheter des billets de train pour Penang. Le ticket qu’une jeune femme voilée nous remet à l’entrée de la salle des guichets nous indique que 120 personnes doivent passer avant nous ! Au lieu de poireauter bêtement assis sur les sièges métalliques, nous profitons de ce long temps d’attente en perspective pour aller enfin prendre notre petit-déjeuner : nos estomacs hurlent famine. Nous retournons dans le restaurant indien où nous étions allés avec les Mimis l’année dernière et qui sert de très bons roti pisang. Lorsque nous regagnons la salle, toujours aussi bondée avec les nouveaux arrivants, une soixantaine de personnes sont déjà passées. Nous devons tout de même patienter encore une heure et quart avant que notre numéro apparaisse sur les écrans d’appel. Une fois les billets enfin en poche, nous ne trainons pas et reprenons le métro pour que Chantal puisse arriver à l’heure à son rendez-vous chez le coiffeur. Pour ma part, je regagne la chambre.
Lorsqu’elle revient deux heures plus tard, son visage rayonne. Elle me raconte dans le détail le massage sublime d’une vingtaine de minutes qu’une jeune fille lui a prodigué au moment du shampooing et la manière dont la coiffeuse lui a ensuite coupé les cheveux en deux étapes, la première mouillée, la seconde sèche. Le résultat, plutôt flatteur, la satisfait pleinement.
En nous rendant en fin de journée à Chinatown, nous traversons la vieille gare routière de Pudu, désormais fermée au trafic, mais qui abrite encore quelques petites boutiques magasins et échoppes. Devant un stand de bijouterie fantaisie, Chantal dont le regard va plus vite que la lumière dans ces moments-là aperçoit une bague comme elle en cherche une depuis qu’elle a perdu la sienne dans la mer à Bali en jouant à la balle avec moi. Après un rapide essai, elle fait son choix sur un anneau serti d’une grosse pierre noire qui ressemble beaucoup à l’ancienne. Je lui avais promis de lui en racheter une qui lui plaise pour son anniversaire. C’est dorénavant chose faite et j’ai droit à un long bisou sur la joue. Pour fêter ça, nous retournons manger dans le même resto qu’hier soir, Chantal choisissant cette fois un butter chickencomme moi…
Pas de chance ce matin, aucune cantine indienne à la ronde n’a de bananes pour confectionner nos roti pisang. L’estomac creux, nous arpentons les boutiques-épiceries-cantines des environs et dénichons enfin un régime d’une dizaine de fruits dans l’une d’elles. Sans l’ombre d’un remords, nous retournons dans l’un des restaurants où nous étions allés tout à l’heure et déposons le sac de bananes devant le préposé aux roti. Les yeux ronds comme des billes, il éclate de rire et nous prépare sur-le-champ nos trois crêpes fourrées habituelles. Cruelle désillusion : on nous les sert à peine cuites. Morts de faim, nous les avalons malgré tout en moins de deux !
Dans le parc des tours Petronas, des groupes de personnes attirent notre regard. Elles ont quasiment toutes les yeux rivés sur leurs mobiles et marchent, en courant presque, dans la même direction. Des cris nous parviennent de derrière un bosquet de palmiers. Inquiets, nous suivons la meute. Des jeunes filles à qui nous demandons la raison de ce rush prennent à peine le temps de nous répondre ; elles viennent d’apercevoir un Pokémonsur la carte de leurs écrans et se ruent vers l’endroit où il devrait se trouver pour l’attraper, virtuellement bien sûr ! Nous avions déjà entendu parler de ce nouveau jeu, le fameuxPokémon Go,qui fait fureur depuis maintenant un mois partout dans le monde, mais voir de nos propres yeux ces gens de tous les âges courir dans tous les sens nous amuse beaucoup…
Après un dernier butter chicken (toujours aussi succulent, il nous manquera celui-là !), nous regagnons notre chambre et espérons dormir un peu mieux que les nuits précédentes pour pouvoir être d’attaque pour le voyage vers Penang demain matin.