D’après les notes de Chantal
Aujourd’hui, le soleil nous incite à partir à la plage. En chemin vers Sanur, nous nous arrêtons une petite heure faire un tour au marché de Sukawati, du moins, dans sa partie locale, la touristique, située de l’autre côté de la route, nous intéressant nettement moins. Tout le long de la rue se succèdent d’innombrables échoppes vendant des offrandes et tout ce qu’il faut pour les fabriquer : des bottes de feuilles de palmier fraichement cueillies, des corbeilles en osier de toutes formes et de toutes tailles, du tissu blanc, jaune ou à damiers blancs et noirs au mètre, des bâtons d’encens en quantité, des bonbons, des gâteaux, des cigarettes. Bref, les dieux ne manqueront de rien. Avant de partir, nous pénétrons dans le marché couvert, antre sombre des marchandes de légumes ou de viande, des bijoutiers. À l’étage, les cellules de vêtements pour la clientèle locale s’entassent tellement qu’elles donnent l’impression de ne constituer qu’une seule boutique. En début d’année, Alain y avait acheté un udeng, la coiffure traditionnelle des Balinais, qu’il porte lors des cérémonies.
Cet intermède terminé, nous reprenons la route vers Sanur. Nous sommes haute saison touristique et, si les Français forment le plus gros contingent des touristes, sur la plage, un nombre important de transats reste inoccupé. Il semble même, à notre grande surprise, qu’il y ait moins de monde qu’en hiver. Nous ne nous en plaindrons certainement pas !
La chance nous sourit ce matin. En passant devant un étang et son temple posé sur l’eau à la façon du Pura Ulun Danu Bratan, mais en bien plus petit, nous croisons des gens en tenue de cérémonie qui ont l’air d’attendre quelque chose. Ni une, ni deux, nous garons la moto sur le bas-côté et patientons nous aussi. Quelques instants plus tard, une procession sort du sanctuaire en longeant le lac dans une lumière magnifique. Alain rage de n’avoir que son iPad. Comme pratiquement à chaque fois qu’il part sans son Nikon, il tombe sur un événement inattendu, souvent très photogénique… et râle, râle ! En colère, il prend malgré tout quelques clichés du défilé, mais filme la plupart du temps. Je fais pareil avec le mien, mais sous un angle différent. Nous garderons tout de même un souvenir enregistré de cette scène radieuse !
Nous continuons la promenade vers Marga. En bordure de route, de nombreux singes guettent les personnes qui s’arrêtent leur donner des bananes en guise d’offrande. Les macaques les plus téméraires n’hésitent pas à s’avancer jusqu’au milieu de la chaussée. Aussi faut-il que les conducteurs soient constamment attentifs lorsqu’ils longent une forêt. Jusqu’à présent, Alain s’en est toujours très bien sorti.
Sans réel but ce matin, il choisit notre itinéraire en fonction de ses envies. Nous nous retrouvons ainsi à Penebel, puis dans la montée vers le temple Luhur Batukau. Nous n’y sommes encore jamais allés, rebutés par la brume qui s’accroche très souvent aux pentes de cette montagne qui culmine à 2 276 mètres. Aujourd’hui, seuls quelques nuages viennent cacher du soleil les toits des meruque la jungle semble vouloir engloutir. Malgré quelques touristes, français une nouvelle fois, il y règne un grand calme, la végétation étouffant sans peine les bruits de la civilisation. La fraicheur de l’altitude accélère notre départ, mais nous quittons heureux la sérénité de ce lieu magnifique.
Dans la descente, nous nous arrêtons aux sources chaudes que nous connaissons déjà. La réceptionniste de l’hôtel qui les abrite nous autorise, dans un large sourire, à aller les voir. Un couple de Français se relaxe dans l’un des bassins aménagés. Nous discutons un instant avec eux sur les bienfaits d’un tel bain qui ne nous a jamais tentés jusqu’à ce jour. Et ce ne sera pas encore pour aujourd’hui !
Après les bons gros pancakes à la banane du petit-déjeuner, nous prenons la direction de Bedugul que nous atteignons au bout d’une heure de route à travers la campagne balinaise. Avec l’altitude, les rizières font progressivement place aux cultures maraîchères et fruitières. En bordure du lac Bratan, le marché de cette station de villégiature, plus appréciée des Indonésiens que des étrangers, regorge de légumes et de fruits qui donnent envie de les croquer rien qu’en les regardant.
Nous laissons de côté le photogénique Pura Ulun Danu Bratan, déjà assailli, à 10 heures, par les hordes de touristes débarqués des bus qui s’entassent sur le parking. Nous l’avons tant de fois admiré dans des conditions maximales, c’est-à-dire dans le calme et la beauté du lever du jour, que nous ne voulons pas gâcher nos souvenirs. Nous continuons de grimper jusqu’à la crête de la caldeira qui domine avec de superbes vues les lacs Buyan et Tamblingan durant de nombreux kilomètres avant de plonger sur le versant opposé vers Munduk et ses plantations de girofliers. Encore une fois, les clous qui sèchent sur les bas-côtés de la chaussée embaument de leur parfum enivrant tout notre parcours jusque dans la vallée. À coup sûr, cette épice restera à jamais indissociable de Bali dans nos esprits.
La route tout juste refaite qui remonte vers Pupuan serpente au milieu de très belles rizières en train d’être repiquées. De nouvelles gargotes, posées devant les meilleurs panoramas, ont vu le jour et bouchent carrément la vue qu’on avait auparavant sur les plantations étagées en contrebas. Et si l’on veut tout de même y faire une halte, il faut d’abord acquitter le montant du minuscule parking. Nous passons notre chemin en regrettant encore une fois que les Balinais continuent de saccager sans scrupules leur patrimoine culturel et touristique. Ils s’en mordront peut-être un jour les doigts…
Dika, le neveu de Wyan et Ketut, fête ses trois mois aujourd’hui. La maman nous a invités hier à la cérémonie organisée à cette occasion. Sous le bale gedede l’enclos familial, les trois sœurs jubilent devant leur petit frère que les parents, à la mine réjouie des gens heureux, ont si ardemment souhaité. Un garçon est tellement important dans une famille. Le papa, resté un peu à l’écart de la célébration, ne cesse de nous le répéter. Dika fait plus que ses 3 mois. Bébé bien dodu à qui sa maman a fait une coiffure iroquoise, il s’intéresse à tout ce qui se trame autour de lui et n’est guère effrayé par la clochette que le prêtre fait sonner à ses oreilles ou les rites que les femmes lui font subir. Pendant que l’une d’entre elles lui attache un cordon noir au bras, une autre lui passe un bracelet doré à chacune des chevilles et chacun des poignets. Une troisième lui enfile une minuscule bague au majeur. Malgré toute cette animation, le petit bonhomme ne bronche à aucun moment et sourit même à Alain qui lui a pris la menotte et lui fait des grimaces. Les rituels auxquels nous ne comprenons rien du tout se poursuivent avec la bénédiction d’un poulet et d’un canard vivants, la découpe de la tête d’un cochon grillé, entre autres. Après quoi, tout le monde se retrouve dans le temple familial, le sanggah, pour encore d’autres prières et d’autres grâces. Pour terminer, les femmes font le tour de la cour en déposant des offrandes devant les différentsbale. Et tout cela, dans une bonne humeur incroyable. Le papa invite ensuite les invités à aller se servir à manger. Du babi guling est proposé. Cela tombe très bien, nous adorons cela…
Avant de quitter cette réception plutôt sympathique, Alain me prend en photo dans le beau chemisier jaune traditionnel que Ketut m’a offert. Avec mon sarong fuchsia, j’en mets plein les yeux de mon photographe de mari.
La pluie, toujours elle, nous réveille tôt ce matin. La journée semble encore partie pour être humide. Mais une belle éclaircie en fin de matinée nous encourage à enfourcher la moto et filer à l’aventure dans les alentours. Bien nous en a pris puisque nous tombons complètement par hasard sur un gros rassemblement qui se tient sur le terrain de football de Tegallalang. Des troupes d’adolescents, garçons et filles, grimés et en tenue de spectacle se succèdent au centre du stade pour y danser ou jouer des saynètes qui ont le don de faire rire aux éclats la foule agglutinée sur les pourtours. En nous glissant au milieu des groupes qui patientent tranquillement dans un coin du champ, nous faisons la connaissance d’une jeune Balinaise, Oder, qui arrive de Paris où elle est allée danser à l’occasion d’un festival indonésien. Elle parle d’ailleurs un peu notre langue et ne s’exprime pas si mal que cela. Elle nous présente ses parents qui nous invitent, lors d’un prochain séjour, à venir les voir chez eux. Nous prenons acte et les quittons à regret. Nous tirons une dernière fois le portrait de quelques enfants dans leurs habits de lumière avant de poursuivre plus loin notre promenade.
Nous nous demandons parfois pourquoi nous avons autant de chance…
Pour la première fois du mois d’août, aucun nuage, si petit soit-il, ne vient enlaidir le ciel d’un bleu limpide. Pour ne pas être en reste, la chaleur s’est invitée, elle aussi. L’emploi du temps de la journée est vite trouvé : balade à travers la campagne, plutôt dans la région Nord-Est.
Sur la route entre Bangli et Rendang, alors que nous roulons très tranquillement, une moto se porte à notre hauteur et le conducteur montre à Alain son insigne de police épinglé sur la chemise. Aucun doute là-dessus, c’est bien un policier. Nous ayant dépassés, il nous fait signe de nous garer à côté de lui. Bien évidemment, comme d’habitude devrai-je plutôt dire, Alain poursuit bravement son chemin, comme si de rien n’était. Et bien sûr, quelques centaines de mètres plus loin, le motard revenu à la charge, toujours en désignant son badge d’un doigt rageur, hurle cette fois «Police !». Tout en continuant sa route et pas démonté pour un sou, Alain lui demande avec son sourire charmeur comment il allait aujourd’hui, si sa famille se portait bien. Totalement ahuri et décontenancé, le pauvre flic comprend qu’il n’est pas tombé sur le bon pigeon et fait demi-tour sur-le-champ. Et un délit de fuite, un ! Un de plus, mais le premier du séjour.
La promenade nous emmène jusqu’à Candidasa après nous avoir fait traverser un paysage auparavant magnifique avec ses rizières en terrasse, aujourd’hui très quelconque avec ses champs de maïs ou ses cultures maraichères. Nous nous arrêtons un long moment dans la station balnéaireque nous avons fréquentée avec plaisir lors de nos premiers voyages à Bali. Elle n’a pas beaucoup changé depuis, beaucoup moins qu’Ubud par exemple. Les bungalows en bois et en chaume de notre hôtel se cachent toujours dans la cocoteraie de bord de mer et ont superbement vieilli, certains ayant tout de même été rénovés, mais dans tous les cas de manière traditionnelle. Séquence émotion : nous retrouvons même le restaurant où nous avons dégusté notre premier canard farci, le célèbrebebek betutu, devant un spectacle de danselegong. Après un tour de l’étang et quelques photos des jukungposés sur le sable, nous reprenons la route vers Ubud, très, voire, trop fréquentée par les camions ce qui gâche vraiment le plaisir de la conduite et de la promenade…
Alain roule à vive allure sur la quatre-voies entre Sanur à Benoa. Un peu de vitesse, en toute sécurité, nous détend après les embouteillages devenus chose banale à la sortie d’Ubud. Nous accordons une courte visite au nouveau temple chinois en bordure de la route qui enjambe désormais un bras de mer pour éviter les encombrements de Denpasar et de l’aéroport, puis continuons jusqu’au port de pêche de Benoa. Après avoir acquitté un petit droit d’entrée, nous dénichons un coin d’ombre près des quais pour y garer la moto. Il est midi et le soleil, à la verticale presque parfaite, tape vraiment fort. Le crâne d’Alain en rougit de colère, tellement il trouve idiot de se balader à cette heure indue de la journée !
Les longs chalutiers, tous en bois exotique recouvert d’une mince couche de résine, sont regroupés par pêcheries dans le vaste bassin et, par conséquent, par couleurs ce qui confère une gaité bienvenue dans cette rade autrement sordide. De jeunes hommes, assis en bordure de quai, jettent leurs hameçons eschés d’une simple boule de riz pétrie entre les coques des navires amarrés et remontent quelques instants plus tard des poissons d’une jolie taille. Puis, sans aucun sentiment de cruauté, ils les enfilent par les deux yeux sur un gros fil de nylon qu’ils remettent à l’eau pour conserver leur pêche fraiche.
En ce jour de Fête Nationale, le grand calme règne dans les chantiers navals et les ouvriers en profitent pour rigoler et s’amuser dans les warungdes alentours. Sur les bateaux, les marins mettent leur linge tout juste lavé à sécher sur de longues cordelettes tendues au-dessus du pont. Les plus consciencieux d’entre eux réparent une pièce d’accastillage défaillante ou en démontent une pour la graisser. Mais tous nous adressent signes de la main et francs sourires dès qu’ils nous aperçoivent.
Après deux heures à trainer en plein cagnard sur les quais surchauffés, nous poursuivons la promenade jusqu’à Sanur où Alain, sitôt le maillot de bain enfilé, se jette dans la mer peu profonde pour éteindre le feu qu’il a sur la tête. Je rigole bien…
Ce matin, les nuages gris obscurcissent le ciel. Mais Ketut nous rassure en nous prédisant une journée sans pluie : les prêtres ont grandement imploré les dieux pour ce jour de crémation de la reine de Peliatan. En regardant la couleur inquiétante au-dessus de nos têtes, nous restons malgré tout dubitatifs.
Pour l’occasion, j’ai revêtu le corsage en dentelle jaune d’or que Ketut m’a offert l’autre jour et Alain a demandé à Pudu de lui refaire son udeng.Nous sommes tous les deux beaux comme des cœurs, du moins, le pensons-nous, lorsque nous pénétrons dans l’enceinte du Palais Royal où aura lieu la cérémonie. Auparavant, nous profitons du fait d’être parmi les premiers arrivés pour nous prendre en photo devant l’immense tour qui va accueillir le corps tout à l’heure et devant le non moins impressionnant taureau dans lequel il sera brûlé. Une vieille dame que nous croisons dans le dédale des cours du Palais nous invite à avancer encore plus loin. Dans le balequi semble le plus important et le plus cossu de tous avec ses meubles sculptés magnifiques, trois hommes en tenue de cérémonie bavardent, assis par terre, tout en sirotant un jus de fruit. Nous pensons que celui du centre est le fils de la reine vu les révérences que tout le monde lui adresse. D’ailleurs, un garde vient tranquillement demander à Chantal qui s’en était trop approchée de garder une certaine distance. Une dame, très élégante dans son sarong en soie brodé, arrive ensuite, le visage fendu d’un large sourire, nous expliquer très discrètement que nous ne devons pas aller plus en avant dans le palais. Après nous avoir proposé des boissons et s’être renseignée sur notre nationalité, elle nous énumère les mots de français qu’elle connait, puis les régions de notre pays qu’elle a visitées. Bref, nous passons un excellent moment en sa compagnie et la quittons presque à regret. Mais nous n’avons pas l’intention de perturber davantage le déroulement de leur cérémonie, les invités affluant maintenant de toutes parts.
Aujourd’hui, en même temps que les funérailles royales, se déroule la crémation collective de Peliatan. En attendant midi et le début des obsèques publiques de la reine, nous accompagnons au cimetière, situé à plus d’un kilomètre, une tour funéraire qui en prend le chemin. Portée par une vingtaine de personnes, elle est suivie par un orchestre de percussions qui fait fuir les mauvais esprits avec le son assourdissant des instruments. Moins conséquente, par le nombre des cercueils, que celle d’Ubud à laquelle nous avons assisté il y a un mois, elle n’en est pas moins authentique, bien au contraire. À part quelques téméraires de notre acabit qui préfèrent «vivre le pays» plutôt que flemmarder au lit en pianotant sur leur compte Facebook,les touristes ne représentent qu’une infime partie de l’assemblée qui se presse autour des taureaux et autres animaux de bambou qui vont bientôt commencer à flamber. L’ambiance nous semble, de ce simple fait, beaucoup plus vraie.
Un peu après midi, une certaine agitation anime la cour d’entrée du Palais Royal. Soudain, d’une porte sculptée magnifique, surgit le cercueil blanc porté à bout de bras par une nuée d’hommes, tous habillés du même sarong, du mêmeudenget du même ticheurte violet. Dans la franche rigolade, au milieu des curieux dont nous faisons partie, la longue boite immaculée est acheminée jusqu’au pied d’une rampe en bambou escarpée, puis hissée, toujours à la seule force des bras, dans la tour monumentale pour y être solidement attachée. La procession peut alors débuter.
Après avoir fait tourner l’impressionnant édifice trois fois sur lui-même, la centaine de costauds qui se relaient pour le porter prend la direction du lieu de crémation, situé à l’entrée d’Ubud. Le taureau suit à environ deux cents mètres. Une foule incroyable se masse tout le long du parcours. Pour ma part, je n’arrête pas de filmer tandis qu’Alain, le pauvre, se démène dans la bousculade du cortège pour tenter de trouver les meilleurs angles. Comme moi, il a beaucoup de mal.
Sur le lieu de la crémation, les Balinais ont laissé la place à la meute des touristes. Ceux-ci assistent, passablement choqués pour certains, au transfert du corps, désormais extrait de son cercueil et enroulé dans un linceul immaculé, de la tour au taureau, gigantesque lui aussi. Après les bénédictions d’usage, un officiant met le feu à l’animal qui s’embrase à une vitesse fulgurante. Le velours doit être d’une qualité extraordinaire pour se consumer si rapidement. Un journaliste balinais qui couvre l’événement m’apprend que la crémation de cette reine de 95 ans, ancienne danseuse réputée dans et hors de son pays, va couter un peu plus de 200 000 euros à la famille. Une bagatelle par rapport à celle du roi de Klungkung qui aura délesté son entourage de plus de 600 000 euros, il y a deux ans… Le sarcophage flambe encore lorsque nous partons et je m’aperçois que les Balinais ont désormais tous quitté les lieux et que seuls les touristes assistent à la fin de l’incinération.
En retournant chercher notre moto restée près du Palais à Peliatan, Alain fait la connaissance d’un photographe balinais professionnel qui a, lui aussi, couvert l’événement depuis ce matin. Ils s’échangent leurs emails pour des retrouvailles futures.
Aujourd’hui, pas une goutte de pluie n’est tombée. Ketut nous l’avait prédit…
Nous partons en ce lundi matin ensoleillé vers les rizières de Belimbing. Alain adore conduire avant 9 heures, la circulation étant encore fluide.
Nous arrêtons une première fois la moto, dès les premiers virages de la montée vers Pupuan. Dans un canal d’irrigation, deux femmes discutent, les pieds dans l’eau. Je les prends en photo et leur montre le résultat sur l’écran de l’iPad. Tout le monde rigole. Et quand Alain arrive avec son appareil qui les intimide autant qui les impressionne, les rires redoublent.
Quelques kilomètres plus loin, de belles terrasses étirent leurs courbes majestueuses tout le long de l’amphithéâtre naturel qui leur sert de décor. C’est là que nous aimons nous arrêter, toujours au moins une heure, temps à peine suffisant pour savourer à leur juste valeur ces magnifiques rizières. Elles viennent d’être repiquées et l’eau reflète de jolie manière la végétation environnante. Tandis qu’Alain s’aventure dangereusement sur les bordures étroites des parcelles, j’écoute les explications en français d’un guide qui fait découvrir ce superbe coin à ses deux clients. Un second couple de compatriotes se pointe un peu plus tard. Ce seront les seuls touristes que nous apercevrons de la journée. Et tous Français !
Nous nous arrêtons une bonne demi-heure dans un autre endroit qu’Alain connait bien pour y avoir pris de très beaux clichés. D’habitude, nous arrivons ici l’après-midi et la température des couleurs convient mieux à la photo qu’en cette fin de matinée où le soleil a plutôt tendance à écraser le relief. C’est la raison pour laquelle nous écourtons la visite et allons savourer un plat succulent dans notre warungpréféré de Pupuan. Aujourd’hui encore, le nasi campurbien épicé ravit nos papilles.
Pour rejoindre Ubud, nous prenons le chemin des écoliers… le plus long, celui qui passe par Bunutbelong, village connu pour son énorme banian et la route qui le transperce. Nous le connaissons déjà, mais avons envie de revoir cette chose peu banale. Avant d’y arriver, nous traversons toute une région de girofliers dont la récolte qui sèche un peu partout sur les bas-côtés, dans la cour des maisons, nous enivre une nouvelle fois. «Clou de girofle» restera à jamais synonyme de «Bali» dans nos esprits.
Sur la route encombrée du retour, dans le sens de la descente, un grave accident qui concerne plusieurs poids lourds retournés et éventrés dans un champ en contrebas, un autobus qui semble avoir brûlé, une voiture écrabouillée, un parapet de pont en béton explosé nous incite encore plus à la prudence.
Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Je fête mes 61 ans…
J’ai à peine ouvert les yeux qu’Alain me le souhaite déjà. Ça me réveille instantanément.
Nous retournons à Sanur une dernière fois, jusqu’à 15 heures, avant de revenir faire les sacs pour le départ demain matin. Après m’avoir déposée près la guesthouse, Alain file restituer la moto. Nous avons effectué 3 480 kilomètres en deux mois et le moteur a besoin d’une vidange : la seconde de notre séjour ! Malgré cela, un sourire au coin des lèvres, Mako souhaite déjà lui en louer une pour la prochaine fois. Alain lui promet de le faire… comme à chaque fois que nous venons ici, lui rappelle-t-il !
Demain, nous décollons pour Kuala Lumpur en Malaisie.
Je m’endors, nostalgique…
Aujourd’hui, nous quittons Bali pour nous rendre en Malaisie. Après avoir chaudement salué Wyan et Ketut, nous partons attendre le minivan dans la Monkey Forest Road. Nous tombons là sur Ketut, un chauffeur de taxi que nous connaissons bien, que nous n’avions curieusement pas encore aperçu durant ces deux mois. Heureux de ces retrouvailles fortuites, nous discutons jusqu’à l’arrivée du van. Tout neuf, celui-ci se pointe pour une fois presque à l’heure, c’est-à-dire seulement avec une bonne demi-heure de retard ! Certainement trop confortable pour nous, celui-ci s’arrête le long d’un trottoir à Sanur, à mi-chemin entre Ubud et l’aéroport. Au bout de quelques minutes d’attente en plein soleil, le chauffeur nous demande alors de descendre et nous fait nous entasser, avec quatre autres voyageurs blindés de bagages, dans un second véhicule, tout petit, tout délabré, qui, lui, nous emmène jusqu’à destination. Mais auparavant, pour éviter les embouteillages inextricables de motos, voitures, bus et camions de tous âges, le conducteur préfère emprunter la nouvelle route au-dessus de la mer et nous demande sans ménagement de régler le péage. En partageant entre nous, nous n’en avons que pour quelques dizaines de centimes par couple, mais je prends assez mal la chose, car le changement de van et ce supplément n’étaient absolument pas prévus à l’achat des billets ! Devant la porte des vols internationaux du tout nouvel aéroport enfin terminé, nous avons beaucoup de mal à nous extirper du « futur corbillard », coincés que nous sommes au milieu des sacs ! Une fois nos corps dépliés, nous ne perdons plus une seule minute pour nous rendre au guichet des enregistrements avant que celui-ci ne ferme. Dans un tout petit plus d’une heure, nous décollons !..