Nous avons embarqué à 23 heures hier soir et le bateau a largué les amarres à 1 heure. Dans une sorte d’immense dortoir, allongés relativement confortablement sur des matelas en skaï, nous ne tardons pas à nous assoupir. Personnellement, après la nuit blanche de la veille durant laquelle j’ai mis en ligne mes articles, j’écrase jusqu’à 7 heures. Chantal, seulement jusqu’à 6 heures. Mais le fait est que nous avons rarement dormi aussi profondément pendant un transport ! En pleine forme après le petit-déjeuner offert et composé de riz et d’un œuf dur, je passe une partie de la matinée sur le pont, au grand air. J’aperçois à plusieurs reprises des troupeaux de baleines dont les jets d’eau trahissent la présence. Le plateau du midi est bien meilleur que celui du petit-déjeuner. Cette fois, des légumes et surtout une belle part de poisson viennent accompagner la portion de riz. Un genre de Choco BN complète même le festin.
Les iles Banda : un archipel perdu au milieu de l’océan
L’arrivée dans l’archipel des Banda est magnifique avec les deux iles, Banda Neira et Banda Besar, s’incurvant autour du volcan Api, sorte de Mont Fuji miniature avec ses 656 mètres d’altitude. Ces minuscules bouts de terre qui paraissent perdus au milieu de l’océan ont pourtant une histoire. La noix de muscade y a en effet déchaîné les passions. Hollandais et Britanniques se disputèrent durant des décennies le monopole commercial. Aujourd’hui, l’archipel en produit toujours et, en quantité et en qualité moindre, de la cannelle, mais se tourne de plus en plus vers le tourisme.
Une fois débarqués sur le quai de Bandaneira qui tient plus du village que de la ville malgré son statut de capitale de région, nous nous mettons en quête d’un hébergement. J’en visite trois avant de jeter mon dévolu sur une jolie bâtisse noyée sous les plantes et décorée de vieux meubles et de vaisselle datant de l’époque hollandaise. La chambre, un peu sombre avec toute cette verdure entourant les fenêtres, possède un grand lit confortable, une belle armoire ancienne et un mandi privé, sorte de salle de bain rudimentaire sans lavabo, mais avec w.c. et douche froide. Ce qui constitue d’après ce que j’ai vu dans les autres guesthouses tout à l’heure le summum du confort par ici. Sitôt la toilette terminée, indispensable après la nuit de voyage, nous partons prendre quelques repaires dans le village. Je me réjouis d’avoir retiré ce qu’il nous fallait d’argent à Ambon, car le seul ATM des iles Banda devant lequel nous nous trouvons n’accepte pas la carte Visa. La rue principale est très calme. Seuls quelques moteurs de moto viennent troubler le silence ambiant. Partout, les gens nous saluent et nous souhaitent la bienvenue. Incroyable accueil, voire émouvant à certains moments. On ne parle pas la même langue, mais on se lit dans les yeux. C’est ce qui importe…
Dans la seule vraie boutique du village, nous achetons deux Bintang que nous partons déguster sur la terrasse de la guesthouse. Mishka, un garçon d’une quarantaine d’années né sur l’ile qui ne comprend pas que ses parents lui aient donné ce prénom, s’installe à notre table et reste discuter un bon moment. Comme beaucoup de ses congénères, il est parti travailler à 20 ans sur des bateaux de croisière en Méditerranée. Il se remémore et partage avec nous ses souvenirs d’escales françaises, comme sa rencontre avec Alain Prost lors d’un Grand Prix de Monaco. La nuit tombée, nous nous mettons en quête d’un repas. Nous le trouvons au milieu d’un carrefour auprès d’une dame et de sa fille qui nous préparent deux portions pleines de bonnes choses enveloppées dans une feuille de bananier. J’achète en plus un poisson fumé à la jeune femme installée à côté d’elles avant de retourner déguster tout ça sur notre terrasse. Nous n’en laissons pas une miette ! C’est exquis ! Et pour 1,90 € le tout, nous voilà repus…
Lonthoir, la muscade et Pulau Pisang
Le petit-déjeuner, inclus dans le prix de la chambre, est servi dans le second établissement, le plus luxueux des Banda, qu’Abba, le patron, possède à une centaine de mètres de notre guesthouse. Un jeune homme qui parle anglais, chose plutôt rare dans les parages, nous y sert une omelette aux piments et aux tomates pour Chantal, un pancake à la banane, amandes, muscade et cannelle pour moi. Le tout accompagné d’une grande assiette de fruits, de pain brioché grillé, de confiture de muscade faite maison et d’un excellent café local. Trop bon ! Au moment de repartir, Abba vient nous proposer une balade sur l’ile d’en face, la plus grande de l’archipel, avec la visite d’une petite exploitation d’épices. Il nous fait un prix d’ami trois fois moins cher que pour les trois autres personnes. Dans ce cas-là, on prend ! En bateau, nous accompagnons dans la baie deux étroites embarcations traditionnelles. Dans chacune d’elles, une vingtaine de rameurs pagaient en rythme et dans la bonne humeur. Ils s’entrainent pour une course nationale qui aura lieu dans quelques semaines. Ils crient et nous font de grands signes lorsque nous les quittons pour débarquer à Lonthoir, le plus gros village de Banda Besar. Les maisons aux couleurs acidulées se succèdent du port aux hauteurs. Tous les habitants sans exception nous gratifient d’un large sourire comme à Bandareina. J’en ai des frissons. Le guide qui nous accompagne nous désigne les fameuses noix de muscade dans leur arbre et nous ouvre une coque qu’il vient de cueillir pour nous montrer le fruit à l’intérieur. Il nous livre en plus un sacré scoop que je m’empresse de peut-être vous apprendre : l’enveloppe rouge qui recouvre en partie la noix entrerait dans la composition secrète du Coca-Cola ! C’est important, de le savoir, non ?
Revenus à Bandareina, nous allons nous balader du côté de l’aéroport dont la piste en pente traverse l’ile de part en part. Plus qu’aux avions, elle sert de terrain de jeux aux jeunes qui viennent y tester leur aptitude à la course en moto. Étonnant !
Nous retournons ce soir encore chez la dame et sa fille acheter notre repas que nous précédons comme la veille d’une Bintang bienvenue avec cette chaleur.
Le petit-déjeuner à peine terminé, nous voyons Abba débarquer à notre table et nous proposer un snorkeling… à un prix trois fois moins cher que cinq autres clients ! Comme hier, j’accepte, mais seulement pour moi. Chantal n’a toujours pas appris à nager ! Je n’ai d’ailleurs plus aucun espoir en ce domaine…
Snorkeling à Palau Hatta
Me voilà donc dans le bateau qui m’emmène vers Pulau Hatta, à une heure de Bandaneira. Un peu plus même avec le petit ennui de coupure de moteur qu’on a eu au milieu de la traversée et que le jeune pilote a dû réparer acrobatiquement. Chapeau l’équilibriste avec ces vagues qui en désarçonneraient plus d’un ! Arrivés malgré tout à bon port, nous nous jetons par-dessus bord dans une eau limpide à 28°. De jolis coraux tapissent le fond et des nuées de poissons multicolores y batifolent, à peine dérangées par notre présence. Soudain, de beaux spécimens de bubble-heads déboulent sans prévenir dans le champ de nos masques. Superbe ! J’en rate les tortues que tout le monde a vues, sauf moi ! J’étais trop occupé à filmer avec ma petite caméra Sony le ballet de ces gros poissons nonchalants. J’écourte mon exploration avant les autres : je ne sais pas pourquoi, mais de légers étourdissements viennent me perturber et je préfère remonter dans le bateau plutôt que prendre le moindre risque. Nous débarquons sur une plage pour y manger le repas que le guide qui nous accompagne a apporté. Encore estourbi, je n’y touche même pas. Pour la seconde plongée, je reste dans les parages déjà fort intéressants sans chercher à suivre les autres partis en exploration beaucoup plus loin. Mais, contrairement à eux, j’ai la chance de tomber une deuxième fois sur le banc des étonnants bubble-heads.
Pour le troisième soir consécutif, nous nous rendons auprès de nos marchandes préférées acheter nos bières et nos diners. Toutes nous reconnaissent maintenant et nous servent sans rien demander !
© Alain Diveu