Ça y est, ils arrivent.
Depuis le temps qu’on en parlait ! Nos copains rennais débarquent de France en fin d’après-midi. Nous allons les attendre à leur hôtel situé un peu loin du centre plutôt qu’à l’aéroport. C’est plus facile pour nous. En tête de la troupe, Bruno nous aperçoit en premier. Suivent Catherine sa femme, Patricia une amie, Frank son frère et Valérie sa belle-sœur. Vraiment heureux de nous retrouver, nous voilà dorénavant quatre anciens commerçants de la Galerie Colombia de Rennes à Luang Prabang. Patricia officiait dans sa bijouterie de fantaisie Agatha, Bruno tenait la Maison de la presseavec sa mère et nous vendions nos bonbons à Boul’ de Gomme. Impossible de comptabiliser les fous rires que nous avons eus ensemble ! Ou plutôt, si ! Un par jour, à l’heure du café ! Je dois avouer que c’était un vrai plaisir d’aller travailler. Tout le monde ne peut malheureusement pas en dire autant.
Pour fêter les retrouvailles, nous nous rendons sur les bords du Mékong prendre l’apéro sur une terrasse surplombant le fleuve, majestueux à cet endroit. Catherine et Valérie, sérieuses, choisissent une noix de coco et un coca, Patricia une Beerlaocomme nous. Elle qui pensait avoir une petite bouteille boit sans problème la grande que la jeune serveuse a déposée devant elle. Nous en profitons pour faire un peu plus connaissance avec Frank et Valérie que nous rencontrons vraiment pour la première fois. Comme prévu, malgré la fatigue du voyage et le décalage horaire, la bonne humeur règne autour de la table et le jour décline sans que nous nous en apercevions vraiment. Les couchers de soleils, toujours magnifiques ici, figurent d’ailleurs très souvent dans mon best of Laoset même best of tout court. C’est dire s’ils sont beaux ! Ipso facto, nous sortons tous nos appareils…
L’obscurité survenant rapidement, nous nous rendons tous au marché de nuit pour y manger. L’ambiance particulière de cette ruelle enchante nos amis. Chacun s’étant servi une grande assiette au buffet des légumes et des nouilles, nous nous regroupons sur une longue table étroite à la toile pas si cirée que ça ! Mais tout le monde s’en fiche. La première bouchée de saucisse, un peu épicée, surprend Patricia. Les filles rigolent en regardant Bruno et Frank dévorer leurs assiettées presque sans rien dire. Bref, nous avons tous trouvé notre bonheur et repartons la panse bien remplie. Nous les raccompagnons un bout de chemin vers leur guesthouse.
Nous nous retrouvons tous le lendemain matin à la Scandinavian Bakerypour un petit-déjeuner que tous apprécient malgré un service un peu spécial. Peu habituée à avoir autant de monde en même temps, la jeune employée ne sait plus par quel bout commencer et apporte les plats dans un désordre parfait ! Mais personne ne lui en veut.
Sur quatre motos que nous venons de louer à la même dame que l’autre jour, nous prenons la direction des cascades de Kuang Si. Pour la seconde fois en ce qui nous concerne. Par contre, nous n’avons pas la chance de la semaine dernière. À l’occasion de leur Nouvel An, les hordes de touristes chinois ont déferlé sur la région. Et je me demande d’ailleurs si elles ne se sont pas donné rendez-vous ici ! Ça braille de partout, ça patauge dans tous les bassins. Certains ont même amené leurs bouées ! Heureusement, cela demeure bon enfant et tout le monde s’amuse. Bruno et Frank prennent leur courage à deux mains et tentent une ou deux brasses dans l’eau froide d’une pataugeoire. Triathloniens tous les deux, ils ont l’habitude des températures fraiches et restent même un moment se faire masser sous une petite chute. Contrairement à la dernière fois, nous choisissons de grimper à la source. Apercevant un minuscule torrent traverser notre chemin sur quelques marches, Chantal décide d’abandonner et nous laisse continuer sans elle. Elle a peut-être eu raison, car le détour ne valait pas forcément le coup. À aucun moment nous n’avons entrevu la cascade ; ni dans la montée ni dans la descente de l’autre côté. Quant à la source, nous ne l’avons pas vraiment cherchée, un peu essoufflés et surtout bien assoiffés par la grimpette. Malheureusement pour moi, Chantal a tout gardé avec elle : l’eau et l’argent pour pouvoir en acheter au petit papy installé au sommet. Je boirai en conséquence plus tard. En bas de la descente pas si facile avec nos tongs, pas de Chantal ! Mais où est-elle donc passée ? Après quelques minutes d’attente, Bruno, bon prince, se propose de refaire le parcours. Par complaisance, je l’accompagne : c’est tout de même ma femme qu’on cherche ! Dix ans de plus que lui et pas du tout triathlonien, j’ai du mal à suivre. De plus en plus essoufflé et complètement assoiffé, je prétexte un arrêt-pipi pour reprendre un peu mes esprits. Je n’ai pas terminé que je les entends rire juste au-dessus de moi. En fait, Chantal pensait qu’on redescendrait par le même chemin et nous attendait là où elle nous avait lâchés. Tout bêtement. Je me rue sur son sac et la bouteille d’eau ! De retour au parking, nous mangeons un petit en-cas de fruits, de canne à sucre… et de viande grillée pour Frank ! Ça creuse la baignade !
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons au marché de Phosi. Mais en cet après-midi dominical, beaucoup de stands ont tiré le rideau. Je suis vraiment déçu pour nos amis à qui je voulais faire découvrir ce « centre commercial » très local et normalement très animé. J’y trouve tout de même des cacahuètes au moins quatre fois moins chères que sur celui de Luang Prabang. J’en achète un kilo dont nous soustrayons une centaine de grammes au moment de l’apéro que nous prenons ce soir dans LE bar le plus réputé de la ville, l’Utopia. Malheureusement, les meilleures places, celles sur des tapis face à la rivière Kane, sont déjà occupées. Nous trouvons malgré tout, près du comptoir, une table pour nous sept. Comme nous, Patricia savoure sa grande Beerlao ! Et comme hier, nous retournons diner sur le marché de nuit.
C’est désormais l’habitude ; nous nous retrouvons le lendemain matin devant le petit-déjeuner de la boulangerie scandinave au service toujours aussi désordonné… mais apporté avec un tel sourire qu’on ne peut vraiment rien dire à l’adorable jeune fille qui semble à l’évidence faire de son mieux. Cette fois, nous prenons la direction de Pak Ou, célèbre pour ses grottes abritant des centaines de Bouddhas. Les panoramas, plus jolis que ceux d’hier, nous obligent à nous arrêter plus fréquemment ; surtout ceux magnifiques avec leurs collines et leurs montagnes recouvertes de végétation qui bordent les méandres du fleuve. Si nous sommes en moto, beaucoup de touristes se rendent en bateau à Pak Ou. Nous avons d’ailleurs effectué cette mini-croisière la première fois où nous sommes venus au Laos il y a plus de 12 ans.
À l’époque, Luang Prabang ressemblait à un véritable village niché au milieu des collines au confluent de la Nam Kane et du Mékong. La vie y était encore douce et paisible. Les nombreux moines sillonnaient pieds nus les rues dans leur robe safran et les parties de pétanques animaient les fins d’après-midi sur les berges des deux cours d’eau. En 1990, il n’y avait que deux hôtels. Aujourd’hui, plus rien de cela. Le village s’est métamorphosé en ville, une bonne partie des moines a été regroupée dans une sorte d’académie loin de l’agitation urbaine (c’est du moins l’explication qu’on nous a donnée), les aires de pétanque ont disparu au profit de bars, de restaurants ou de parkings et les anciennes habitations ont pratiquement toutes été transformées en guesthouses ou hôtels de luxe. Les avions qui atterrissent à quelques hectomètres du centre déversent désormais plusieurs fois par jour leurs flots de touristes. Malgré tous ces changements, l’ambiance générale n’a pas trop évolué. Il y fait toujours bon s’y balader et les rencontres avec les autres voyageurs s’y révèlent encore souvent plus sympas qu’ailleurs. Les Français et les Chinois, de tous les âges, s’y croisent à tous les coins de rue et forment, très loin devant les autres nationalités, la majorité des visiteurs. Bref, nous aimons toujours y séjourner et conseillons d’y venir encore…
Nous garons les motos sur le parking que nous indique un vieux monsieur qui a bien du mal à baragouiner quelques mots de franglais. La fameuse grotte étant située sur la rive opposée, nous devons emprunter un petit traversier pour nous y rendre. Assises au ras de l’eau dans la frêle embarcation, Valérie et Chantal s’encouragent. Toutes les deux ont la phobie de l’élément liquide ! Nous achetons les tickets à la sortie du bateau et grimpons quelques marches pour atteindre l’entrée du sanctuaire. Site phare de la région et du pays, sa photo agrémente de nombreuses affiches et reportages sur le Laos. Elle a même fait la couverture d’un numéro du magazine Geo. Des milliers de statuettes ornent les deux grottes principales dans un désordre assez réfléchi ! Je suis ravi de retrouver cet endroit quasiment dans l’état où je l’avais découvert en 2006. Frank parait un peu déçu ; il pensait parcourir des galeries souterraines sur des kilomètres. Or, tout tient dans deux petites cavités où l’on effectue une cinquantaine de pas au maximum pour visiter chacune d’elles.
Sur le chemin du retour vers Luang Prabang, nous stoppons une première fois dans un village « typique » où nous négocions pour quelques dizaines de milliers de kips quatre écharpes locales, dont une seconde pour moi après mon achat du premier soir. Celle d’aujourd’hui me revient à 1,50 euro. Record battu ! Nous arrêtons une seconde fois en apercevant une douzaine d’éléphants dans une petite forêt en bordure de route. Il s’agit en fait d’un camp qui leur est réservé, mais cela nous ravit. Nous prenons tous de nombreuses photos avant de remonter sur nos machines. Nous concluons la journée en beauté avec la visite du Vat Xieng Thong, le temple le plus ancien et le plus vénéré de la ville et retournons prendre l’apéro sur les bords du Mékong pour la dernière fois. Demain, nos amis nous quitteront en fin de matinée après un dernier petit-déjeuner à la boulangerie et Patricia, plus riche qu’elle ne le pensait, dépensera ses derniers kipsavec l’achat d’un petit porte-monnaie…
Le temps est passé très vite en leur compagnie, la bonne humeur a été au rendez-vous à tous les moments malgré leurs ennuis intestinaux respectifs à propos desquels Bruno nous a bien fait rire. Nous avions accueilli son fils Alex et sa copine Lucy à Bali l’année passée. Nous en gardons un souvenir impérissable. Je suis certain que ce séjour le restera tout autant. Bonne poursuite de voyage en Thaïlande Valérie, Catherine, Patricia, Frank et Bruno ! Peut-être à une autre fois ! Ici ou ailleurs…
Nous voilà de nouveau seuls. Aujourd’hui, malgré le soleil très matinal, nous trainons au lit avant d’aller prendre notre petit-déjeuner. En fait, le cœur n’y est pas. Personnellement, je trouve la balade quotidienne banale. Installés sur un banc ombragé en bordure du fleuve, nous passons une partie de la journée à bouquiner. En fin d’après-midi, je vais faire quelques photos du coucher de soleil avant de retrouver Chantal et aller manger un très bon lapbien épicé et un riz gluant dans un restaurant de la rue principale.
Nous avons décidé de prolonger notre séjour à Luang Prabang d’une semaine. Je souhaitais monter plus au nord dans les montagnes, mais les températures matinales et vespérales en altitude m’en dissuadent. Nous n’avons plus envie d’avoir froid, grands frileux que nous sommes devenus ! J’ai aussi pensé descendre à Don Khong tout au sud, mais de là il nous faudrait alors remonter sur 400 kilomètres pour pouvoir ensuite rejoindre le Vietnam, notre prochaine destination. Beaucoup trop de kilomètres et donc de temps perdu. Nous apprécions le calme de notre chambre et celui de notre vie ici. Aussi nous contenterons-nous de cinq ou six jours à Vientiane, avant de rejoindre, directement depuis la capitale, Hué ou Hoi An.
Depuis notre arrivée dans cette ville classée par l’UNESCO, nous n’avons pas encore gravi le mont Phousi. À notre décharge, la dernière fois que nous l’avons fait, la déception avait été au rendez-vous. La végétation avait poussé et les différents points de vue sur la ville et la région en avaient largement souffert. Nous y grimpons malgré tout par une matinée bien ensoleillée en faisant plusieurs haltes près des nombreux bouddhas qui jalonnent le parcours. Au sommet, quelques arbres ont été élagués pour dégager des vues sur la ville et le panorama sur la région récompense l’effort déployé pour l’atteindre. Les visiteurs se succèdent dans le petit temple toujours aussi mignon avec ses nombreuses statues et les fervents qui se prosternent devant. Nous restons là un bon moment assis à l’ombre du stupa doré qui culmine au-dessus du site sans être trop dérangés par le flux très périodique des touristes. Nous sommes en effet souvent les seuls en cette fin de matinée. J’ai donc largement le temps d’observer un cinquantenaire chinois tenter de faire décoller son drone. Il y parvient au bout d’un long moment de tâtonnements, mais le perd très vite de vue tellement il le fait monter haut. Après un instant de panique visible dans ses yeux, il le retrouve et essaie alors de lui faire contourner le site. L’appareil hésite, pivote plusieurs fois sur lui-même avant de se stabiliser une dizaine de mètres au-dessus de nos têtes. La femme du pilote vient à la rescousse et touche les manettes en braillant des choses certainement pas très gentilles à son imbécile de mari apparemment débutant. Du coup, celui-ci fait aussitôt redescendre son engin, les yeux rivés dessus. Il n’a pas vu un groupe de quatre personnes arriver. Le drone passe à vive allure à moins d’un mètre de leurs têtes. J’ai franchement eu peur pour eux. Après quelques virements de bord intempestifs, l’appareil se pose enfin sur le sol. Je serai curieux de visionner les images de ce vol certainement inaugural. Mais le monsieur a-t-il seulement pensé à appuyer sur le bouton ?!…
Un autre jour, nous prenons le traversier pour nous rendre sur la rive d’en face. Alors que le bateau public ne coûte que 5 000 kipsle trajet par personne, soit 20 000 l’aller-retour pour nous deux, un rabatteur propose de nous emmener et de nous ramener pour « seulement » 80 000 kips. Ben, voyons ! Le village a beaucoup évolué depuis notre dernier voyage. Le chemin de terre qui le traversait s’est métamorphosé une petite rue bétonnée, les gargotes se sont multipliées… et les temples sont devenus payants. On n’arrête pas le progrès ! Nous y passons malgré tout un agréable moment au milieu de gamins qui devaient tous être en train de participer au concours de celui qui serait le plus sale (nous n’avons pas trouvé le gagnant !) et les deux traversées sur le petit ferry nous ont réjouis. Cela nous change un peu des balades citadines.
Et pour rompre encore plus avec la routine, nous nous rendons un matin à 5 h 30 dans la rue principale assister au tak bat, l’aumône des moines qui a grandement contribué à la renommée du village. Nous devenons difficiles. Ce rituel qui nous enchantait les premières fois a muté au fil des années en spectacle désolant. Le manque de réserve de la part des touristes y est certainement pour quelque chose. En outre, le nombre des moines ayant fortement chuté, ils ne sont plus que quelques dizaines ce matin, au lieu de centaines auparavant, à quémander leur riz quotidien. Mon talent de photographe s’étiole lui aussi. Avec mon nouvel appareil, je ne parviens pas à prendre les vues que je souhaiterais. Avec le manque de luminosité dû à l’heure matinale, la mise au point patine tellement que le cortège est déjà terminé lorsque je pense à la régler manuellement ! Je ne connaissais pas ce genre de problème auparavant. Je reste donc sur ma faim… ce qui nous fait nous diriger directement vers notre boulangerie préférée ! Là, au moins, pas de déception pour le petit-déjeuner !
Le séjour à Luang Prabang s’achève aujourd’hui. Ce soir, nous prenons le bus de nuit pour nous rendre à Vientiane. Je sais déjà que je ne dormirai pas. Alors, pour me réconforter, Chantal m’accompagne tout l’après-midi sur la terrasse d’un bar surplombant le Mékong. J’en profite pour écrire ces dernières lignes sur notre passage ici. Au moins, pour une fois, je suis à jour…
Comme nos séjours précédents, celui-ci nous a une fois de plus enchantés. Le choix de la période peut se discuter avec, au milieu, le Nouvel An chinois et son afflux massif de touristes asiatiques, mais la ville a malgré tout su sauvegarder sa sérénité et une certaine quiétude… Souhaitons que cela continue !