Comme prévu, nous n’avons pas tellement dormi dans le bus sans sièges qui nous a amenés de Luang Prabang à Vientiane. Allongés dans notre case sur un matelas pourtant assez épais pour encaisser les soubresauts du véhicule fatigué, nous avons piqué deux ou trois micro siestes… surtout Chantal, d’ailleurs ! Pour ma part, je ne me souviens pas avoir réussi à fermer l’œil. J’en ai donc profité pour regarder les 2 films que j’avais téléchargés sur mon iPad. J’aurais même pu les visionner au moins trois fois chacun. Nous avons en effet mis plus de 13 heures pour effectuer les 340 kilomètres qui séparent les deux villes. J’en connais quelques-uns qui seraient allés plus vite en vélo ! Le chauffeur devait avoir des ennuis de prostate, car il a multiplié les arrêts-pipi le long du parcours. Voyons le bon côté des choses : ça nous arrangeait bien nous aussi ! Par contre, la moyenne horaire s’en est largement ressentie : 26 kilomètres ! Heureusement qu’on n’avait pas d’avion à prendre…
Un tuk-tuk nous dépose devant notre hôtel habituel bien au calme malgré sa situation en plein centre-ville. Ici non plus, le prix n’a pas augmenté depuis notre dernier passage, il y a deux ans. Nous croyons même reconnaitre certains membres du personnel derrière le comptoir de l’accueil. Une chambre étant libre, le réceptionniste nous autorise à en prendre possession avant l’heure indiquée sur les feuilles de papier accrochées un peu partout. La toilette nous requinque complètement. Dans nos vêtements propres tout juste sortis des sacs, nous partons faire un tour dans le quartier. Nous retrouvons très vite nos repères. Beaucoup de temples ont repris des couleurs. Une ribambelle de moines perchés sur de très fragiles échafaudages s’active d’ailleurs sur celui situé juste devant l’hôtel. Armé d’un kärcherdernier cri, l’un d’entre eux s’acharne à décaper l’épaisse couche de poussière qui s’est déposée au fil des années sur le bâtiment et les statues extérieures. D’autres, un pot de badigeon rouge à la main, commencent à enduire le portique à peine sec de l’entrée en attaquant par la base. Les derniers, enfin, leur succèdent et recouvrent assez grossièrement malgré un pinceau plus fin les moulures de peinture dorée. Le coup de neuf impressionne de loin. De près, nettement moins !
Nous retrouvons avec un certain plaisir, le restaurant où nous prenions pratiquement tous nos diners lors de nos derniers passages à Vientiane. Ni l’ambiance ni la quantité servie dans les assiettes n’ont changé. Les rouleaux de printemps sont toujours aussi bons et la soupe aux nouilles autant parfumée. Nous nous régalons tous les deux, même si Chantal parait un peu dérangée après avoir été secouée toute la nuit dans le bus.
Comme pour nous souhaiter la bienvenue dans la capitale, une violente averse vient conclure la journée au moment où nous arrivons à l’hôtel. Il ne durera qu’une dizaine de minutes, juste assez pour rafraichir l’atmosphère qui était devenue étouffante…
Après un petit-déjeuner assez succinct, un nouvel orage nous oblige à regagner la chambre. Tandis que Chantal redescend bouquiner dans le hall de la réception, je m’attèle à la rédaction de notre carnet de route en attendant une accalmie. Celle-ci arrive sur le coup de midi.
Le marché Khua Din a bien changé. Du ciment recouvre désormais le sol des allées et un toit abrite les produits, détails importants par temps pluvieux comme aujourd’hui. Je me souviens d’une fois où ici même nous avions les pieds dans la boue et le dos trempé par l’eau de pluie mal retenue dans les bâches de plastique maladroitement tendues au-dessus de nos têtes. Dans la halle peu aérée, il règne une chaleur étouffante. En l’absence de frigos, la viande proposée en morceaux sur des plaques inox doit énormément souffrir. Les innombrables lampes halogènes suspendues au-dessus des présentoirs accentuent encore le phénomène. Pour ne pas être venus pour rien, nous repartons avec une belle mangue que nous savourerons au retour à l’hôtel.
Ce soir, nous nous régalons avec une papaya saladpresque trop épicée pour Chantal et mon excellente soupe aux nouilles très parfumée. Pour changer, nous irons demain dans un autre boui-boui manger un lapservi copieusement, mais fade et absolument sans goût. Voilà le résultat de l’infidélité !…
Un matin, nous retournons visiter un monument que j’aime particulièrement. Le Vat Sisaket pousse le paradoxe à être à la fois le plus récent et le plus ancien temple de Vientiane. Construit en dernier au début du 19e, il n’a, contrairement aux autres, pas été détruit par les Siamois lors du sac de la ville en 1827, probablement en raison du style typiquement thaï dont s’étaient inspirés ses bâtisseurs. C’est donc lui le plus vieux ! La galerie qui entoure le sanctuaire abrite d’innombrables bouddhas plus ou moins bien conservés, mais le charme opère dès que l’on pénètre sous le cloître qui la protège. Nous y prenons tous les deux une grande quantité de photos.
Une autre fois, nous allons trainer du côté des Vat Ong Teu et Vat Inpeng. Les deux temples viennent de retrouver des couleurs comme le Vat Mixay, juste en face de notre lieu de séjour. Il fait bon se balader à l’ombre des grands arbres qui ornent leurs parcs et se réfugier dans les édifices religieux abritant d’immenses bouddhas dorés. Comme nous, deux jeunes voyageuses prennent tranquillement leur temps.
Après ces instants de quiétude, en passant devant un magasin d’électronique, je me décide à acheter un nouveau disque dur. J’en aurai bientôt besoin. Celui sur lequel je décharge mes photos et celui qui me sert de sauvegarde seront saturés d’ici quelque temps. J’opte pour un Seagate 2 Toet pourrai donc utiliser mon ancienne copie préalablement effacée pour y entreposer mes futurs chefs-d’œuvre. Mais en dupliquant mon disque, je ne sais pour quelle raison, le transfert se bloque et je suis dans l’impossibilité totale de le faire redémarrer. Le nouveau Seagaten’apparait même plus sur mon bureau. Je retourne donc d’humeur mauvaise, pour ne pas dire massacrante, là où je l’ai acheté. Sympa et compréhensif, le vendeur qui ne baragouine que deux ou trois mots d’Anglais me le change après avoir longuement et vainement tenté de le faire repartir sur ses différentes machines. De retour à la chambre, je n’ai aucun souci pour transférer tous mes dossiers. Ouf ! tout se termine pour le mieux, mais j’ai eu peur !
Nous nous rendons au Vat Ho Phra Keo dans l’après-midi. J’ai remarqué lors d’un précédent séjour qu’une belle lumière inondait la galerie à ce moment de la journée. C’est encore le cas aujourd’hui. Nous pouvons en plus profiter de la présence d’un couple de mariés et de leur photographe pour y faire quelques clichés sympas. Je me retrouve donc à reproduire les mêmes prises de vue des mêmes statues que les fois précédentes ! Je m’en rendrai compte en les comparant avec les anciennes. Ma vision des choses n’a pas évolué d’un pouce. Je ne parviens pas à trancher entre le fait d’en être heureux ou bien déçu…
Au menu de l’avant-dernière journée : marche à pied dans la chaleur !
Le matin, nous nous rendons à plus de deux kilomètres de l’hôtel au sanctuaire polychrome de Vat Simuang. Très coloré, j’y ai déjà fait pas mal de photos plutôt réussies. Je n’arrive pas à récidiver. Celles que je réalise aujourd’hui se révèlent franchement quelconques.
L’après-midi, nous prenons le chemin du temple le plus sacré du pays qui est censé contenir un cheveu de Bouddha, le Vat That Luang. Dans son habit uniforme de peinture dorée, il figure sur les armoiries du Laos et ses billets de banque. La couleur que lui donne le soleil de fin de journée nous éblouit à chaque fois. Et comme à la mauvaise habitude qui semble vouloir s’enraciner en moi, je reproduis presque à l’identique les clichés que j’ai réalisés les séjours précédents. Il va vite falloir que je me corrige ! Après avoir immortalisé le grand bouddha couché tout aussi flavescent que le stupa, nous prenons le chemin du retour en prenant tout de même le temps de nous arrêter quelques instants sur la place du Patuxai. Le soleil qui va disparaître pare d’une jolie couleur ambrée cette réplique laotienne de notre Arc-de-Triomphe national.
Nous arrivons flapis dans la nuit tombée à l’hôtel et, après être passés sous la douche, nous installons en terrasse savourer une Beerlaobienfaitrice ! Bon sang, qu’on avait soif !
Nous apprécions toujours de séjourner à Vientiane, même si la capitale change beaucoup. Malheureusement, comme en Malaisie, beaucoup de galeries marchandes et de commerces paraissent abandonnés. Des colonnes de béton s’élèvent le long du Mékong désormais rejeté très loin de l’esplanade et de la route gagnées sur son ancien lit. Bref, la ville semble en pleine mutation.
Espérons seulement que le virage que les Laotiens ont choisi de prendre ne soit pas trop brusque à négocier.
Demain, nous dormirons au Vietnam…