Le lendemain matin, nous retournons chez nos restaurateurs préférés. Ils travaillent tous les deux dans leur local restreint qui reste ouvert de 6 heures à 22 heures, 7 jours sur 7. J’espère sincèrement qu’ils réussiront, ils le méritent grandement. Pour le petit déjeuner, nous leur commandons invariablement 2 paniers de 10 gros raviolis cuits à la vapeur qu’on déguste assaisonnés de sauce soja et de pâte de piment et un grand bol de soupe où nagent une vingtaine d’autres raviolis, plus petits, qu’on se partage. Nous déboursons 12 yuans pour l’ensemble (1,70 euro). Il existe donc encore aujourd’hui des endroits en Chine où la nourriture n’est pas chère du tout.
Régalés, nous prenons, à pied, la direction du Temple de Confucius au sud-ouest de la vieille ville. La longue rue en travaux qui y conduit n’est pas des plus agréables. On y construit une future ligne de métro. Les ginkgos qui agrémentent le jardin reposant du monument sont des arbres plusieurs fois centenaires et toujours vaillants. Les arcades des bâtiments principaux abritent un nombre important de stèles. Le musée des Tablettes Gravées s’y trouve d’ailleurs. Nous y restons peu de temps, assez cependant pour prendre quelques photos, juste pour le souvenir. Nous regagnons notre hôtel par le chemin des écoliers. Nos jambes et nos pieds nous en veulent encore !
Nous repartons dans l’après-midi pour le Centre des Sciences et de la Culture en taxi. Nos jambes et nos pieds nous en sont très reconnaissants ! On doit ce beau bâtiment métallique en forme de croissant au concepteur français Paul Andrieu qui a aussi dessiné l’Opéra de Pékin. Pour cette œuvre posée près du lac de Suzhou, il a reçu la plus haute distinction chinoise en matière d’architecture. Le plus drôle est que la statuette du prix représente un coq : allez savoir pourquoi ! En attendant le début de soirée, nous nous baladons sur les rives de l’immense plan d’eau. Plusieurs couples de futurs mariés se font prendre en photo devant ce décor assez théâtral avec ses flamands roses en carton-pâte. Pour ne rien gâcher, la lumière de cette fin de journée est sublime. À 19 heures, le spectacle commence enfin : la structure métallique s’allume, façon asiatique bien sûr. Les couleurs changent sans arrêt, comme les lampes d’ambiance de chez nous. Personnellement, je trouve cela joli, mais je comprends que tout le monde, surtout les Européens, n’adhère pas. Il est vrai que, depuis presque 5 ans maintenant, nous ne voyons plus que ce genre d’éclairage. On s’y fait… Mais je suis déçu : la Porte de l’Est, gratte-ciel moderne qui rappelle un peu l’Arc de Triomphe parisien, n’est pas illuminée. Je venais ici un peu pour cela. Dommage…
Nous faisons une partie du trajet du retour en métro. Celui-ci, tout neuf, n’a encore que deux lignes, mais d’autres sont en construction. En attendant, depuis la station, il nous reste presque 2 kilomètres pour rentrer. Nos jambes et nos… Bref !
Ce soir, Chantal m’accompagne dans mon choix : une cuisse entière de canard avec tout le tintouin. Ce plat, excellent et conséquent, te retape un homme en moins de deux !… J’en avais besoin, car il 3 heures passées lorsque j’éteins mon ordinateur. J’ai été très prolifique aujourd’hui : j’avais beaucoup de photos à classer…
Tandis que je m’attèle à l’écriture du journal dès le lendemain matin, Chantal retourne faire un tour des magasins. Elle découvre une galerie souterraine où les belles boutiques de vêtements pullulent. La joie, quoi !… Elle revient en début d’après-midi, comblée. Et, sans un seul paquet ! Elle dit même avoir trouvé des sandales qui devraient me plaire. Incroyable ! Je me sens chouchouté. Y aurait-il anguille sous roche ? Un ticheurte « trop cool » à faire passer ? Un sac ? Je sais qu’elle en cherche un. Apparemment, non, puisqu’elle se met à préparer un thé et ne me demande absolument rien. C’est bien, Chantal, tu as fait des progrès énormes !…
La pluie est au rendez-vous du lendemain. On l’entend frapper les carreaux de la chambre. Cela ne nous incite vraiment pas à nous lever. On traine donc un peu au lit. Il est 9 heures lorsque nous entrons dans notre restaurant favori. Presque sans nous le demander, la patronne dépose devant chacun de nous un panier de gros raviolis et au milieu de la table, le grand bol de soupe habituel. On ne s’en lasse pas. La pluie redoublant d’intensité, nous préférons regagner la chambre. Je reprends l’écriture de mon récit et Chantal regarde un film sur son iPad : y’en a qui ont vraiment trop de chance ! Le déluge cesse vers 16 heures ce qui nous permet de partir faire un tour pour nous dégourdir les jambes.
Le jour suivant, les gros nuages gris ont laissé la place à d’autres, mais blancs cette fois, qui mettent un peu d’animation dans le ciel bleu. Nous allons trainer dans les rues de la vieille ville une partie de la matinée avant de retourner à l’hôtel nous reposer un peu pendant les heures chaudes. Puis à 16 heures, nous partons prendre le métro à la station la plus proche, à deux kilomètres tout de même, pour nous rendre à Times Square, un nouveau quartier créé de toutes pièces, sur les rives du lac, tout près du Centre des Sciences et de la Culture où nous étions il y a quelques jours. Les tours y sont nombreuses. Beaucoup d’entre elles abritent une galerie commerciale dans leurs premiers étages. Après y avoir fait un tour, et en attendant la tombée du jour, nous trainons le long du canal. J’aime beaucoup l’architecture de ce lieu hyper moderne qui marie habilement pierre, bois, acier et verre. La nuit arrive enfin et, avec elle, les beaux éclairages sur les passerelles qui enjambent le cours d’eau. De nombreux jeunes se promènent sur les quais aménagés où les lattes de bois dominent. Mais l’endroit est surtout réputé pour son immense écran, le plus grand du monde : 500 mètres de long sur 31 mètres de large et tout cela à une vingtaine de mètres au-dessus de nos têtes. Nous l’avions bien aperçu cet après-midi, mais nous l’avions pris pour un vulgaire pont, beau, certes, mais bizarrement tarabiscoté. C’était ce que nous étions venus voir, miros que nous sommes ; nous allons devoir changer de lunettes et, peut-être, ressembler aux nombreux Chinois de tout âge que nous avons croisés et qui en portent. Nous avons curieusement remarqué que la quasi-totalité d’entre eux n’est corrigée que pour la myopie ; et avec des verres non amincis. Après une recherche sur le web, j’ai appris que cela serait dû au manque de luminosité dans les maisons pour les plus anciens, et à une utilisation trop assidue des smartphones dans l’obscurité pour les plus jeunes. À voir ! Pour en revenir à l’écran gigantesque au-dessus de nos têtes, il n’y en a malheureusement qu’une petite partie à marcher ce soir, mais c’est déjà impressionnant. Une fois la séance de photos terminée, le métro nous ramène dans le centre-ville où nous entrons dans un Family Mart étancher notre soif d’une Tsingtao de 600 ml qui sonne un peu Chantal. Elle n’arrête plus de rire ! Pour se justifier, elle invoque l’absence de nourriture depuis le petit déjeuner de ce matin. C’est tous les jours comme ça, Chantal ! Mais, comme elle, je pense que cela doit être la bonne raison.
Il est donc grand temps d’aller manger la cuisse de canard devenue rituelle. Comme si elle avait deviné la chose, la patronne nous offre deux grosses bananes en guise de dessert. Adorable, comme d’habitude ! Nous n’avons plus qu’à regagner l’hôtel. Ce que Chantal fait presque sans s’en apercevoir tellement elle rigole. Elle ne me revient pas chère à saouler, ma femme : 0,40 euro. Trouvez mieux !…
Aujourd’hui dimanche, j’ai choisi de rester classer mes photos et écrire un peu. Chantal, qui a recouvré tous ses esprits, part pour une promenade dans la rue Pishi Jie qu’on aime tous les deux beaucoup pour son authenticité. En ce week-end, toutes les boutiques que l’on considèrerait à l’ancienne chez nous sont ouvertes et les motos électriques ont envahi la chaussée. Gare à vos orteils donc, car les conducteurs ont un mal fou à céder le passage. Les tables ont investi les trottoirs et de nombreux marchands ambulants proposent un choix éclectique de plats. Les clients, à force de se porter des toasts à l’alcool de riz, rient beaucoup et parlent encore plus fort que d’habitude, chose qu’on pensait impossible ! À l’entrée de chaque magasin de la rue la plus commerçante du centre-ville, des vendeuses haranguent les passants à l’aide de micros de mauvaise qualité et à peine audibles dans le vacarme des sonos, chaque boutique diffusant des tubes chinois que tout le monde fredonne. Même si ses oreilles n’en demandaient pas tant, Chantal reste un bon moment dans ce quartier attachant, principalement fréquenté par la jeunesse aisée, à fouiner dans les bacs et sur les étalages. Aujourd’hui, les amoureux n’ont plus peur de se tenir par la main ou par l’épaule, plus rarement par la taille, et s’embrassent même dans les lieux publics. On les sent joyeux, enclins à l’ouverture. Comme les autres jours, plusieurs viennent se faire prendre en photo avec elle. Encore une fois, il est vraiment dommage qu’ils parlent si peu l’anglais, une conversation, si succincte soit-elle, se révélant la plupart du temps impossible.
En milieu d’après-midi, nous partons tous les deux pour Shangtang Jie. Je tiens à y faire quelques photos juste à la tombée de la nuit. Nous traversons d’abord un paisible quartier avant de retrouver le flot des touristes chinois débarqués, le temps d’un week-end, de Shanghai, Hong Kong, Xi’an ou Pékin. Après avoir un peu sillonné la rue principale, nous revenons près du canal, là où les habitations restaurées seront illuminées tout à l’heure. Pour l’instant, un grand garçon d’une quarantaine d’années s’amuse avec ses avions télécommandés et s’attire les foudres des nombreux photographes qui se préparent pour l’« heure bleue » qui commence à poindre. Sur leur matériel haut de gamme, ils peaufinent, en effet, leurs derniers réglages. Je suis le seul à ne pas posséder de pied. Pour éviter le bougé, je squatte littéralement la rambarde en granite du petit pont juste à côté. Je devrais donc pouvoir y poser et y tenir fermement mon Nikon. Une ambiance bon enfant règne entre les chasseurs d’images. Tout le monde se prend en photo et se refile des tuyaux pour un cadrage parfait, l’utilisation d’un filtre ou pas, la meilleure sensibilité. Avec cette bonne humeur, les minutes passent vite et les premiers lampions s’allument. De tous côtés, les appareils crépitent. Cela dure un quart d’heure, le temps du fameux moment que tous les photographes affectionnent. En contrôlant mes clichés sur l’écran, je pense ne pas avoir trop tremblé. À l’écart, Chantal m’a sagement attendu. Je ne serai jamais assez reconnaissant pour sa patience.