Une fois la dernière soupe et les derniers raviolis avalés au milieu d’écoliers qui prennent des forces avant de rentrer en classe et après avoir remercié le jeune couple de notre cantine pour leur accueil, nous nous dirigeons, presque à regret, vers la station en tirant vaillamment nos sacs dans la chaleur moite matinale.
Le train à grande vitesse ayant poussé une pointe à 300 kilomètres/heure, le trajet jusqu’à Shanghai ne dure que 25 minutes ; autant que pour rejoindre, ensuite, notre hôtel en métro depuis la Gare Centrale ! Les réceptionnistes nous reconnaissent aussitôt et nous accordent une faveur en nous attribuant, pour le même prix, une chambre supérieure au lieu d’une standard. Nous bénéficions donc d’une large fenêtre à la place d’une pièce sans ouverture, rendant ainsi notre séjour bien plus agréable.
Les sacs sont à peine défaits que nous partons déjà vers le parc public situé seulement à une cent mètres de là, mais que nous n’avions pas visité lors de notre passage ici il y a quelques semaines. En cet après-midi ensoleillé, il fait bon se balader à l’ombre des grands arbres qui jalonnent les allées. Pour profiter de la sérénité de l’endroit, nous nous asseyons un moment sur un pont de pierre qui enjambe le plan d’eau d’une clarté incroyable où des centaines de poissons se faufilent entre les lotus en fleur. Autour d’un joli parterre, deux vieux messieurs s’amusent à faire planer leurs beaux cerfs-volants haut dans le ciel tandis que des bambins tentent leurs premiers pas sous les yeux pleins d’amour de leurs grands-parents qui les ont en garde durant la journée. Chose plus rare à cette heure : une mamie fait sa gymnastique, accrochée par les jarrets aux barres d’un des nombreux agrès du parc. Un couple joue au tennis sur un court caché derrière une haie de sapins taillés pendant que, un peu plus loin, un professeur prodigue ses conseils à des basketteurs en herbe sur un terrain posé au milieu des fleurs. Le jour décline et nous devons quitter ce havre de paix à 18 heures, heure de fermeture des portes. Elles rouvriront demain dès 5 heures, lorsque le soleil sera levé.
Pour le diner, nous allons nous rassasier de nouilles fraiches dans le restaurant que nous fréquentions assidument la fois dernière. Elles sont toujours aussi bonnes, mais, ce soir, nous avons la désagréable impression que les portions ont diminué de façon très significative.
J’y retourne pourtant le lendemain matin manger une soupe en guise de petit déjeuner. Quant à Chantal, elle préfère acheter une sorte de pissaladière à une marchande ambulante et un excellent yaourt aux fruits dans une épicerie.
Le ciel gris d’aujourd’hui me fait abandonner mon envie de photos. Nous irons donc trainer du côté de Nanjing Dong Lu, là où se trouve un immense Apple Store. J’ai en effet besoin d’un second chargeur, celui de Chantal ne suffisant plus pour tous nos appareils. L’un des responsables du magasin, français, reste discuter un bon moment avec nous avant d’amener notre produit. Arrivé avec sa famille il y a un peu plus d’un an, il ne regrette absolument pas son choix, tant la ville leur plait. Pourtant sa nomination ici a été longue et difficile. Entre sa demande et son embauche chez Apple, il s’est écoulé 18 mois et 18 entretiens dont un aux États-Unis ont été nécessaires. Il s’estime aujourd’hui récompensé de tous ses efforts. En partant, nous lui souhaitons bonne chance pour la suite de sa carrière. Chantal profite d’un stop sur un banc, à l’abri du soleil revenu, pour me planter là, le temps d’aller acheter un ticheurte imprimé chez H&M. Radieuse, elle me retrouve sagement assis à observer le fourmillement de la rue et me propose de continuer la balade dans les magasins. Je dois confesser que cela représente une vraie purge pour moi, mais j’ai des dettes envers ma femme qui, elle, fait tous les jours ou presque l’effort de m’attendre lorsque je prends mes photos. Mais on peut dire que cela me coûte ; et dans tous les sens du terme en plus ! Dans le Shanghai n°1 Departement Store, longtemps considéré comme le plus grand magasin de Shanghai et même de Chine, nous restons rêveurs devant les pulls cachemires, vraiment beaux, mais d’un prix beaucoup trop élevé pour notre bourse. Dans New World Emporium, nous prenons un ascenseur assez impressionnant avec ses parois vitrées pour atteindre le 6e étage de la galerie, celui consacré aux marques de sport. Si beaucoup d’entre elles sont chinoises et inconnues pour nous, nous y trouvons tout de même toutes les enseignes internationales. Nous dénichons aussi l’ascenseur extérieur qui monte au 13e et qui offre une jolie vue sur le quartier. Nous terminons la promenade dans le parc de la Place du Peuple avant de regagner nos pénates, non sans avoir oublié de nous arrêter au Shanghai First Foodhall acheter ces fameux gâteaux chinois fourrés aux noix et aux amandes qu’on adore.
Pour changer, nous cherchons un nouveau restaurant dans les environs. Chantal en déniche un, coincé dans un alignement d’autres cantines et tenu par deux petites dames franchement sympas. Dans le bain-marie qu’elles ouvrent pour nous présenter leurs diverses préparations, nous choisissons chacun un bol de fèves cuisinées, avec des morceaux de poulet et une sauce légèrement épicée. Pour simplement 10 yuans la portion (environ 1,40 euro), elles nous servent, en plus, deux assiettes de riz et deux grandes tasses d’un bouillon inconnu. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser avant de commencer, nous en avons largement assez pour nous remplir la panse, d’autant plus que l’on peut reprendre du riz à volonté. Ce que je ne me suis pas gêné de faire…
Avant notre petit déjeuner, nous partons faire un tour dans le parc près de l’hôtel. Il est à peine 8 heures et pourtant l’activité est à son comble. Quatre chorales, dispersées aux quatre coins du jardin, sont en pleine répétition. Les personnes, toutes âgées de 60 ans et beaucoup plus, chantent joyeusement et à tue-tête sous les ordres d’un chef d’orchestre qui leur donne le rythme. Sur les agrès, papys et mamies effectuent leur gym quotidienne. Dans les endroits les plus calmes, les adeptes du tai-chi-chuan exécutent leurs mouvements gracieux au son envoûtant d’une flûte. Sur l’un des squares du parc, des groupes de majorettes du troisième âge se relayent pour danser dans leurs costumes bariolés sur des musiques modernes. Toutes ces vieilles femmes ont un corps mince et lèvent encore bien haut la jambe. Bourrelet est un mot qu’elles ne connaissent pas. Quant à moi, l’ancien sportif, j’ai honte de ma raideur lorsque je regarde leurs prouesses. Comme toujours en Chine, il faut se réveiller tôt pour pouvoir assister à ce spectacle, mais nous ne regrettons jamais notre choix quand nous y allons. D’autant plus que beaucoup viennent nous saluer, prouvant ainsi leur bienveillance à notre égard. Encore une fois, dommage qu’ils ne parlent pas anglais pour que nous puissions communiquer un tant soit peu…