Quand le train arrête à Butterworth vers 5 h 30, nous n’avons pas fermé l’œil de la nuit malgré des couchettes confortables. Chantal a lu sur son iPad, tandis que j’ai pu écouter tous mes derniers enregistrements de musique. Mais les paupières sont lourdes lorsque nous empruntons le ferry pour une traversée de 15 minutes vers Penang et, principalement, la ville de George Town où nous avons déjà séjourné de nombreuses fois.
Le jour est en train de se lever. Aussi nous arrêtons-nous dans un restaurant indien ouvert de la rue principale pour dévorer un roti pisang (sorte de crêpe indienne fourrée à la banane) chacun, accompagné d’un milo ice (chocolat glacé) pour Chantal et d’un teh tarik(thé au lait concentré) pour moi. Après cette pause salutaire, nous reprenons nos sacs pour nous rendre directement à l’hôtel que nous avons l’habitude de fréquenter lors de nos séjours ici. Malgré l’heure matinale, la femme à tout faire nous reconnait, nous ouvre la porte encore close et nous propose la même chambre que les dernières fois. Coup de chance, elle était libre et toujours aussi propre ! Dans de nombreux autres pays, il aurait fallu attendre au moins midi avant d’en prendre possession. Ici, point de tout cela : si la pièce n’est pas occupée, on vous la donne sans problème. Après la suée pour arriver jusqu’ici, nous profitons tous les deux de l’aubaine pour nous ruer sous la douche froide qui nous fait un bien fou : nous avions oublié les grosses chaleurs de Penang !
Sans nous accorder le temps de nous reposer, nous prenons la direction de la ville pour vite retrouver nos repères. Bien des choses ont changé depuis la dernière fois que nous sommes venus ici, il y a 17 mois. Des bâtiments, alors en rénovation, ont enfin récupéré leur éclat d’antan. Malheureusement, d’autres sont en train de tomber en ruine, abandonnés derrière des palissades en tôle rouillée et en longue attente de travaux éventuels. De ce point de vue, la Malaisie nous fait un peu peur. De grands groupes locaux ou étrangers commandent à tour de bras de superbes buildings à des architectes qui les dessinent plutôt bien d’ailleurs, mais ont apparemment un mal fou à les louer ou à les vendre. Les galeries commerciales qui occupent les bas étages de pratiquement toutes ces tours ont de très nombreuses cellules qui ne trouvent pas d’acquéreurs. Cela n’empêche cependant pas les promoteurs de construire de nouveaux lotissements à foison. À cause du climat, tout se dégrade très rapidement ici et les immeubles, surtout ceux en béton, en subissent les avatars avec des façades qui noircissent dans un délai très bref. Il faut aussi souligner que malgré des qualités certaines, les ouvriers ne respectent pas souvent le bon timing dans les différents travaux. Nous avons pu, à maintes reprises, le vérifier et voir un peintre qui officiait au rez-de-chaussée d’une maison au milieu des gravas tandis qu’un maçon perçait une nouvelle fenêtre dans un mur à l’étage juste au-dessus et, qu’en même temps, un couvreur disposait des tuiles sur une partie de la charpente. En Asie du Sud-Est, on ne termine pour ainsi dire jamais complètement les travaux ; il y a toujours des bricoles en suspens. Les averses quotidiennes ont donc vite fait de fragiliser encore un peu plus ces constructions. Nous restons incrédules devant l’état d’un bloc d’habitations tout juste rénové lors de notre passage en début d’année dernière. Des pans entiers de crépi sont déjà tombés et laissent apercevoir des trous béants dans les murs. On n’ose pas imaginer ce pays dans vingt ou trente ans, lorsque toutes ces maisons et ces immeubles auront subi les assauts du climat et des années.
Nous retournons dans le restaurant indien que nous fréquentions assidument l’an dernier. Mais le personnel a changé et essaie de nous compter les plats un peu plus cher que les tarifs affichés. Je le leur fais comprendre. Je paie le prix demandé, mais, c’est décidé, nous en trouverons un autre pour les jours prochains.
Après la nuit sans sommeil hier dans le train, il est 10 h 15 lorsque nous ouvrons les yeux ce matin. C’est la première fois depuis que nous voyageons que nous nous réveillons si tard. Notre séjour à Penang commence plutôt bizarrement ! Je reste à l’hôtel travailler sur mon journal de bord, Chantal part faire les magasins… Des fois que ! Elle revient assez vite, le panier vide. Ouf ! Il faut dire qu’avant 11 heures, hormis les cantines, il est pratiquement impossible de trouver un commerce ouvert. Les Malaisiens ne sont pas des lève-tôt. Ils ne doivent pas être des couche-tard non plus, car beaucoup de boutiques baissent le rideau avec la tombée de la nuit, vers 19 heures. Les restaurants chinois officient en général de 7 h 30 à 17 heures, ou avant si tout a été vendu, et sont de toute manière fermés le soir pour la plupart. Par contre, les cantines indiennes, les grandes enseignes internationales comme Mc Donald et les épiceries telles les 7 Eleven restent ouvertes 24 heures sur 24. On ne risque donc pas de mourir de faim. Le problème de poids est d’ailleurs un vrai fléau ici ; nous avons même vu des bébés en surcharge pondérale. Cela semble tellement ordinaire que des spots publicitaires mettent en scène des personnes, déjà énormes, en train de se goinfrer de biscuits et de boissons sucrées sans aucune retenue. Dans les rues de George Town, nous avons dénombré, en moyenne, 6 enfants sur 10 au-dessus de la normalité européenne, dont au moins 3 obèses. On vous fait grâce des adultes.
Cela ne nous empêche pas de trouver un nouveau restaurant indien, tout près de notre hôtel, qui nous parait plus sympa que celui d’hier soir. Du fait de la simplicité de la salle carrelée, les touristes y brillent par leur absence. Les locaux, par contre, y viennent en masse. La qualité honnête de la cuisine, les assiettes copieusement servies, la gentillesse du personnel et les tarifs légers auront vite fait de nous séduire. Elle deviendra très rapidement notre cantine favorite. Pour commencer la digestion, nous partons tranquillement faire le tour du quartier et nous amusons des travestis qui se prostituent dans la rue principale. Ces jeunes « filles » sont plutôt jolies. Nous essayons tous les deux d’imaginer la tête des clients qui se trompent sur la marchandise ! Pour ma part, je trouve que leur démarche trop accentuée et leur voix un peu trop masculine les trahissent un peu…
Nous voulons retourner à la messe, car celles auxquelles nous avons assisté l’année passée nous avaient bien plu avec le karaoké. Sur un grand écran placé près de l’autel, le texte des cantiques défile et tout le monde chante à l’unisson rendant l’office très vivant. Mais, lorsque nous arrivons ce matin, le prêtre s’apprête déjà à faire communier les fidèles ; je me suis bêtement trompé sur l’heure, ou plutôt, les horaires affichés à l’entrée de l’édifice ne correspondent pas du tout à la réalité. Dommage…
Nous décidons de partir à Ferringhi. Nous prenons un bus, ou plus exactement un transport frigorifique, pour nous y rendre. Lorsque le car nous dépose 45 minutes plus tard devant l’étendue de sable, nous grelottons tous les deux alors que le thermomètre dépasse allègrement les 30°. La plage n’est certainement pas la plus belle que nous connaissons, mais c’est la seule qui soit propre, même si la limpidité de la mer n’incite pas franchement à la baignade. On est très loin de la clarté des eaux de notre joli littoral breton, mais on s’en accommode tout de même. Des parachutes ascensionnels promènent sans relâche les Singapouriens et les Malaisiens aisés qui viennent en nombre passer les week-ends dans les beaux hôtels du coin. On aime bien l’ambiance joyeuse et sans chichis de la station balnéaire qu’on quitte en fin d’après-midi en se régalant à chaque fois d’un cornet de glace acheté au Mc Do du village.
Nous sommes à Penang parce que George Town nous plait, évidemment, mais aussi parce que notre budget part moins vite que dans plein d’autres lieux. Il n’est donc pas rare qu’on reste à l’hôtel bouquiner, envoyer des mails en ce qui concerne Chantal ou, pour ma part, trier les photos, en retravailler certaines, écrire notre journal, mettre à jour les sites web.
Ce soir, nous allons manger dans un food court caché dans une petite rue proche de notre guesthouse. Nous y commandons des mets que nous ne connaissons pas et qui se révèlent assez bons. Mais j’ai toujours faim lorsque j’en ressors, deux plats plus tard !
Le matin, nous prenons le petit déjeuner alternativement dans trois endroits différents : à la guesthouse pour les toasts et les œufs plats parfaits, au restaurant indien pour les rotis pisang et le teh tarik et dans un food court très local pour le wan tan mee (soupe aux nouilles). Ensuite, nous partons la plupart du temps faire un tour en ville avant de revenir à la chambre nous abriter du soleil et de la chaleur, toujours accablante. Vers 15 heures, Chantal ressort souvent pour « visiter » les boutiques et centres commerciaux. J’avoue que je préfère de loin rester consulter l’Équipe ou le Figaro sur internet ! Le soir, nous retournons pratiquement tous les jours au restaurant indien d’à côté. Nous lui faisons parfois une infidélité pour aller dans une autre cantine indienne où le chicken tandoori me parait un peu mieux servi et surtout où je préfère les sauces qui accompagnent le nan (sorte de pain plat cuit au four).