Il tombe des cordes lorsque nous posons les pieds sur le quai de la petite gare de Segambut. Du coup, Christophe, qui a laissé passer l’averse, se pointe en moto une demi-heure plus tard. Les retrouvailles avec l’ancien tenancier de la guesthouse où nous avions l’habitude de descendre lors de nos haltes à Malacca sont très sympas. En deux voyages, il nous emmène, nous et nos bagages, jusque chez lui. Lee Sun, sa femme, Sahra et Rémi, leurs enfants, nous font la fête à notre arrivée dans la petite maison qu’ils viennent d’acquérir il y a à peine deux mois. Les travaux de rénovation ont déjà bien avancé et la chambre qu’ils nous attribuent est toute proprette. Nous offrons le ballon en fourrure que nous trainons depuis l’aéroport de Doha à Rémi et une montre Ice Watch à Sahra, Lee Sun et Christophe. Tout le monde semble content, sauf que Rémi, 3 ans, aurait lui aussi préféré une tocante ! Sa maman lui met la sienne à son poignet. Durant les huit jours qu’on restera chez eux, il ne la quittera que pour se coucher !
Les journées passent vite en leur compagnie, mais j’arrive tout de même à m’isoler un peu pour écrire le récit de notre voyage au Maroc qui accuse un sérieux retard. Le soir, nous partons dîner tous ensemble dans des bouis-bouis de quartier ou dans des hawkers, ces concentrations de petits étals qui proposent chacun une ou deux spécialités locales qu’on grignote assis sur des tabourets autour de tables disposées sur le trottoir. Les Malaisiens viennent nombreux y manger, ce qui rend ces endroits très authentiques et plutôt sympathiques. La nourriture y est souvent très bonne et surtout très fraiche, ce qui, pour nous, revêt une importance capitale. De ce fait, depuis que nous voyageons, nous n’avons été malades qu’exceptionnellement, et, dans tous les cas, après un repas pris dans un restaurant pour touristes ! Un comble, non ? Un soir, dans une gargote indienne, nous payons simplement l’équivalent de cinq euros pour nous six. Lorsque nous restons à la maison, Lee Sun ou Christophe nous préparent toujours des plats appétissants : soupe, poisson, riz, légumes et sorte de crêpes en dessert une fois, pizza ou hachis parmentier, une autre fois. Ils tiennent à ce que leurs enfants mangent de tout. Sahra, sept ans, parle couramment le français avec son papa, le chinois avec sa maman, l’anglais et le malais avec ses copines. Rémi se concentre sur le français et le chinois, mais à 3 ans, c’est déjà beaucoup.
Un dimanche, nous partons tous de bonne heure en train, puis en bus, pour Genting Highlands, sorte de Las Vegas malaisienne. À la grande joie des enfants, la dernière partie du trajet s’effectue en télécabine. On accède alors aux hôtels, casinos et parcs d’attractions perchés au sommet de la montagne. Beaucoup de monde s’agglutine autour des scènes où se produisent différents artistes. Dans une vaste galerie marchande, des manèges en forme de bateau promènent jeunes et vieux au-dessus de la foule qui déambule dans les allées. Nous nous arrêtons un long moment devant des magiciens du sucre qui fabriquent des bonbons. Ébahis par leur habileté, nous en restons bouche bée. Pour nous la fermer, ils offrent à nos mains tendues un petit peu de leur production. Dommage que nous n’avons plus le magasin de confiserie, sinon nous leur en aurions acheté des kilos ! Pour nous amuser un peu nous aussi dans ce lieu de débauche, nous nous lançons dans une partie de bowling épique. Sahra s’en tire très bien, mais la championne toutes catégories se nomme Chantal. Elle gagne le tournoi presque facilement, devant tout le monde, en n’ayant pas fait une seule rigole. Incroyable, je ne l’avais encore jamais vue jouer de la sorte ! J’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à me remettre de ma défaite ! En fin de journée, nous reprenons la télécabine, puis le bus pour Kuala Lumpur. Bavarde comme une pie, Sahra nous fait bien rire en ne comprenant rien au phénomène de la neige, elle qui vit avec plus de 30° de moyenne sur l’année. Pour rentrer à Segambut, au lieu du train comme ce matin, Christophe et Lee Sun négocient un bon prix un taxi qui nous dépose devant un food court de leur quartier. Le curry qu’on nous sert ravit nos papilles.
Lorsque je me réveille le lendemain, il est 11 heures et, bien évidemment, tout le monde a fini son petit déjeuner. Mais j’ai une excuse : je me suis couché à 5 heures, ayant travaillé toute la nuit à l’écriture de notre parcours marocain. En fait, j’ai hâte de le terminer et de le mettre en ligne. Le WiFi devrait être théoriquement installé en fin de journée. Pour l’instant, Lee Sun parvient à nous réserver deux billets de train pour Penang depuis son ordinateur et sa clé USB. En début d’après-midi, Chantal et moi retournons à Sentral Station de Kuala Lumpur. J’achète un bermuda chez Uniqlo et, je ne sais pas pourquoi, Chantal me pousse à rentrer dans le magasin Nike juste à côté. Dommage pour notre porte-monnaie, je ressors seulement quelques minutes plus tard avec un superbe maillot rayé gris et noir à l’effigie du PSG. Chantal le trouve très seyant, c’est dire comme il est beau ! Au retour, je n’en parle pas à Christophe, fervent supporteur de l’OM : je ne veux pas le gêner… De toute manière, avec la toute nouvelle installation d’internet, il est trop concentré sur les branchements de sa télé et du WiFi pour faire attention à mes sous-entendus. J’oublie mes bêtises et profite, moi aussi, de la connexion véloce pour enfin mettre à jour mes deux sites web.
J’ai de nouveau travaillé très tard cette nuit et, encore une fois, je me lève après tout le monde. Aujourd’hui, le ciel est menaçant et l’orage gronde rapidement. L’averse, intense, ne dure pas longtemps, mais assez pour rafraichir l’atmosphère lourde. Tandis que Chantal part faire quelques courses pour le souper, je reste faire la nounou avec les enfants. Tout yeux tout oreilles à son dessin animé, Sahra est facile à garder. Rémi, lui, a besoin de bouger ou de s’occuper. Il est le roi du puzzle : il les assemble à une vitesse supersonique. Incroyable, je n’ai pas même pas le temps de me creuser les méninges…
Les huit jours sont passés à toute allure et nous devons déjà quitter nos amis : ce soir, nous prenons en effet le train de nuit pour Penang. Pendant qu’ils sont partis prospecter le coin pour l’achat d’une voiture, nous bouclons tranquillement nos sacs. De retour à la maison, ils nous apprennent qu’ils prendront possession la semaine prochaine d’un beau Kangoo d’occasion, pour un prix très attractif. Les automobiles étrangères, surtout recherchées par les expats, décotent ici très rapidement et, de ce fait, n’intéressent pas les Malais. Hormis les berlines luxueuses allemandes ou scandinaves, ils préfèrent la production locale, Proton et Perodua, ou asiatique, Toyota en tête. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, Lee Sun commence demain un travail chez un fleuriste, tandis que Christophe vient d’être engagé comme surveillant au lycée international en attendant son diplôme de professeur. Son nouvel emploi débute la semaine prochaine. Il est vraiment temps que nous partions pour ne pas les déranger.
Nous dinons une dernière fois tous ensemble dans un restaurant indien sur le chemin de la gare. Rémi ne me quitte plus d’une semelle depuis quelques jours déjà. Mais en cette ultime journée, il reste littéralement scotché à moi. J’en suis d’ailleurs tout ému. Les adieux sur le quai sont rapides, car le train ne s’arrête que quelques secondes. Nous avons juste le temps d’envoyer un coucou à travers la vitre à toute la petite famille avant qu’il ne redémarre.
Merci à vous, Christophe et Lee Sun, pour votre généreuse hospitalité…