L’ATR 72, avion à hélices, atterrit sans souci à Casablanca 40 minutes après être parti de Marrakech. Par contre, il faut attendre 6 heures dans l’aéroport avant que l’Airbus A330-200 de Qatar Airways ne s’envole pour Doha où il arrive, au lever du jour, sept heures plus tard. Nous patientons de nouveau deux heures et demie pour qu’un nouvel Airbus A330-200 décolle pour notre destination finale : Kuala Lumpur. Nous mettons huit heures, cette fois, pour effectuer le trajet. Après avoir souhaité bon séjour à un jeune couple de Marocains qui nous accompagnait depuis Casablanca, nous posons enfin les bagages dans notre chambre. Il est 23 heures locales. Au total, d’hôtel à hôtel, le voyage aura duré 31 heures. Et nous n’avons pas fermé l’œil depuis Marrakech, même avec le whisky et le Champagne de marque qu’une jolie hôtesse nous a offerts à l’apéritif. Lorsque nous nous couchons, après avoir diné dans notre cantine indienne préférée où il n’y a plus qu’un seul serveur qui nous connait, nous ne parvenons pas à nous endormir à cause du décalage horaire ! Dure vie que la nôtre !
Depuis des années, nous logeons au Number Eight lors de nos haltes dans la capitale malaisienne. Malgré le changement de propriétaire, il y a un peu plus d’un an, le personnel en place continue de nous faire une bonne ristourne sur le prix de la chambre. Pourtant, c’est décidé, nous ne reviendrons plus après ce séjour : il est devenu vraiment trop sale. C’est fou comment un lieu d’hébergement, si joli il y encore peu de temps, peut se dégrader à la vitesse « grand V » lorsqu’il est peu et mal entretenu. Le monsieur japonais qui était si concerné par le bien-être de ses clients serait, nous en sommes certains, bien chagriné de voir son ancienne affaire péricliter comme elle est en train de le faire : absence presque totale de ménage, meubles cassés dans des pièces trop rarement aérées, arbres morts, mais toujours dans les pots, abris de terrasse aux toits éventrés, un tas de cendriers pleins à ras bord. Pour prendre le petit-déjeuner, dont les fruits et les œufs sont passés aux oubliettes, Chantal a dû elle-même débarrasser une table et l’essuyer sous les yeux du réceptionniste qui, vautré dans le sofa du salon, la regardait faire sans bouger le petit doigt. Et que dire du sourire (non, non, je déconne !) de la mine renfrognée des femmes de ménage (non, non, là je ne déconne pas, on les appelle vraiment comme ça : des femmes de ménage !), elles aussi avachies dans ce putain de canapé installé devant le grand écran plat ? Bref, nous regrettons déjà d’avoir négocié la chambre pour 3 nuits. Tant pis, nous ferons un effort. Par contre, nous ne le conseillerons plus jamais, je l’ai même effacé de mon site web. Autre signe qui ne trompe pas : les clients étrangers, nombreux auparavant, ont déserté le lieu. Nous sommes les seuls « blancs ». Ces nouveaux propriétaires pakistanais ne méritent vraiment pas qu’on leur fasse de la publicité. Quoique… Je viens d’en faire un peu, non ?
Nous retrouvons ici des températures à peu près équivalentes à celles du Maroc, mais, à cause de la moiteur, nettement plus difficiles à supporter. Nos organismes vont avoir besoin de se réhabituer ; pour l’instant, nous souffrons. Pour nous aider à nous acclimater, nous nous réfugions au Low Yat. Je ne convaincs pas Chantal lorsque je lui promets qu’on y est entrés par hasard, car elle aussi le connait bien pour m’y avoir accompagné à plusieurs reprises lors de nos séjours précédents. Elle sait que c’est pour moi un passage obligé. Nous ne nous attardons pas dans les premiers étages de ce temple de l’informatique et grimpons directement au 5e : celui des fournitures diverses et très variées. J’ai, en effet, le besoin urgent d’un nouveau disque dur. Avec les photos du Maroc, je n’ai pratiquement plus d’espace libre sur mon dernier. Avec une différence de seulement dix euros entre les deux, je n’hésite pas une seconde, je prends celui de 1 To, au lieu des 500 Go prévus. Je le paie deux fois moins cher que dans un magasin d’une enseigne française bien connue. Je suis content d’avoir attendu. Je le suis encore un peu plus lorsque je retrouve, dans la galerie suivante, la boutique où j’ai l’habitude d’acheter mes sous-vêtements. Aujourd’hui, je choisis deux boxers de couleurs alléchantes… C’est au tour de Chantal d’être réjouie !
Nous filons aux tours Petronas, les jumelles, pour passer la fin de journée dans le parc attenant d’où on les regarde s’allumer. Le spectacle nous ravit toujours. Mais quelques grosses gouttes de pluie viennent perturber notre attente et nous inciter à regagner nos pénates. Pour oublier notre désillusion, nous achetons deux canettes de bière bien fraiches dans une épicerie chinoise de notre quartier pour les boire tranquillement sur la terrasse de notre hôtel. Et là, comme nous le pressentions, pas de miracle ! Après avoir nous-mêmes porté le cendrier débordant de mégots… sur une autre table (!), essuyé la nôtre (encore !) et rangé le foutoir des chaussures des clients et du personnel entassées devant la porte, nous pouvons enfin savourer notre bière. Après deux lampées, Chantal a déjà la tête qui tourne. Ce doit être la fatigue. Mais, en regardant d’un peu plus près l’étiquette, je m’aperçois que la teneur en alcool est de 12 degrés et la contenance de 50 centilitres ! Mon Dieu, tu m’étonnes qu’elle commence à parler bizarrement la Chantal ! Je sais, à l’avance, que nous dormirons bien cette nuit !
La preuve : il est 9 h 30 lorsque je la réveille le lendemain matin. C’est le décalage qu’elle dit ! Je feins de la croire… Pour se venger, elle va faire un tour en ville tandis que je m’attèle au tri des dernières photos marocaines. Elle revient deux heures après avec un grand sourire : elle a acheté une super robe, qui lui va super bien et à un prix super intéressant. Le classique d’une femme qu’on laisse seule, juste un instant ! Dans l’après-midi, nous partons en balade du côté de Chinatown : je n’aurais pas dû suggérer cette promenade. Chantal y déniche l’Ice Watch dont elle rêvait. Depuis très longtemps, mais vraiment très longtemps, me précise-t-elle. Quelques secondes plus tard, elle s’en va avec une belle montre rose et blanc à 2,90 euros au poignet. M’enfin, Chantal, et moi, alors ? Dans une boutique que tient une vieille dame chinoise, je ne peux pas obtenir le tarif que je souhaite sur des sandalettes qui me font envie. Heureusement, à quelques stands de là, j’ai plus de chance auprès d’un jeune homme avec lequel j’arrive à négocier une paire de tongs Quiksilver pour quelques ringgits. C’est décidé, nous venons de terminer nos achats à Kuala Lumpur.
Pourtant, sur le chemin de l’hôtel, je me convaincs, et je parviens à persuader ma chère femme, qu’un second disque dur, surtout à ce prix-là, ne serait vraiment pas de trop. Nous retournons donc au Low Yat, pour la seconde fois… J’aurai désormais sept de ces supports informatiques dans mon sac, car les copies des photos de nos voyages précédents m’accompagnent partout.
Nous quittons, sans aucun regret, notre chambre le lendemain midi pour aller retrouver Christophe, Lee Sun et leurs deux enfants, Sahra et Rémi, qui viennent d’acquérir une maison à Segambut, un quartier à une vingtaine de minutes de train de Sentral Station, la gare de Kuala Lumpur.