Sitôt les sacs déposés à la réception et en attendant que notre chambre soit prête, nous partons manger une noddle soupdans un petit boui-boui que nous connaissons bien, tout près de l’hôtel. Dévorer serait plutôt le bon terme ; nous n’avons en effet pas eu de vrai repas depuis que nous avons quitté l’ile de Khong. Nous n’avons grignoté que les biscuits qu’on nous a offerts et mangé seulement deux sandwiches microscopiques en guise de petit déjeuner hier matin. Nous avons réellement l’estomac dans les talons !
Dans l’après-midi, nous partons vérifier si la plage de Dao se trouve toujours bien au même endroit : coup de bol, elle l’est ! Rassurés, nous revenons patauger dans la jolie piscine suspendue de l’hôtel avant d’aller saluer André le Québécois et Sairung dans leur boutique de bijoux, puis de retourner chez nos restaurateurs favoris à quelques pas de là.
Nous n’avons aucun mal à retrouver nos repères.
Il est vrai que nous partions d’ici il y a tout juste deux mois.
Après une longue nuit réparatrice, nous attaquons en pleine forme une marche d’un peu plus d’une heure qui nous emmène au village suivant rejoindre Michel, notre ami de Saint-Malo qui a pris la bonne habitude de venir passer l’hiver sous les tropiques, et sa nouvelle copine. On les retrouve à l’heure du petit déjeuner assis les pieds dans le sable à la terrasse ombragée d’un des nombreux restaurants du coin. Dans une forme toujours aussi étincelante malgré son grand âge (le même que le mien, en fait !), il n’a absolument rien perdu de sa verve intarissable qui le rend si amusant. Bref, les retrouvailles sont plutôt joyeuses. Nous passons la journée à rire ensemble et allons diner tous les quatre dans une petite bicoque près de notre hôtel. Je me régale avec le curry massamanau bœuf, vraiment très bon.
Les jours se succèdent et se ressemblent… presque ! Alors que Michel et une seconde copine arrivée la veille de France viennent nous chercher en moto à l’hôtel pour aller diner, Chantal et moi les suivons sagement à pied. Il fait nuit et le revêtement inégal des trottoirs mal éclairés rend la marche relativement hasardeuse par moments ; assez pour que Chantal se prenne les pieds dans une briquette mal ajustée et s’affale de tout son long. Le nez arrive en premier, les bras seulement après et largement en retard ! Le mal est fait. Entaille spectaculaire sur le pif écrabouillé qui pisse le sang, visage et épaule à vif, lèvre supérieure coupée et enflée, lunettes pulvérisées : le résultat frise la perfection. Le jury, composé de Michel, Nadine et moi, n’accorde cependant pas la note maximale à la figure incontrôlée à cause des genoux demeurés intacts ! Il s’en est fallu de peu, les orteils, eux, ayant morflé grave. Après un rapide retour à la chambre pour nettoyer tout ça, Madame avait, en plus de toutes ses plaies sanguinolentes, l’estomac dans les talons ! Chantal restera toujours Chantal ! Il faudra une semaine entière pour que les traces de la gamelle disparaissent presque complètement. Nous avons tous été surpris par la rapidité de la guérison. On en rigole aujourd’hui, mais sur l’instant on craignait la fracture ou des complications. Il n’en a rien été et nous nous en réjouissons tous. Elle a juste dû ressortir du fond de son sac les vieux binocles qu’elle trimbale depuis le début du voyage en espérant ne jamais en avoir besoin vu l’état dans lequel ils se trouvent. Perdu ! Mais à part ce petit problème, tout est bien qui finit bien… Et un souvenir de plus, un !
Cinq jours plus tard, nous louons une moto pour faire le tour de l’ile. Chantal qui a très peu quitté l’hôtel depuis sa chute, sinon le soir pour aller diner, se réjouit de sortir à nouveau. Nous avons choisi le thème des plages : je me piquerai une tête sur toutes celles où l’on s’arrêtera.
Nous en dénichons quelques-unes que nous ne connaissions pas encore et la baignade dans les eaux limpides me rafraichit à peine tellement elles me semblent chaudes. À ce moment précis, j’aurais presque préféré nager à Saint-Briac, c’est dire ! Ces criques d’accès assez difficile restent peu fréquentées malgré la haute saison. Il est vrai qu’avant de pouvoir y fouler le sable d’une jolie couleur blonde, il faut dévaler la falaise par des chemins escarpés mal aménagés : attention aux chutes, donc. Chantal, habituellement froussarde sur ce genre de sentiers, les aborde aujourd’hui sans trop d’appréhension. Nous découvrons ainsi Nui Beach où nous nous réfugions sous de simplissimes paillotes installées là pour échapper au soleil cuisant. Plus loin, sur une autre crique, un singe voleur s’empare du sac photo d’un baigneur et disparait avec dans la forêt toute proche. Les recherches du chapardeur et de l’appareil resteront vaines. Tandis que je fais trempette dans une mer toujours aussi claire et aussi chaude, Chantal garde consciencieusement un œil sur le nôtre. Après de nouveaux arrêts sur d’autres plages, nous rejoignons Michel et Nadine sur la leur pour y savourer une bière fraiche face à la mer à l’heure de l’apéro. Chantal opte pour le verre de vin blanc dont elle rêve depuis que Michel lui a appris qu’on en servait ici à prix raisonnable. Conquis par la bonne ambiance du bar, nous prenons le parti d’y manger et ne regrettons absolument pas notre décision. Les plats se révèlent tous excellents, mon red curryen particulier. Nous y rencontrons en plus un Rennais très sympa, Jean, qui a choisi de vivre ici plusieurs mois de l’année en compagnie de sa femme thaïe. Passionné de photographie autant que je le suis, nous trouvons rapidement un sujet de conversation autour de l’image et de sa technique. Le temps passe vite et les bières défilent. Au moment de rentrer, Michel nous décide à nous arrêter quelques instants dans une discothèque en plein air. Il est plus de minuit lorsque je remonte sur la moto, Chantal calée derrière moi. J’ai dansé comme un malade et me suis bien éclaté parmi la clientèle scandinave de la boite. Nous y avons repris une mousse ou deux, je ne me souviens plus très bien, et, alors que je roule vers Saladan, j’ai la tête qui me tourne un peu. Il ne manquerait plus qu’on se gamelle, maintenant !
Au réveil le lendemain matin, j’ai soif, mais soif ! Une de ces soifs où l’on pourrait avaler un océan d’eau fraiche ! Je ne comprends pas : j’ai pourtant bu plus que ma part hier soir ! La bouche pâteuse et un mal de crâne lancinant m’avertissent de la présence d’une gueule de bois que je n’ai pas vu venir… Merci Michel ! Ce genre de fête arrosée n’arrive plus que très, très rarement. Heureusement pour moi, car la récupération est devenue beaucoup plus difficile maintenant. Nous passons paresseusement, du moins en ce qui me concerne, la journée autour de la piscine…
Mine de rien, la fin du séjour approche. Michel est désormais rentré en France. Notre vol pour Bali se profile à l’horizon. Il va être temps de passer faire nos adieux à tous ceux qu’on connait ici. Nous en profitons pour aller prendre l’apéro au moment du coucher de soleil à l’Indianà qui l’on a fait quelques infidélités ces derniers temps. Mais Pas, gars sympa, ne nous en veut pas trop. L’ambiance de son bar, situé sur la plage Dao, nous plait toujours autant et il se doute qu’on reviendra le voir lors d’un prochain séjour. Au Baifern, la patronne qui connait notre date de départ offre un tablier de cuisine à Chantal en guise de remerciement à notre fidélité. Cette famille ne sait véritablement pas quoi faire pour nous faire plaisir. Les fois où nous ne sommes venus que tous les deux, la jeune fille nous amenait gracieusement eau fraiche ou thé glacé en même temps que nos plats. Nous sommes vraiment touchés par leur gentillesse. Et que dire de celle de Sairung et d’André le Québécois avec qui nous buvons un pot le dernier soir ? Et d’autres encore, comme l’épicier chez qui nous nous approvisionnons en eau et en Chang, du papy chez qui nous allons manger de temps en temps, du loueur de motos qui nous salue tous les jours même si nous lui en avons pris une seule cette fois-ci, de la vendeuse de billets de bus qui a toujours demandé des nouvelles après la gamelle de Chantal, des masseuses chez qui nous ne sommes jamais allés, mais qui ne manquent jamais de nous adresser un sourire…
À tous ceux-là, nous disons au revoir et, très certainement, à une prochaine fois.
Pour nous, voyageurs à long cours, séjour à Ko Lanta rime avec vacances, les vraies. Les occasions photo n’étant pas nombreuses, je m’y repose réellement, du moins après que mon journal et mes sites aient été mis à jour, ce qui me demande tout de même pas mal de boulot. Mais une fois ce travail terminé, tout comme le touriste lambda, je peux profiter pleinement de la piscine et bouquiner, confortablement installé sur un transat.
Simplement prendre le temps de ne rien faire…
Tout un programme… que nous aimerions bien renouveler !