Le minivan qui doit nous emmener en Thaïlande passe nous prendre devant notre hôtel de George Town. Comme la semaine dernière nous avions réussi à changer notre ticket (cas absolument exceptionnel, les voyagistes ne l’acceptant qu’à de très, très rares occasions), ne voyant rien venir, nous commencions à nous poser de sérieuses questions. Mais il arrive enfin, 40 minutes après l’heure fixée. Nous sommes même les premiers clients à prendre place dans le véhicule. Nous choisissons donc, sans hésiter, les deux bons sièges. Nous avons eu raison, car le chauffeur a pris une personne de plus que prévu. Les jeunes malaises qu’il a fait monter se sont tassées derrière nous et tout le monde a fait connaissance. L’ambiance dans le minivan est plutôt sympathique, mais après une demi-heure de route, certaines d’entre elles dorment profondément. On est en Asie, tout de même !
Le passage de la frontière se révèle assez chaotique. Nous changeons deux fois de file d’attente et devons patienter deux heures avant d’atteindre, enfin, un guichet où le douanier qui nous reçoit ne veut pas tamponner notre passeport. Vous n’étiez pas dans la bonne queue, décrète-t-il. Le sang de Chantal ne fait qu’un tour ! Devant son regard peu amène, l’agent préfère battre en retraite et viser nos documents sans broncher… Heureusement, car nous avons un gros retard sur l’horaire et sommes désormais presque certains de rater la correspondance pour Krabi. Une heure plus tard, à la hauteur de la ville de Hat Yai, le chauffeur s’arrête dans une station essence près d’un autre minivan qui, visiblement, nous attend. Nous avons beaucoup de chance !
Nous entrons même à l’heure prévue dans Krabi Town. Arrivés la veille, nos amis les « Mimi » nous reçoivent devant l’hôtel que nous leur avons recommandé. Les retrouvailles, trois mois seulement après les avoir quittés à Saint-Malo, sont joyeuses et les conversations ne s’interrompent qu’après le diner, vers 22 h 30. Cette nuit, épuisés par les émotions de la journée, nous dormons à poings fermés.
Nous partons tous les quatre en quête d’un petit déjeuner. Aujourd’hui, dimanche, beaucoup de cantines sont fermées. Nous allons prendre une noddle soupau poulet sous la halle du grand marché, tout près des étals de poissons. On n’aurait pas confondu avec l’odeur d’autre chose ! Sur un stand un peu plus loin, une vieille dame nous vend des ananas. Ceux-ci sont très bons, même si nous en avons quelquefois mangé de meilleurs. Mais, à 0,50 euro l’énorme fruit épluché, nous ferions preuve d’une mauvaise foi évidente en nous plaignant… De là, nous prenons un songthaew, taxi collectif fourgonnette où l’on s’entasse à une quinzaine à l’arrière, pour nous rendre à Ao Nang. En cette période de vacances, l’étroite bande de sable est assaillie par les touristes étrangers venus passer les fêtes sous le soleil asiatique. Nous trouvons néanmoins la place où étendre nos serviettes, un peu à l’écart de la foule. La température de la mer peine à nous rafraichir. Cela nous change de celle de la Manche : seulement dix degrés de plus ! Nous en profitons pour nous baigner, nous sécher, nous baigner, nous sécher, nous baigner encore…
Sur le chemin du retour vers Krabi, le taxi doit s’arrêter mettre les bâches pour nous abriter de l’orage qui vient d’éclater. Comme en Europe, le temps semble décalé ici aussi. La mousson qui devrait être maintenant terminée tapisse encore le ciel de gros nuages noirs en fin de journée. Et, souvent après l’averse, l’horizon s’éclaircit et laisse passer les derniers rayons du soleil. C’est toujours à ce moment-là que la lumière est la plus jolie. Depuis quelque temps, je promène beaucoup moins mon appareil photo, ce dont mon épaule droite me remercie, mais rate de nombreux clichés de ce genre qui auraient pu être superbes. Tant pis pour moi !
Ce soir, nous emmenons Michèle et Michel dans le petit restaurant local où nous sommes tant allés les années passées. Surprise : l’établissement a été vendu et toute l’équipe a changé. Un peu inquiets, nous commandons nos plats et sommes complètement rassurés dès les premières bouchées. C’est toujours aussi gouteux et aussi peu cher. Nos amis semblent apprécier ; tant mieux, car nous avons l’intention d’y revenir assez souvent.
Désirant connaitre notre poids, nous montons le lendemain matin sur une balance devant une supérette locale. Chantal, Michèle et moi sommes étonnés de ne pas avoir perdu de poids depuis notre départ de France. Quant à Michel, il pavoise en constatant qu’il a déjà maigri de 6 kilos. Cela le met d’une humeur plus que joyeuse. Nos amis s’arrêtent au moment du déjeuner dans un petit restaurant. Nous les regardons tranquillement manger leur soupe aux nouilles. Nous n’allons pas changer nos habitudes maintenant, nous attendrons le diner patiemment, même si le fait de les regarder manger est un vrai supplice ! L’après-midi, nous passons par hasard devant la balance d’un grand centre commercial. Pour dissiper nos doutes une fois pour toutes, nous ne résistons pas à l’envie de nous peser à nouveau. Chantal et moi faisons 2 kilos de moins, ce qui semble plus conforme à la réalité. Michèle ne comprend pas pourquoi elle a grossi de 600 grammes ; elle parait déçue. Lorsque Michel monte à son tour sur la bascule, il n’est pas très rassuré. Il a raison : l’aiguille indique 5 kilos de plus que ce matin. Un fou rire nous prend alors tous les quatre. Nous nous tenons les côtes durant 10 minutes et faisons rigoler toute la galerie autour de nous. Cette séance de pesage collectif restera très longtemps dans nos mémoires. Rien que de l’écrire, je me bidonne encore… Notre bonne humeur manque de s’évanouir quand un cinquantenaire français dépressif tente à plusieurs reprises de s’incruster dans notre conversation tandis que nous savourons une Changapéritive pour nous les hommes et un Spypour les femmes. Le soir, la peur de prendre du poids ne nous empêche tout de même pas de diner sur le marché de nuit, près des quais. Mais, cette fois, la nourriture très quelconque et plus chère que les années précédentes ne nous fera pas grossir, c’est certain. D’autant plus que nous ne trainons pas à table, le névrosé s’étant encore assis juste à côté de nous.
Le lendemain, nous louons deux motos et partons faire une virée dans les environs. Cette région offre des panoramas d’une beauté époustouflante. Dans une campagne verdoyante, au milieu des plantations d’hévéas où l’on récolte le latex qui sert à la fabrication du caoutchouc, les pitons karstiques se succèdent presque sans interruption jusque la mer. Puis, au large, ils forment un chapelet d’ilots aux formes surprenantes qui parsème un golfe sillonné par une multitude de longues queues, ces bateaux locaux qui font la navette entre les plages et la côte. Malgré un grand nombre de balades dans la région, nous ne sommes toujours pas régalés du spectacle qu’offre ce paysage torturé à ses visiteurs. Ainsi, aujourd’hui, nous parcourons les routes entre Krabi, Ao Nammao, Ao Nang, puis Ban Klong Muang où nous allons marcher sur le beau sable de la plage. De retour à Krabi, les Mimi nous emmènent à Outlet Village, sorte de centre commercial dédié aux produits de marque vendus, soi-disant, au prix usine. Je n’en suis pas si sûr, mais je craque tout de même pour une paire de chaussures en solde… de tongs, pardon ! Ce sera mon cadeau de Noël.
Aujourd’hui, c’est le grand soir : celui que des millions d’enfants attendent à travers le monde. Les cheminées et les sapins étant inconnus ici, je n’ai pas pu y déposer mes souliers… mes tongs, pardon ! Par conséquent, le Père Noël nous a snobés ; il n’est pas venu. Tant pis pour nous ! Pour nous remettre de notre déception, après l’apéro pris sur l’étroite terrasse de notre hôtel, nous partons manger tous les quatre dans un restaurant animé de la ville, uniquement fréquenté par des touristes. Nous faisons, pour cette occasion, une entorse à nos habitudes. Les plats sont corrects et relativement bien servis. La clientèle jeune et cosmopolite ajoute une ambiance plutôt sympa à l’endroit. La soirée passe vite et une fois sur le trottoir, nous décidons d’aller boire un verre quelque part. Nous choisissons un bar, proche de notre hébergement. Nous n’y prenons qu’un pot, l’atmosphère étant trop sage pour nous. Un comble ! Le jeune réceptionniste de notre hôtel nous en indique un autre, un peu plus loin. Cette fois, tout nous convient, la musique forte ne parvient pas à couvrir le brouhaha des conversations arrosées. Nous y restons le temps d’enquiller deux doubles doses de Captain Morgan, un rhum noir que je n’avais jamais goûté, mais que les Mimi semblent apprécier. Il est 2 heures lorsque nous rejoignons nos chambres. Je ne me souviens plus m’être couché : je dormais déjà !
Lorsque j’ouvre un œil, assez tard le lendemain, je suis hangover. J’ai trop insisté sur la boozehier soir. P… ! j’ai rajeuni. Je parle djeun’s.Ce doit être l’effet Captain Morgan. Mais toutes les conséquences ne sont pas aussi positives : un marteau s’obstine à cogner dans mon crâne à une cadence que Michel doit avoir du mal à tenir lors de ses joggings matinaux. En plus, je n’ai pratiquement plus de voix. La journée s’annonce vraiment difficile. Chantal, pour n’avoir bu qu’un Spy (sorte de kir pétillant en bouteille) et une petite bière Chang, est en forme olympique…
Nous avons réussi à décider Michel de visiter Bali pendant qu’il en est encore temps. Michèle le tannait depuis un moment déjà, mais cette fois, c’est bon. Nous passons même l’après-midi à acheter nos billets sur internet. Nous serons donc réunis de nouveau en février et mars prochains. Ça s’arrose ! Alors, ce soir, tandis que les trois autres commandent sans sourciller leur apéritif favori, une bière Singha pour Michel et un Spy pour les filles, je me contente d’un Coca-Cola bien frais. C’est fou le bien que ce vieux médicament fait dans ces moments-là ! Par contre, aucun d’entre nous ne souhaitant trainer, tout le monde rentre se coucher sitôt le diner avalé !