Même si les véhicules étaient neufs et très confortables, le trajet entre Vientiane et Krabi a été long. Très long : 1 500 kilomètres pour 27 heures ininterrompues de bus, seulement entrecoupées par le changement de gare routière à Bangkok en taxi.
Pour clore en beauté ce périple sans fin, après avoir catégoriquement refusé le prix exorbitant demandé par les tuk-tuk, nous devons effectuer à pied et dans la nuit tombée les 5,7 kilomètres qui séparent le terminal de Krabi de notre hôtel. Breton et bélier : et on souhaiterait que je ne sois pas têtu ! Tirant son sac derrière elle, Chantal doit m’en vouloir à mort ! Pour couronner ce périple pas tout à fait comme les autres, notre auberge affiche complet. Réellement désolées, la réceptionniste et la patronne qui nous ont reconnus au premier coup d’œil malgré nos visages décomposés et dégoulinants nous aident à dénicher une chambre pour ce soir dans les parages. Un quart d’heure plus tard, nous reprenons tous les deux nos esprits sous la douche !
Après une bonne nuit dans un lit immense, nous allons savourer le petit-déjeuner chez notre mamie habituelle. Ravie de nous revoir, elle s’empresse de nous préparer un grand bol de soupe aux nouilles et au poulet que son fils vient nous servir. Avec ce bouillon, tout ce qui pouvait persister de la colère de la veille s’est définitivement envolé. Notre séjour thaï peut débuter…
Pour commencer, nous retournons faire nos bagages avant de prendre possession d’une nouvelle chambre dans notre hôtel habituel. Nous quittons à regret celle d’hier soir, certes plus chère, mais tellement claire et confortable. Nous rangeons d’ailleurs précieusement la carte que nous tend la jeune réceptionniste au moment du départ pour pouvoir en faire profiter les amis qui demanderont une bonne adresse sur Krabi Town.
Nous nous rendons au centre commercial rafraichir un peu notre garde-robe. Chantal dégaine la première avec un ticheurte noir qui lui plait bien. Elle dégote ensuite un short en jean, idéal pour faire de la moto sans trop glisser sur la selle. Quant à moi, je trouve un bermuda qui me convient très bien au rayon Levi’s. Contents de nos achats, nous partons nous approvisionner en cacahuètes du côté du marché. Nous apercevant devant son étal, la dame ne demande rien et sert d’office un kilo de ses arachides salées à Chantal qui lui en achète, il est vrai, depuis des années. Il faudra à l’évidence qu’elle lui fasse de grands signes ou crie bien fort le jour où elle en voudra moins… ou plus !
Pour le diner, nous prenons avec plaisir la direction du marché de nuit pour y retrouver nos copains thaïs. Derrière les pots en terre posés sur des tisons qui maintiennent les différentes préparations au chaud et occupés à servir leurs clients, ils ne remarquent notre présence qu’au moment de notre tour. Nous éclatons tous les quatre de rire. Leur unique table n’étant pas libre, nous nous installons sur celle, toute proche, de leur voisin et dégustons avec énormément de plaisir Chantal son tao soi et moi mon seafood tom yam, toujours aussi savoureux. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, la femme dont nous ne parvenons pas à mémoriser le prénom nous offre deux milkshakes commandés à la jeune fille du stand d’à côté. Quand elle nous aperçoit par l’étroit judas de son kiosque, celle-ci nous adresse un petit signe de la main en même temps qu’un merveilleux sourire illumine son beau visage. Devant un tel accueil de la part de personnes qui ne nous voient qu’en de courtes périodes, une fois par an, nous en aurions presque la larme à l’œil. Avant de les quitter, nous cédons avec plaisir à la séance photo improvisée au milieu des casseroles ou, plus exactement, des pots. Vraiment dommage que demain le marché n’ait pas lieu ! Nous devrons manger ailleurs…
Après la soupe du petit-déjeuner chez la mamie et son fils, nous allons trainer du côté du port. Même les rabatteurs semblent nous reconnaitre. Peu d’entre eux viennent en effet nous importuner en cherchant à nous vendre avec insistance un aller-retour à la célèbre plage de Raile ou une sortie dans la lagune en bateau. De cela, nous ne nous en plaignons pas ! Au moment de la grosse chaleur du début d’après-midi, Chantal propose de nous réfugier dans le centre commercial climatisé. Pour ne pas la décevoir, je l’accompagne un instant avant de déclarer finalement forfait. Je rentre seul à l’hôtel écrire quelques phrases de ce carnet…
Le soir, nous allons diner dans un restaurant où, entre autres, nous avons passé le réveillon de Noël, il y a trois ans. Tandis que nous étudions la carte, le patron italien s’approche et nous remercie d’être revenus. Amusé, je lui dis qu’avec ma coiffure et mes lunettes, il doit être assez facile de me reconnaitre. Coup d’œil de sa part et il me rétorque, sourire au coin des lèvres, que c’est de ma femme dont il se souvient. Fou rire général ! Mon épouse n’est pas peu fière ! Ce soir encore, mon curry panang et le phat thai de Chantal nous font regretter de devoir quitter Krabi demain. Mais nous reviendrons certainement nous régaler ici lors d’un prochain passage. Chantal est d’accord !…
© Alain Diveu