Nous avons passé toute la journée d’hier, mercredi, à effectuer le trajet entre Kampot au Cambodge et l’ile de Koh Chang en Thaïlande. Un van est d’abord venu nous chercher à la guesthouse pour nous déposer une heure et demie plus tard devant un restaurant d’où, après une heure d’attente, un gros bus nous emmène tant bien que mal, car il a crevé l’un des quatre pneus arrière à une trentaine de kilomètres du but, au poste-frontière. Après avoir obtenu un visa thaï de 30 jours, nous montons dans un minivan qui nous arrête à Trat d’où un songthaewnous trimballe durant une bonne dizaine de kilomètres jusqu’au port. Un ferry nous fait alors traverser le détroit entre l’ile et le continent en une demi-heure, puis un ultime taxi collectif effectue le trajet jusqu’à l’hôtel que nous lui avons indiqué. La lune brille dans le ciel depuis déjà longtemps lorsque nous pénétrons enfin dans notre grande chambre. Et tout ça, avec le bras plâtré de Chantal. Inutile de préciser qu’on a bien dormi pour notre première nuit ici. Par contre, il nous faudra changer d’alcôve, une autre, plus petite et au budget plus restreint, se libérant demain matin!
Au lever du jour, je constate que la guesthouse borde la route principale assez étroite à cet endroit, qu’on ne voit pas la mer, que les restos, établissements hôteliers, boutiques à touristes, salons de massage se succèdent sans discontinuer sur les deux côtés de la chaussée. Bref, je ne suis pas emballé du tout et mon humeur en pâtit. Heureusement, la soupe au riz du petit-déjeuner me remet les idées à l’endroit.
Nous prenons nos serviettes et traversons le parc d’un grand hôtel pour atteindre la plage, pas très étendue, mais jolie. Sans rien demander à personne, nous nous installons sur les transats du palace. En fait, nous en profiterons tous les jours de notre séjour ici. Le personnel balaie sans cesse le sable et les pelouses de la cocoteraie. Les plongeons dans la mer et dans l’immense piscine nous apportent une fraicheur nécessaire et bienfaisante, car la température affiche 37°. Nous passons la journée ainsi, entre bains et détente, à l’ombre des parasols. Il n’y a pas grand monde sur cette plage, mais tous nos voisins parlent le russe. La quasi-totalité des femmes quinquas et au-dessus arbore un gros ventre et une forte poitrine qui nous amusent. Nous, à qui l’on avait dit que les Soviétiques dégageaient une certaine allure, doutons sérieusement du sens d’observation de nos informateurs. Lorsque nous rentrons pour savourer une bière sur la terrasse de notre chambre, la vision pessimiste de ce matin a fait place à un sentiment de presque bien-être!
À partir du deuxième jour, pour casser le train-train «transat-bain de mer», je longe, à droite, la plage qui se termine par un hôtel dominant la baie, perché sur la colline au milieu de la végétation, ou bien la bande de sable étroite, à gauche, que bordent des établissements de catégories supérieures. Je profite de leurs hamacs ou des nombreuses balançoires accrochées au-dessus de la mer aux branches des arbres pour me reposer un peu, les pieds dans l’eau. Je poursuis en général la promenade jusqu’au palace situé à l’extrémité de ce liseré, y pénètre sans qu’on me demande quoi que ce soit et me dirige sans hésitation vers le beau et long bassin de 75 mètres pour y piquer une tête. Une demi-heure plus tard, je reviens tranquillement m’allonger près de Chantal qui bouquine sur son transat. Je renouvellerai l’escapade tous les jours.
À l’hôtel que nous squattons, l’eau de la piscine nous parait plus fraiche que la mer. Pour cette raison, nous alternons les bains: une fois l’un, une fois l’autre, et même, souvent, l’un après l’autre. Nous prenons à peine le temps de sécher avant d’y retourner. À ce rythme, les heures défilent très vite et nous sommes toujours étonnés quand nous voyons l’astre disparaitre derrière les iles au loin. Le spectacle est chaque jour différent suivant la présence ou non des nuages au-dessus de l’horizon. Lorsque ceux-ci balaient le ciel, la mer se teinte alors d’une couleur rougeoyante du plus bel effet. Nous restons assister à ces couchers de soleil pratiquement tous les jours avant d’aller siroter tranquillement notre bière sur notre terrasse et de diner au restaurant de la guesthouse. Après avoir effectué une reconnaissance des établissements alentour, nous avons décidé d’y manger tous les jours, la qualité et le prix nous convenant très bien. Nous ne regretterons jamais notre choix.
Un matin, nous louons une moto pour découvrir l’ile un peu mieux. Pratiquement neuve, de 125 cm3, elle grimpe sans broncher les premières pentes raides que nous rencontrons et se régale ensuite des faux plats qui longent la côte. La halte à Lonely Beach nous déçoit un peu avec ses bungalows défraichis et chers pour ce qu’ils offrent. La plage ne nous séduit pas du tout non plus. Les petites anses bordées de cailloux se succèdent ainsi jusqu’à l’extrémité de l’ile à Bang Bao. Une jetée, d’abord couverte et abritant des magasins, s’avance loin dans la rade peu profonde et permet aux bateaux d’accoster. Il sert en premier lieu à embarquer les nombreux touristes qui partent effectuer une plongée autour des iles et ilots que l’on aperçoit au large. J’achète un paquet de gâteaux à un papy qui vient de les confectionner. Roulés, en forme de cigarette, à un prix dérisoire, les biscuits se révèlent savoureux et peu sucrés. Le sachet ne dure que quelques minutes! Pour nous rendre sur la côte est, nous devons refaire tout le chemin inverse jusqu’au nord et redescendre en longeant le littoral oriental, l’extrême sud de Koh Chang étant dépourvu de routes et de pistes. Moins fréquentée et presque plate, la voie bitumée suit le rivage pratiquement de bout en bout. Par rapport à l’ouest, surexploité, les hôtels sont de ce côté pratiquement absents, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Nous découvrons ainsi une petite anse, très calme, où un resort a élu domicile. Nous nous y reposons une bonne heure et repartons en ayant bien pris soin de noter l’adresse email de l’établissement pour une réservation future éventuelle. Plus loin, nous nous arrêtons faire des photos dans le village de pêcheurs de Ban Jekbae. Les maisons en bois, plantées sur leurs pilotis, se serrent les unes contre les autres au-dessus de la mer, peu profonde à cet endroit. En voulant continuer jusqu’à la pointe la plus au sud de Koh Chang, nous sommes stoppés par l’effondrement de la route qui a eu lieu il y a quelques années déjà et qui n’a jamais été remis en état. Hormis en bateau, personne ne peut donc plus se rendre au village qui s’y trouve. La fin de l’après-midi se profilant, nous devons rebrousser chemin pour effectuer la cinquantaine de kilomètres qui nous sépare de notre logis avant la tombée de la nuit. Une vingtaine de bornes plus loin, nous nous arrêtons quelques minutes à l’hôpital pour que Chantal y prenne rendez-vous pour son déplâtrage. Nous restons aussi assister au coucher de soleil sur une belle plage au sable blond et fin, assez proche de Kai Bae, notre lieu de séjour. Après avoir diné avec Marie, la jolie candidate belge de l’émission Koh Lanta 2012, et sa famille, nous ne nous attardons pas trop, vannés tous les deux de notre longue journée de balade.
Quelques jours plus tard, nous retournons donc à l’hôpital, toujours en moto, pour que Chantal s’y fasse ôter son plâtre. Elle est prise en charge dès notre arrivée: pesée (!), tension, radiographie. Puis elle entre enfin dans une salle où les infirmiers se mettent à trois pour découper la gangue qui lui emprisonne l’avant-bras depuis maintenant quatre semaines. Je ne sais pas si c’est la vision de sa chair qui l’a trop émue, mais voilà que ma tendre épouse ne se sent pas bien du tout. De l’ammoniac passé sous les narines la ranime un peu. Mais, paniquée à la vue de son poignet et de sa main gonflés, elle manque une nouvelle fois de tomber dans les mangues (il n’y a pas de pommes, ici!). Vite, re-ammoniac… Une subite envie d’aller aux toilettes lui fait reprendre un peu plus ses esprits, mais pas tout à fait la totalité… Une fois revenue complètement parmi nous, elle doit encore patienter une bonne demi-heure avant de remonter sur la moto, l’articulation et la menotte enveloppées dans une sorte de strapping. Avec la vitesse, le vent qui fouette son visage lui fait du bien. Par précaution, nous regagnons tout de même la côte ouest. Nous découvrons alors la plage réputée être la plus belle de Koh Chang. On s’y baigne tous les deux et cette immersion finit de la revigorer complètement. Il était temps! En milieu d’après-midi, nous poursuivons la promenade en empruntant les petites routes et chemins qui rejoignent la mer. Nous dénichons ainsi plein de nouveaux endroits, tous plus jolis les uns que les autres. En fait, cette ile que j’avais peur de ne pas aimer recèle une multitude de perles, mais il faut faire l’effort de les chercher. Par rapport à Koh Lanta que nous connaissons bien, je la trouve plus séduisante, avec beaucoup plus de choses à voir et à faire. J’en suis le premier étonné.
Marie, sa fille bien dégourdie pour ses douze mois, sa sœur et sa maman s’en vont un jour avant nous. Disertes, toujours en forme, elles ont apporté beaucoup de bonne humeur dans la guesthouse. Maintenant qu’elles sont parties, l’hôtel parait bien plus calme! Pour notre dernier soir, Mina, la patronne thaïe, nous offre, en plus de notre commande, un gros poisson frit. Nous sommes donc plus que rassasiés lorsque nous quittons la table pour regagner nos pénates et préparer nos sacs pour le demain matin.
Nous garderons, cette fois encore, un très bon souvenir de nos dix jours passés ici, comme souvent dans les endroits où nous restons un peu plus longtemps…