Après un vol Air Austral très cher (10 euros de plus que celui sur XL Airwaysentre Paris et la Réunion et 2 heures dans un vieil ATRà hélices contre 13 heures dans un rutilant Airbus A330-200 !), mais heureusement sans histoires, nous foulons le sol de Madagascar pour la première fois avec une certaine appréhension. Beaucoup de personnes en France, dont une famille malgache, nous ont mis en garde contre la soi-disant insécurité qui règne dans les villes et dans certaines régions touristiques. En montant dans le taxi pour gagner le centre-ville depuis l’aéroport, je vois poindre de l’inquiétude sur le visage de Chantal. Heureusement, un Réunionnais installé dans le même taxi que nous — deux courses pour le chauffeur, on est à Mada tout de même ! — et qui connait très bien la contrée nous rassure vite en nous promettant un excellent séjour si nous respectons les règles communes à tous les pays du monde. Il nous suffit de ne pas sortir tard le soir dans les quartiers populaires et les rues sombres déguisés en sapin de Noël. Ça ne risque pas de nous arriver, puisqu’on est plutôt palmier de Noël ces dernières années ! Trêve de plaisanterie : lorsque nous irons diner à Tananarive, nous ne prendrons ni appareil photo ni iPadcomme on le fait parfois ailleurs.
L’hôtel où nous logeons et que nous avons réservé sur Bookingnous plait beaucoup. L’accueil de la vieille réceptionniste francophone nous réjouit et la chambre nous comble avec sa déco traditionnelle toute en bois et fibres naturelles et son éclairage diffus. Après avoir pris une douche bienvenue, nous allons diner, à quelques encablures de la maison d’hôtes, dans un restaurant à l’ambiance surannée, mais lugubre, la grande pièce tout habillée de rouge n’accueillant que nous. Premier repas : premier zébu ! Festin de viande rouge : un pavé au poivre vert pour Chantal et une brochette pour moi. Trop bon ! Nous ne sommes pas près de devenir végétariens avec de tels plats ! Comme pour nous disculper, la volée de hautes marches qui mène à l’hôtel va aider la digestion, c’est sûr…
Après une excellente nuit dans notre couette douillette et un copieux petit-déjeuner, nous réservons le diner, puis quittons notre cocon pour nos premiers pas dans la cité malgache et la fourmilière du marché situé au bas de l’escalier abrupt. Sur, encore une fois, les recommandations de la réceptionniste d’hier soir, nous abandonnons l’idée de prendre nos appareils de prise de vue. Décidément, ici, tout le monde participe à la psychose collective ! Nous allons donc devoir déambuler les bras ballants, fait rarissime depuis que nous voyageons. Nous errons ainsi au milieu des tables bien garnies des vendeurs de légumes, des étals rustiques des bouchers et des présentoirs sommaires des quincaillers ou des marchands de vêtements de seconde main. Bien évidemment, je ne tarde pas à rager. On ne croise que des regards dénués de toute agressivité et des sourires. À aucun moment, nous n’éprouvons un quelconque sentiment de peur. Je me promets d’oublier les conseils lors de nos prochaines sorties. Pour l’instant, nous allons réserver les places pour le transport jusqu’à Antsirabe. Pour une première, on assure ! Nous avons choisi une compagnie réputée pour son sérieux et sa ponctualité. Le billet en poche, nous poursuivons la balade en trainant nos guêtres dans le marché couvert d’Analakely tout en étant déjà certains d’y revenir le lendemain tant son atmosphère nous séduit dès les premières rencontres. Nous achetons pour quelques ariarysdes cacahuètes grillées auprès de jeunes vendeurs assis sur le trottoir et regagnons tranquillement, mais frustrés tout de même, notre hôtel.
À 18 heures, nous faisons la connaissance de Rama, un guide malgache qui avait accompagné Ludovic et Frédérique, chez qui nous avons mangé lors de notre passage à La Réunion, et à qui nous devons remettre une enveloppe de leur part. Il comprend très vite que nous ne comptons pas sur ses services. Il nous donne malgré tout, une heure durant maints tuyaux et conseils de visite. Nous lui en sommes reconnaissants, mais en nous quittant, il rajoute une couche à la paranoïa générale qui veut que tous les touristes soient attaqués à un moment ou à un autre. En écrivant ces lignes, je ne sais pas encore si j’aurai mieux fait de suivre à la lettre toutes les recommandations de prudence — ça, je ne pourrai le dire qu’une fois parti —, mais sur l’instant je maudis toutes ces personnes qui nous affolent bien plus qu’ils nous aident. Et comme il n’y a pas de fumée sans feu… On va tout de même essayer de faire attention. Le diner arrive à temps pour nous faire oublier tous ces tracas. Nous avons choisi de le prendre ici et dès les premières bouchées ne le regrettons absolument pas. Deuxième repas à Madagascar et deuxième zébu ! Cuisiné en sauce et copieusement servi avec ses légumes passés au beurre, il ne fait pas long feu dans nos assiettes. Les fraises en dessert, non plus, d’ailleurs, et, lorsqu’on se glisse sous la couette après la douche chaude, on a tous les deux oublié qu’on devrait avoir la trouille d’être à Tana…
Pour prendre le petit-déjeuner dans la salle à manger aux fenêtres ouvertes, nous avons revêtu nos polaires. À 1 300 mètres d’altitude, les nuits et les matinées sont en effet encore fraiches en cette saison. Nous apercevant emmitouflés, la réceptionniste vient précipitamment fermer les carreaux en s’excusant. Nous apprécions.
Sous un ciel gris, après un grand tour sur le marché où nous avons pris une quantité impressionnante de photos et discuté avec des gens affables, nous entreprenons la montée jusqu’au palais de la Reine. Par la même occasion, nous repérons l’un des restaurants cotés de la capitale et tenus par un Français. Dans ce pays, nous pouvons en effet profiter de la grande cuisine (ou presque) pour des prix très raisonnables par rapport à sa qualité. Nous avons l’intention de la tester, mais pour l’instant la grimpette accapare toute notre attention. Les mollets chauffent. Étonnement, Chantal ne dit rien ; elle suit.
Au détour d’un tournant, nous tombons sur une dame qui visiblement souhaite entamer la conversation avec nous. Nous nous y plions sans aucune réticence. Adorable et très croyante, elle nous explique qu’elle vient de brûler un cierge pour que sa fille, en France, obtienne un bon travail et qu’elle-même reçoive son visa pour aller la voir là-bas. En nous quittant, elle nous prie sincèrement de faire attention à nos sacs et, s’adressant à moi, particulièrement à mon appareil photo. Décidément !…
Une averse vient contrarier nos projets. Nous préférons abandonner et retourner à l’hôtel. Il est 15 h 30 et regagnons nos pénates…
Le lendemain matin, le ciel ne s’est pas débarrassé de sa grise nébulosité. Cela ne nous empêche cependant pas de reprendre le trajet qui conduit vers la ville haute et que nous avons interrompu hier. Quelques hectomètres après notre demi-tour de la veille, nous nous arrêtons à l’église catholique Notre-Dame d’Andohalo, puis, juste en face, à la maison Jean Laborde malheureusement privatisée par des étudiants francophones pour la journée. Nous n’en apercevrons que l’entrée ; dommage. Des belvédères aménagés le long de la rue qui continue de grimper proposent de jolies vues sur la ville basse et les alentours. Ils nous permettent surtout de reprendre notre souffle. Les jarrets tiraillent dur lorsque nous arrivons au but de la promenade : le Rova de Manjakamiadana ou Palais de la Reine. Perché sur l’une des plus hautes collines de la capitale, il brûla dans des circonstances suspectes, pour ne pas dire criminelles, en 1995. Sa rénovation, loin d’être terminée, demeure un sujet tabou. Nous achetons les billets d’entrée bizarrement. Un guide, ou quelqu’un qui se proclame tel, nous accompagne jusqu’au kiosque où une dame tient un carnet dans la main. Elle nous demande 20 000 ariarys auxquels nous devons ajouter 30 000 pour le guide prétendument obligatoire. Vu la tête du type qui n’a pas l’air vraiment officiel, je décline fermement. On nous refuse donc l’entrée. Nous sommes en train de quitter les lieux lorsque le soi-disant accompagnateur nous rappelle et accepte que l’on ne paie que les billets. Nous retournons au kiosque où la dame veut mon argent avant de me donner les tickets. Une fois de plus, j’oppose un refus catégorique. De mauvaise grâce, elle me tend deux feuillets… usagés, froissés et pliés en quatre ! Je ne me démonte pas et lui montre les carnets. Contrariée, elle en ouvre un et en extrait deux entrées en me demandant les 20 000 ariarys. Enfin ! En détaillant les deux sésames, je m’aperçois qu’ils sont destinés aux locaux qui paient beaucoup moins cher que les étrangers. En les lui rendant, je lui désigne fermement du doigt le bon carnet. Elle tique, mais en sort deux billets qui, cette fois, me conviennent. Le faux guide me regarde assez méchamment et part en grommelant. Au contrôle des entrées, le préposé garde les deux tickets. Je les lui arrache des mains ! Non, mais !… Tout compte fait, la visite valait à peine le coup ! Mais bon, c’était l’endroit de Tana à ne pas manquer. Comme la majorité des touristes, nous l’avons fait ! Nous regagnons tranquillement notre logis.
Tandis que Chantal reste bouquiner à l’hôtel, je repars sur le coup des 16 heures sur le trajet de ce matin. Je souhaite en effet faire des photos, depuis les belvédères, avec l’éclairage de fin d’après-midi. Je reviens juste avant la tombée de la nuit.
Pour diner, nous faisons une infidélité à notre maison d’hôtes pour aller dans un restaurant dont tout le monde nous rabâche les oreilles. Malgré l’obscurité, nous nous y rendons à pied. Il faut dire que ce restaurant très réputé n’est situé qu’à 800 mètres de notre hôtel. En revenant de notre promenade matinale, nous avions réservé nos couverts. Heureusement, car au moment où nous entrons un panneau affiche complet. Nous voyons beaucoup de personnes obligées de faire demi-tour. Nous dégustons notre premier foie gras de canard. Madagascar est en effet connue pour en avoir de très bons. Nos amis Yvonnick et Dominique nous les ont fortement conseillés. La déception n’est pas au rendez-vous, ils se révèlent excellents… et surtout d’un coût incomparable avec les tarifs pratiqués en France. Pour une fois, j’abandonne le zébu pour un magret qui n’a rien à envier à ceux de chez nous. Et la purée qui les accompagne est tout simplement sublime. Chantal, elle, se délecte de son poulet sauce vanille servi avec des légumes sautés. Et que dire de la banane flambée, sinon que, cuite à point, elle nage dans le rhum ?
Nous rentrons à 20 h 30, de nouveau à pied et sans souci, même si Chantal n’en mène pas large…