Pour la randonnée d’hier, nous avons vraiment eu de la chance avec la météo. Par contre, ce matin, il tombe comme un crachin breton. Tout pour nous plaire ! Revêtue de son nouveau coupe-vent, Chantal accompagne Sandrine au marché de l’Hermitage qu’elle juge plus petit et un brin plus bobo que celui de Saint-Paul. Elles y achètent des légumes et des fruits, dont un cœur de bœuf qu’on ne connait pas et qui se révèlera bien moyen. Heureusement, le magnifique fraisier que Sandrine et son amie Marie-Laure ont préparé sera dévoré en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire : superbement délicieux ! De même, d’ailleurs, que le mojitoque j’ai confectionné avec les produits locaux, dont un citron au goût subtil de mandarine acidulée assez surprenant…
Le lundi matin, Ivan nous emmène chercher notre voiture de location à Sainte-Marie. On nous attribue une Renault Capturtoute neuve à la place de la petite Polochoisie à la réservation. Équipée d’un GPS, je vais devoir apprendre à m’en servir. Au bout de quelques tâtonnements, j’arrive à lui indiquer notre destination du jour : la côte Est.
Nous effectuons le premier arrêt à la cascade de Niagara à Sainte-Suzanne. De belle hauteur, elle tombe dans un bassin entouré de champs de cannes à sucre. Dans une petite bambouseraie toute proche, nous restons un long moment à observer de frêles oiseaux-béliers jaune et vert confectionner leurs nids la tête en bas. Ce travail incombe au mâle. Pendant la saison des amours, la femelle visite le cocon et, s’il ne lui plait pas, va voir ailleurs ! Le monsieur en est quitte pour détruire l’ouvrage qu’il avait si patiemment construit. Ah ! les femmes !… Nous reprenons la route en suivant à la lettre les indications du GPS pour nous rendre à Saint-André dans une vanillière. Mais en approchant des fameuses orchidées, je ne vois aucune fleur et aucune gousse. La saison n’a pas encore commencé. Nous abandonnons donc l’idée de visite, contrairement à la dizaine de curieux qui attendent sagement l’ouverture imminente de la coopérative. Nous continuons la promenade jusqu’à Bras-Panon et les fameux bassins de la Paix et de la Mer. Enclavés dans une nature verdoyante, on y accède par un sentier tortueux qui se faufile entre rochers, massifs de fleurs sauvages, fougères arborescentes et grands arbres ressemblant à des pins. Chantal qui souffre d’un orteil écorché fait demi-tour au premier bassin et regagne seule la voiture. Je la rejoins une bonne demi-heure plus tard. Avant de retourner à La Possession, nous poursuivons jusqu’à Sainte-Anne où le grain de folie d’un curé pas comme les autres a donné naissance à une église qui mérite vraiment le coup d’œil. Le Facteur Cheval n’aurait certainement pas renié cet édifice classé par l’UNESCO. Pour fidéliser ses ouailles, le fameux prêtre a mis les enfants du catéchisme à contribution. Ce sont eux qui ont réalisé les moules en ciment des décors kitsch qui confèrent à la chapelle intérieure un certain côté gaudien. Drôle et émouvant !
Nous retrouvons Ivan et Sandrine sur la terrasse au moment de l’apéritif pour discuter autour d’une bonne Phoenix, bière venue de l’ile Maurice voisine et d’un excellent porc au caramel.
Pour nous rendre dans le cirque de Salazie, nous devons d’abord affronter les impressionnants bouchons quotidiens sur la route qui mène à Saint-Denis. Une heure et vingt minutes après avoir quitté la maison, nous arrivons à hauteur de l’aéroport à la sortie de la ville et n’avons effectué que 30 kilomètres ! Nos hôtes nous avaient prévenus, nous nous y attendions. Mais les pauvres qui se rendent à leur travail doivent tous les jours prendre en compte ce très long temps de trajet… à l’aller et au retour ! Je les plains…
La route qui grimpe à Salazie suit d’abord le cours d’une rivière en se frayant un chemin entre les pentes abruptes recouvertes de végétation des montagnes. De nombreuses cascades jaillissent sur ces versants et portent parfois de drôles de noms comme celle de Pisse-en-l’Air qui tombe en partie au milieu de route. Excellent pour nettoyer les pare-brise poussiéreux comme le mien ! Celles, vertigineuses, du Voile de la Mariée sont les plus photogéniques. Je ne parviens pourtant pas à les cadrer avantageusement. Mes clichés sont d’une banalité affligeante. Heureusement pour moi, nous atteignons Hell-Bourg, premier village d’outre-mer à avoir été classé Plus Beau Village de France. Je vais pouvoir me rattraper. Coquet, préservé dans son écrin de verdure, relativement isolé, mais tout de même plus accessible que les deux autres cirques, il est entouré par de hautes crêtes dont le Piton des Neiges qui culmine à 3071 mètres. Il abrite également de très nombreuses maisons créoles joliment restaurées que l’on découvre au fur et à mesure d’une promenade dans les rues de ce charmant lieu de villégiature. Le préfet de l’ile vient toujours s’y reposer. Après un stop gourmand dans une pâtisserie où nous nous délectons chacun d’un gâteau-patate et d’un gâteau-chouchou, nous visitons la Maison Folio, ancienne bâtisse coloniale où la famille vit toujours. Avec un accent inimitable, la vieille guide pleine d’humour nous présente les innombrables épices et curiosités végétales qui ont trouvé le paradis dans ce jardin. Dommage qu’en repartant nous ayons déjà presque tout oublié ! La visite se termine dans la maison au joli parquet et aux meubles hétéroclites. Les nuages qui s’accumulent sur les hauteurs et la température qui fraichit nous incitent à monter dans la voiture et prendre le chemin du bercail. Nous traversons tant bien que mal Saint-Denis au moment du retour dans les chaumières. Incroyable que les autorités locales n’arrivent pas à régler ce persistant problème de circulation !
Par une route tortueuse à souhait qui virevolte au milieu de somptueux paysages évoluant au fur et à mesure de la montée, nous grimpons à flanc de montagne jusqu’au sommet recouvert d’un maquis odorant du Piton Maïdo. Pour éviter les nuages, nous sommes partis tôt ce matin de La Possession et, à notre arrivée sur le parking perché à 2 200 mètres d’altitude, la température n’est que de 8° ! Vêtus de nos polaires, nous atteignons le belvédère sous un ciel pur et un soleil éclatant. Côté mer, on aperçoit déjà les premières nébulosités qui recouvreront dans une heure ou deux le cirque. Pour l’instant, nous avons largement le temps de nous pâmer devant le panorama extraordinaire sur Mafate, 1 500 mètres plus bas ! Incroyablement beau ! Pour la descente, le GPS me fait prendre une route si étroite que je dois faire attention à ne pas érafler la peinture de la voiture contre les clôtures. Mais, j’ai dû mal croiser les doigts, car, après quelques centaines de mètres, un gros tracteur avec sa remorque se présente juste en face de moi. No panic, mais un peu quand même ! Impossibilité de faire une longue marche arrière pour lui comme pour moi. Heureusement, l’absence de fossés facilite les manœuvres. Je pose littéralement la voiture contre le barbelé en prenant d’infinies précautions, replie les rétroviseurs et croise à nouveau les doigts. Le tracteur avance à l’allure d’une mouche déformant nettement le fil de son côté et passe. Puis arrive l’impressionnante remorque chargée de ses ballots de paille. Je ne vois pas comment elle va m’éviter. Le chauffeur ralentit encore, Chantal et moi fermons les yeux et psalmodions quelques prières qui nous reviennent en mémoire dans les moments difficiles ! Nos vœux sont exaucés. Au bout d’un temps qui nous a paru une éternité, tout s’est bien terminé. Dans mon rétro, j’aperçois le chauffeur qui pointe son pouce en l’air en signe de victoire. Pas une égratignure sur la carrosserie, rien ! Avec la chaleur qui revient, des gouttes de sueur perlent sur mon front. Je n’ai vraiment plus froid !
Comme à Hell-Bourg hier, nous retrouvons un grand nombre de cases multicolores à L’Entre-Deux. Coincé entre deux rivières et entre la montagne et la mer, cet ilet qui mérite bien son nom a su préserver une certaine authenticité. Après avoir récupéré un plan à l’office du tourisme, nous déambulons tranquillement au milieu des maisons en bois plus ou moins bien retapées. Je discute un peu avec un monsieur qui repeint la sienne et qui m’apprend qu’il renouvelle l’opération tous les trois ans. Je comprends ainsi pourquoi certaines que l’on voit sur les dépliants ou les photos de forums sont passées du bleu au rouge ou du vert au jaune par exemple. La continuité n’est pas de mise ici. Dire qu’en Métropole, les agents des Bâtiments de Franceimposent aux propriétaires, sans discussion possible, une nuance de teinte si précise que cela en devient vraiment risible ! Heureux les Réunionnais qui peuvent chasser leurs idées noires en changeant simplement la couleur de leur habitation. En plus, le résultat est toujours magnifique ! Vive la liberté de choix… Nous poursuivons la journée par une petite visite à la mairie de Saint-Pierre typique de l’époque coloniale et superbe dans son habit jaune surmontée. Nous partons aussi à la recherche des maisons créoles historiques dont certaines affichent un certain luxe. Avant de quitter la troisième ville de l’ile, nous nous arrêtons devant la plage chez un vendeur de samoussas et bonbons-piments. On n’a pas su résister à leur appel !
Comme il nous reste encore du temps, nous déplions les serviettes sur le sable fin de l’Hermitage-les-Bains, près de Saint-Gilles, pour nous reposer de cette longue journée de découverte.