Le hall de la gare Centrale de Shanghai nous impressionne réellement. Tant par sa taille que par sa fréquentation, il ressemble plus à celui d’un aéroport qu’à celui d’une station ferroviaire. Bien fléché et panneauté, il nous permet de trouver sans difficulté notre salle d’embarquement. En attendant de nous rendre sur le quai et munis des tickets que je viens d’obtenir au guichet réservé aux étrangers, nous patientons au milieu des familles. Dans ce pays le plus connecté au monde, hormis les tout-petits, 8 personnes sur 10 (on termine juste de faire la moyenne des gens autour de nous) ont les yeux rivés sur leurs smartphones ou leurs tablettes informatiques, mais une minorité s’en sert de téléphone. Même les papys et mamies suivent leurs séries préférées sur leur écran. Nous sommes sidérés.
Le train à grande vitesse local, le CRH, nous arrête à la gare de Suzhou seulement 25 minutes après son départ de Shanghai, exactement à l’heure prévue. Avec une pointe, indiquée sur le tableau lumineux du wagon, à 300 kilomètres/heure, le trajet parait effectivement très court. Confortablement assis, nous avons à peine eu le temps de constater que l’agglomération ne cesse à aucun moment entre les deux cités. Depuis plus d’un millénaire, cette région reste la plus densément peuplée de Chine. Dans un avenir très proche, Suzhou et Shanghai ne feront d’ailleurs plus qu’une seule et immense mégapole de plus de 40 millions d’habitants à elles deux ; de quoi donner le vertige !
Depuis la gare, nous partons à pied vers notre hôtel, situé dans le nord de la vieille ville à presque 2 kilomètres. Nous y avons réservé 5 nuits sur Booking. Nous passons une première fois devant, sans le voir. Plus loin, constatant notre méprise, nous revenons sur nos pas en faisant plus attention. Nous avons tout de même une bonne excuse : avec toutes ses enseignes écrites en chinois, nous ne l’avions pas remarqué, nous qui cherchions un nom avec les lettres de notre alphabet ! Les deux réceptionnistes qui ne parlent pas un mot d’anglais ne trouvent pas la réservation que Chantal leur montre pourtant sur sa tablette. Après quelques minutes d’attente, elles se décident malgré tout à nous donner une chambre correspondant à nos souhaits. Ça promet ! D’autant plus qu’en y entrant, et avant toute autre chose, nous commençons par faire les poussières tellement les meubles en sont recouverts. Dur, dur !… Dommage, car elle semble très correcte. En fait, une fois bien installés et reposés, nous réviserons notre premier jugement et demanderons, cette fois avec l’aide du logiciel de traduction de l’iPad, un prolongement de 13 nuits supplémentaires à la réceptionniste, tout heureuse de nous comprendre !…
Pour l’instant, après avoir fait le ménage donc et déballé les sacs, nous partons nous promener dans rues de cette ville qui m’a tant fait rêver. Adolescent, en admiration devant des photos de ses canaux, je m’étais promis d’y passer un jour. Mais il est certain qu’elle doit avoir terriblement changé depuis cette époque, surtout dans un pays où les choses semblent tellement accélérées par rapport aux nôtres.
De beaux platanes bordent la rue que nous empruntons. Leur frondaison protège efficacement du soleil et rend la balade très agréable. De chaque côté de cette artère paisible, de petits commerces proposent une foule de produits, alimentaires pour la plupart. Dans celui d’une mamie adorable, nous achetons des biscuits pour trois fois rien. Elle nous reverra tous les jours de notre séjour. Plus loin, les étals de marchands de fruits se succèdent, tous mieux approvisionnés les uns que les autres. Nous cédons à notre envie de banane. Malheureusement, étant habitués à celles très sucrées d’Asie du Sud-Est, elles nous semblent quelconques, ressemblant à s’y méprendre à celles qu’on trouve en France métropolitaine. Elles ont cependant le mérite de nous remplir l’estomac. Tout en engloutissant notre régime, nous passons devant un nombre impressionnant de boutiques vendant des cailloux et des roches, de différentes couleurs et de toutes tailles. Elles ont en commun le fait d’être toutes très jolies. Le marché aux fleurs et aux oiseaux regorge de plantes vertes, superbement développées et saines. Moi qui les adore, je regrette de ne pas habiter dans le coin pour me fournir ici. La partie réservée aux volatiles et des animaux est plus glauque avec ses chiots et chatons enfermés dans des cages minuscules. Pourtant, depuis notre arrivée, nous avons pu constater que les Chinois aimaient désormais les chiens de compagnie, surtout ceux de petite taille. On en voit partout ; les caniches sont les plus nombreux, suivis de près par les loulous de Poméranie et autres races à pattes courtes. L’époque où ils terminaient leur vie dans l’assiette du maitre ou comme sac à main de la maitresse semble révolue, au moins dans cette contrée… Nous arrivons ensuite sur un marché de nuit, déjà en effervescence en cette fin d’après-midi, où les stands de nourriture proposent toutes sortes de choses appétissantes. Puis nous débouchons sur la rue principale du centre-ville, piétonne et commerçante. Les jeunes se retrouvent en masse dans les grands magasins branchés ou d’enseignes internationales. Ils paraissent gais, insouciants et beaucoup nous adressent un sourire auquel nous répondons avec empressement. Malheureusement, comme à Shanghai, peu, mais vraiment très peu, parlent l’anglais ; contrairement aux fois précédentes où nous arrivions tout de même à avoir quelques échanges, même futiles, avec certains. Cela restera la grande déception de ce voyage.
Pour diner, nous retournons sur le marché. Tandis que Chantal opte pour une sorte de pissaladière, je me décide pour un nanfourré d’une pâte très épicée et saupoudré de graines de sésame. Une fois cette mise en bouche terminée, je m’attaque à un poisson grillé, arrosé d’une sauce non identifiée et enfilé sur un pic de brochette : trop bon. Après son entrée, Chantal, la copieuse, choisit un nan au même stand que moi tout à l’heure. Mais elle avoue avoir le gosier en feu lorsqu’elle a fini ! Arrivés dans notre chambre, nous grignotons les biscuits achetés cet après-midi en buvant un excellent thé pu’erdu Yunnan.
Le soleil matinal du lendemain nous incite à partir tôt. Si dans les rues principales la circulation est déjà intense, dans celles qui nous intéressent et qui longent les canaux, le calme règne encore. Nous devons tout de même nous méfier des vélos et motos électriques que nous n’entendons pas venir et qui nous rasent des orteils. Les beaux trottoirs servent, en effet, comme presque partout ailleurs en Asie, de voie de secours aux plus pressés. À nous de faire attention, ils forceront le passage de toute manière… En guise de petit déjeuner, nous avalons une soupe aux nouilles, assez bien garnie, certes, mais deux fois plus chère qu’à Shanghai. La proprio a dû se faire plaisir !
Nous poursuivons la flânerie et rejoignons une rue typique du vieux Suzhou qui longe un canal traversé par de nombreux petits ponts en pierre. Une femme qui pousse la barcarolle locale tout en maniant habilement sa rame promène deux touristes sur une gondole chinoise. Nous nous asseyons un moment pour contempler ce spectacle d’un autre temps. Dommage que le Klaxon tonitruant des motos électriques qu’on n’entend pas, elles, vienne quelque peu troubler la sérénité de l’instant. Nous pensons d’ailleurs sincèrement que les Chinois ne pourraient pas vivre dans le silence. Pour converser, hommes et femmes, jeunes ou vieux, tous beuglent les mots. Ils s’envoient des injures ? Mais non, ils discutent, tout simplement. Lorsque quelqu’un reçoit un appel sur son mobile, tout le monde peut aisément suivre la causerie, il n’y a de secret pour personne. De même, dans le couloir des hôtels, la porte des chambres reste grande ouverte et les occupants se parlent (hurlent, donc !) d’une pièce à une autre. Heureusement qu’ils se couchent tôt, cela pourrait vite devenir invivable pour les étrangers comme nous, peu enclins à supporter ce genre de boucan. Mais soyons tout à fait honnêtes : cela n’est arrivé qu’une seule fois et concernait des retraités ! Les plus jeunes, eux, ferment leur porte, sont un peu moins bruyants… mais rappliquent plus tard dans la soirée et se souhaitent bonne nuit d’un bout à l’autre du corridor. Faut pas rêver, tout de même !
Une pluie fine succède au beau soleil de la matinée. Du coup, il est beaucoup moins agréable de se balader. Nous regagnons donc l’hôtel et n’en ressortons que pour aller nous repaitre dans un restaurant juste en face.