Réputée pour son sérieux, la compagnie Giant Ibis propose, en direction de Siem Reap, des cars neufs, très confortables et spacieux, offrant même le wifi. Nous quittons néanmoins Phnom Penh avec une heure de retard, moment où devait partir le bus suivant. J’imagine qu’elle a souhaité regrouper les deux par souci d’économie, mais sans parvenir à en remplir un complètement. Après les embouteillages du centre-ville, nous filons à bonne allure sur une chaussée correcte. Nous nous arrêtons deux fois dans de jolis restaurants. Dans l’un d’entre eux, Chantal opte pour un coca frais, je choisis une noix de coco qui se révèle excellente.
De la gare routière, un tuk-tuk, mal négocié sur une erreur d’appréciation de distance de ma part, nous emmène jusqu’à notre guesthouse. Mais là, mauvaise surprise. Les propriétaires ont changé et les nouveaux, cambodgiens, ont bien augmenté leurs tarifs. Nous parvenons tout de même à nous accorder sur un prix correct pour Siem Reap. Nous paierons les petits-déjeuners lorsque nous les prendrons. Après une douche rapide, nous filons vers notre bar favori. Là encore, déception ; il n’existe plus. Nous nous mettons alors en quête d’un endroit aussi sympa qu’il l’était, mais n’en trouvons pas. Tant pis ! La nuit tombant, nous nous dirigeons vers un petit restaurant que nous avons connu pendant notre tour du monde en 2006 et que nous avons continué à fréquenter lors de nos passages suivants. Nous avons du mal à le reconnaitre. La salle étroite et sombre de l’origine n’occupe plus, à vue de nez, qu’un huitième d’une surface désormais répartie sur deux niveaux. L’usine ! Nous y prenons tout de même place et commandons deux plats khmers. La qualité des mets présentés mérite toujours les compliments. On aurait bien aimé en dire autant à propos des prix… Partout, les cafés et restaurants ont pris de l’embonpoint. Pub Street impressionne par le nombre de ses énormes bars et discothèques, mais, malgré la saison, peu de monde se bouscule dans ces mastodontes. Il faudra peut-être attendre janvier ou, mieux, février avec le Nouvel An chinois pour qu’ils se remplissent !
Après une soupe au poulet et aux nouilles dans un restaurant local archibondé, la balade du lendemain matin est consacrée à la recherche de bonnes tables et des adresses du Guide du Routard. Pour cela, nous traversons la ville de part en part. Nous éliminons les plus chères et celles, nombreuses, qui proposent pizzas ou hamburgers. Quel dommage de venir jusqu’ici et se priver de la très bonne cuisine locale ! Après une matinée de prospection, nous retenons deux adresses que nous avons hâte de découvrir. Auparavant, nous retournons à l’hôtel passer quelques heures sur les transats autour de la piscine.
Pour nous aiguiser l’appétit, nous effectuons une balade du côté d’un temple où j’avais réalisé de belles photos d’un moine. Aujourd’hui, pas de religieux ; seulement de jeunes handicapés physiques jouant de la guitare ou confectionnant une statue monumentale en feuilles de cocotier pliées ou découpées. L’un d’eux m’offre une fleur qu’il fabrique à la vitesse de l’éclair devant moi et que je m’empresse de déposer dans le décolleté de Chantal. Le jeune homme rit de bon cœur. Plus loin, nous nous renseignons sur les prix de location de moto, phénomène nouveau à Siem Reap. Les chauffeurs de tuk-tuk avaient jusque là toujours réussi à en empêcher l’accès aux étrangers. Intéressé, j’aimerais en réserver une pour la visite des temples les plus éloignés d’Angkor. Même à 10 ou 12 dollars comme ils me le proposent, cela reste bien moins cher que les 25 au minimum demandés par les taxis pour s’y rendre. Il me reste quelques jours pour réfléchir.
Pour diner, nous restons dans ce quartier situé de l’autre côté de la rivière par rapport au centre touristique et prenons la direction de l’un des restaurants choisis ce matin. Nous passons ainsi devant le tout illuminé Hard Rock Café, ouvert depuis notre dernier séjour et qui occupe une ancienne demeure coloniale. Là encore, la foule ne se presse pas sous le barnum où un groupe rock attend pour commencer son concert. Peu de monde également dans notre gargote. Pourtant, nous devons patienter plus de trois-quarts d’heure avant que les deux plats commandés n’arrivent sur la table. Les mets, bons et copieux, méritaient peut-être cette longue attente. Cette excuse spécieuse ne nous incitera pas à y revenir de sitôt.
Après une reposante « journée-piscine », pour aller acheter nos billets pour les temples, nous réservons un tuk-tuk par internet avec une application locale très efficace. Pas de palabres, le prix, très modéré au demeurant, est affiché sur l’écran de mon téléphone. Après confirmation de ma part, PassApp m’indique que le chauffeur arrivera dans 2 minutes et 45 secondes. Le bougre se pointe avec 14 secondes d’avance : on aurait pu le manquer ! Une fois nos passes de trois jours achetés — 62 US dollars chacun tout de même — le conducteur nous ramène au point de départ. Efficace et sans surprise ! Pour un touriste au Cambodge, c’est même étonnant ! Je me devais donc d’en parler.
En vélo, nous rejoignons Pub Street au moment de l’apéro. Hier soir, nous nous étions vautrés dans de moelleux fauteuils en terrasse d’un gros bar tenu par un Anglais sympa qui nous a expliqué combien il était plus facile de gagner beaucoup d’argent ici que dans son pays ou en Europe. Mais ce soir, nous changeons pour un autre mastodonte, lui aussi aux fauteuils confortables. En plus des sièges, le demi à 0,50 dollar a eu raison de notre dernière hésitation. Nous sommes en train de tranquillement siroter notre bière quand une jeune fille passant devant la terrasse se dirige droit vers nous, les bras tendus et un grand sourire aux lèvres. Quel n’est pas notre étonnement lorsque nous reconnaissons Pauline, la Stéphanoise, suivie de ses deux compères Gaël et Benjamin ! Après les sincères embrassades, nous nous installons tous ensemble devant une autre bière. Avant de partir à Goa en Inde, ils passent ici leurs derniers jours et visitent Angkor et ses temples.
Nous devons pourtant interrompre cet apéro bien sympathique pour nous rendre chez Madam Moch, le second restaurant, un peu plus éloigné que celui d’hier. L’accueil que nous réserve le personnel nous séduit immédiatement. La cuisine ne sera pas en reste : les plats sont succulents et copieux. Je garderai longtemps un souvenir ému des bananes tiédies baignant dans une réduction de jus de passion. Ouh là là ! En les quittant, nous promettons aux serveurs de revenir demain.
© Alain Diveu