Nous avons tellement pris de photos durant Galungan que nous restons deux journées entières sur la terrasse de notre chambre à trier et à cataloguer. Un soir, sur un nouveau conseil de Ketut, nous filons, dès le diner terminé, vers le temple de Bedulu où nous avons passé un si bel après-midi l’autre jour. Ce soir, des danses y sont présentées. Non loin de la scène, des hommes jouent à des jeux d’argent que nous ne connaissons pas du tout et dont les règles nous échappent complètement. Pendant ce temps, des familles entières attendent que débute le spectacle. Pour tromper leur attente, comme partout dans le monde, des enfants jouent en se poursuivant, gentiment, tandis que d’autres se chamaillent, gentiment aussi; on est en Asie, tout de même! Puis le gamelan se met à jouer et des danseuses entrent en scène. Assis à même le sol au premier rang, je profite de ma place pour mitrailler le spectacle, à peine gêné par les enfants accoudés à la scène. Avec les appareils actuels, les problèmes de lumière se règlent beaucoup plus facilement qu’auparavant; là où les 400 ASA étaient à peine suffisants et donnaient beaucoup de grain aux clichés, les 3 200 ASA d’aujourd’hui offrent beaucoup plus de possibilités à la prise de vue tout en donnant des résultats d’une qualité bien supérieure. Je shoote donc sans compter. C’est le gros avantage du numérique; on prend, on prend, puis, après visionnage sur l’ordinateur, on efface, on efface. On ne garde que les photos nettes et correctes. Les danses se succèdent au rythme du gamelan qui se tient sur un des côtés de la scène. Chantal et moi sommes fascinés par le joueur du kendang principal. En véritable chef d’orchestre, il donne le tempo aux autres membres en frappant sur les peaux de son tambour. À certains moments, un dialogue entre lui et les danseurs semble même s’installer. Ses doigts deviennent alors plus légers et viennent plutôt caresser l’instrument que le taper. Les autres joueurs de tambour règlent leurs battements sur les siens. On resterait des heures à les regarder et à les écouter, mais le spectacle prend fin sous les applaudissements des spectateurs locaux qui, au contraire de nous, ne sont pas étonnés d’une si grande maitrise, et des musiciens et des danseurs. Encore sous le charme, nous effectuons les sept kilomètres qui nous séparent de la guesthouse sans problème malgré la nuit et les embouteillages.
Nous partons de bonne heure pour Candidasa. Nous restons sur une plage minuscule le temps de trois bains, puis prenons la direction de la montagne qui s’élève juste derrière. La route qui n’est pas très facile et la pente raide donnent quelques suées à Chantal. Pourtant, la vue depuis la-haut méritait bien quelques frissons. Entre les arrondis de deux collines, on aperçoit au loin le port de Padangbai, quelques ferries qui partent et les îles de Lembongan, de Nusa Penida et de Lombok. On voulait prendre un jus de fruit dans un bar, aujourd’hui plutôt décrépit, que nous avions fréquenté il y a 13 ans, mais les prix qui ont considérablement augmenté nous dissuadent de nous y installer; à regret, nous passons donc notre chemin. Chemin est le terme exact de la petite route que nous cherchons depuis dix minutes, mais nous ne le savons pas encore. Les personnes à qui nous demandons la route vers Padangbai nous indiquent toutes la direction de Candidasa. Pourtant, d’après la carte, la petite route que nous leur montrons semblerait la bonne. Tout le monde nous répond par la négative. Têtu, je la prends tout de même. Les premiers kilomètres se passent très bien, sur une route goudronnée serpentant au milieu de la forêt. Tous les panoramas sur la vallée parsemée de rizières valent la peine. Puis, c’est la galère; la route devient de plus en plus étroite, de plus en plus pentue, mais de moins en moins carrossable. Elle laisse même la place à un chemin qui se transforme très vite en un sentier truffé d’énormes trous. Dans l’impossibilité de faire demi-tour, nous devons continuer. Un Américain intrépide qui nous a suivi nous demande si Padangbai est encore loin; je n’ose pas lui répondre qu’il doit rester une bonne dizaine de kilomètres. Je le tais aussi à Chantal qui est morte de trouille et qui se cramponne si fort à moi qu’elle m’empêche de conduire correctement; je dois pourtant faire attention à bien placer les roues, à ne pas freiner trop fort de l’avant et surtout à bien garder l’équilibre sur cet étroit sentier. Au bas de la descente, beaucoup, beaucoup plus loin, lorsque nous retrouvons enfin la route goudronnée, je remercie le Bon Dieu et tous ses saints de nous avoir accompagnés et de nous avoir épargnés. Chantal a mal aux cuisses tellement elle les a serrées! Elle garde, malgré tout, un très bon souvenir de notre équipée…