Après une journée de repos bien méritée, nous repartons pour un long périple, moins chaotique cette fois, qui nous mène jusqu’à Munduk. Comme toujours en arrivant à Bedugul, la température chute brusquement de plusieurs degrés à cause de l’altitude. Nous passons un second ticheurte pour avoir moins froid. Le fond de l’air fraichit encore au col suivant et, en plus, le vent souffle sur la crête que nous longeons sur plusieurs kilomètres. Nous sommes donc tout heureux de plonger sur l’autre versant et de retrouver, presque immédiatement, une température plus clémente. À Munduk, nous enlevons notre second ticheurte; le soleil qui brille de tous ses feux nous en convainc très vite. Dans cette région montagneuse, les paysages ravissent les yeux: ici, une forêt de girofliers dont les clous vont bientôt être cueillis, là des rizières en train d’être labourées par un attelage de deux vaches, plus loin des champs en terrasses de tomates encore vertes. Sur le bord des routes, des fèves de cacao sont en train de sécher. Je me souviens de la fois où, gourmands, nous avions voulu en croquer une; écœurés, nous l’avions recrachée aussitôt! Une chose nous intrigue: le nombre de tiges de bambou déposées dans les fossés. Dans beaucoup d’endroits, nous voyons des hommes qui sont en train de les percer de part en part et de glisser dans les trous un morceau de bois d’une trentaine de centimètres. Une autre sorte de penjors pour la fête de Kuningan qui approche? Auprès d’un jeune homme qui parle anglais, nous apprenons qu’il s’agit, en fait, d’échelles pour grimper dans les girofliers. C’est la raison pour laquelle nous n’en avons vu qu’ici. Plus loin, nous nous arrêtons près d’un champ de haricots-kilomètres où nous avions fait la connaissance d’un vieux papy, il y a quelques années; les haricots sont toujours là, mais un nouveau papy a remplacé l’ancien. Chantal discute avec lui tandis que je m’en vais prendre quelques photos dans les parages.
À l’heure de midi, nous retrouvons le warung de Pupuan où nous avons déjà mangé pour quelques roupiahs. Les plats en vitrine nous font envie cette fois encore et nous avalons, avec une certaine avidité, le poulet au lait de coco et aux épices que la dame, toujours aussi souriante, nous a servi accompagné de riz et d’un bol de bouillon. Nous poursuivons la promenade au milieu de paysages de rizières en terrasse magnifiques. C’est bizarre, car ni l’un, ni l’autre ne se souvenait qu’elles étaient aussi belles. Nous en profitons au maximum en nous arrêtant souvent pour les contempler. Il est 14 heures et les nuages s’accumulent rapidement au-dessus de nos têtes. Nous accélérons un peu pour éviter une averse qui tombe à quelques centaines de mètres derrière nous et qui ne nous rattrapera pas, et stoppons une nouvelle fois, un peu plus loin, pour admirer d’autres terrasses prêtes à être moissonnées. Lorsque nous arrivons en fin d’après-midi à Ubud, nous avons effectué plus de 170 kilomètres depuis ce matin. Nos fesses peuvent en témoigner…
Mes fesses justement, je leur dois un petit cadeau. Mes bermudas commencent à tourner de l’œil à cause du soleil; il va falloir que je renouvelle un peu ma garde-robe. Chantal, la spécialiste, en a repéré un chez Hurley. J’y entre donc avec elle. Celui que j’aime bien est trop grand; un autre, de ma taille, ne me plait pas. Tous ceux que j’essaie sont trop grands. Dépité, le vendeur m’en présente un du 14 ans. Il me va! On me dit que je ne fais pas mon âge, mais là, tout de même… J’en trouve enfin un du 28 qui ne me va pas trop mal et que j’aime bien. Mon choix est arrêté: ce sera celui-là. On ne va tout de même pas se taper toutes les boutiques d’Ubud! Il fait un peu plus habillé que ceux que je porte actuellement, mais, en France, il conviendra… s’il fait beau!
En cette veille de Kuningan, nous sommes réveillés, avant le lever du jour, par un concert de pilons qu’on frappe dans des mortiers: Wayan et les autres hommes de la maison préparent consciencieusement les ingrédients du repas de fête. Nous décidons d’aller nous balader dans les villages environnants, sitôt le petit déjeuner avalé. Lorsque nous allons chercher notre moto, nous trouvons des offrandes posées sur la selle et au-dessus du phare avant; une attention de Ketut pour nous porter chance, je pense. Le temple familial de la guesthouse est à nouveau décoré, mais les ornements ont un peu changé par rapport à la semaine dernière; aujourd’hui, le jaune règne en maitre. Lorsque nous partons, les trois familles qui vivent ici sont en train de s’y recueillir.
Comme souvent en cette période, tout le monde a revêtu son costume de cérémonie, enfants compris. Dans les villages, une grande animation règne autour des temples publics. Nous nous arrêtons devant l’un d’eux, juste au moment de la sortie d’une cérémonie. La foule des fidèles ne s’attarde pas et se disperse dans toutes les directions. Les moteurs vrombissent et les gens repartent, souvent à quatre sur une même moto: papa conduit avec maman assise derrière lui, le plus grand des enfants se tient, le nez dans le guidon, debout devant papa et le plus petit est sagement assis, coincé entre papa et maman. Parfois, en plus, un bébé est tenu dans les bras de maman, ce qui fait cinq personnes sur la pétrolette; tout le monde sans casque. Évidemment…! Nous voyant de retour sur la terrasse, comme pour Galungan, Ketut nous monte deux assiettes de lawar pour le déjeuner, encore mieux servies qu’il y a dix jours. Je rappelle que, théoriquement, nous ne mangeons pas le midi. Théoriquement, dis-je, car ces derniers temps nous avons fait pas mal d’exceptions. Devant la taille des assiettes, et leur poids surtout, nous avons peur de faire des restes et de décevoir nos hôtes. Mais c’était nous mésestimer: nous mangeons tout ce qu’on nous a si gentiment offert. Pour un peu, nous aurions même lécher les assiettes tellement c’était bon! Raisonnables, nous ne dinons pas le soir; nous n’avions, de toute manière, pas vraiment faim…