Après une journée sur la plage de Sanur, malheureusement toujours aussi sale, nous débutons celle d’aujourd’hui par une visite au temple de Mas. Nous avons lu dans la feuille de chou locale qu’une cérémonie allait s’y tenir durant quatre jours. À notre arrivée là-bas, les gens se rangent avec empressement et nous aident à garer la moto; lorsqu’ils nous voient enfiler sarong et ticheurte blanc, les visages se détendent encore plus et les sourires abondent. Beaucoup viennent nous parler. À la vue de mon appareil, certains sollicitent même une photo. Je me plie de bonne grâce à leur demande et promets de leur envoyer les clichés par email. Comme à chaque fois qu’une cérémonie s’y tient, un temple balinais est magnifiquement décoré. Celui-ci ne déroge pas à la règle: parasols blancs et jaunes, tissus jaunes ou à damiers noir et blanc sont disposés harmonieusement autour des statues et des autels. Un prêtre psalmodie une prière pendant que les fidèles, à genoux, se mettent des fleurs dans les cheveux. Nous avons beau assister à grand nombre de ces cérémonies, nous n’arrivons toujours pas à nous en fatiguer. Après une petite heure passée au milieu des gens, nous quittons l’enceinte avec plein de nouveaux copains…
Un autre jour, dès le petit déjeuner avalé, nous partons une nouvelle fois pour les rizières de Jatiluwih. Chantal a très envie d’y retourner, maintenant qu’elle sait qu’on peut y aller sans tomber de moto! Un client de la guesthouse nous a dit que la moisson venait de commencer. Nous avons de la chance, le soleil brille lorsque nous arrivons là-bas. La couleur des épis a bien changé depuis notre dernier passage: le doré a désormais remplacé le vert. Au loin, des volutes de fumée blanche indiquent que la moisson de certaines parcelles est déjà terminée et qu’on brûle la paille pour enrichir le sol. Nous garons la moto sur un petit parking avant de suivre un chemin qui serpente au milieu des parcelles. Nous nous arrêtons souvent dans celles où des femmes sont en train de cueillir les épis. Contrairement aux autres rizières de Bali où l’on coupe, assez près du sol et à la faucille, une brassée d’épis pour la battre immédiatement, ici, on étête chaque tige à l’aide d’un instrument tranchant, avant de rassembler les épis en bottes et de les étaler sur le sol pour les faire sécher. C’est la méthode traditionnelle. Tandis que nous empruntons un second chemin, des nuages noirs s’amoncellent au-dessus de nos têtes et, de ce fait, cachent le soleil; dommage pour les photos. Des gouttes de pluie se mettent même à tomber; juste pour nous faire peur, car elles s’arrêtent définitivement au bout de quelques minutes. Nous trainons le long de ce sentier qui domine une vallée sur chacun de ses côtés. D’ici, nous comprenons pourquoi les rizières de Jatiluwih sont considérées comme les plus belles de Bali. La balade se termine au fond d’une des vallées, dans un temple qui nous déçoit un peu, tellement il nous semblait plus joli vu d’en haut.
Puisque nous avons pris l’habitude de faire quelques entorses à notre régime ces derniers temps, nous augmentons le nombre des exceptions en allant déguster un nouveau babi guling, mais dans un village de la région d’Ubud cette fois. Il s’agit d’un warung ordinaire, sans fioritures inutiles. La part qu’on nous sert est moins conséquente que celle d’Ubud, mais elle est accompagnée d’un bouillon dans lequel baigne une vertèbre avec sa moelle et sa viande. Le plat est aussi plus relevé, mais j’aurai apprécié plus de légumes. Pour un prix exactement deux fois moins cher, il devient d’un excellent rapport qualité-prix. Nous y reviendrons, c’est certain… lors d’un futur séjour!
Celui-ci arrive, en effet, bientôt à son terme. Nous passons les derniers jours entre balades autour d’Ubud et un peu de plage à Sanur.
Nous n’oublierons pas de sitôt notre dernier jour. Il fait beau en ce début de journée, et nous prenons une dernière fois la direction de Sanur. Après avoir revisité les hôtels, les bars et les restaurants de nos séjours passés, nous retournons sur la même plage que l’autre jour, à l’écart des touristes non-asiatiques. Il est à peine 11 heures lorsque nous nous allongeons sur nos serviettes. Il fait déjà très chaud. Heureusement, le vent qui balaie aussi les nuages rafraichit l’atmosphère. au bout d’une heure, une asiatique qui était allongée sur les transats, que dis-je, les lits confortables (!), de l’hôtel de luxe voisin s’approche de nous et entame la conversation. Elle sirote un grand verre de sangria, ma foi, bien appétissante et nous propose d’en partager un verre avec elle. Salivant d’envie, nous acceptons malgré l’heure et la chaleur. Elle en commande deux verres auprès du barman qui s’empresse de les préparer et revient quelques minutes plus tard avec les deux verres posés sur un plateau. Assis sur le sable, nous discutons ainsi tranquillement de tout et de rien. Lina a 43 ans et vit à Singapour. Elle passe une semaine de vacances à Sanur avec ses deux filles de 12 et 14 ans qui sont en train de jouer dans l’eau. Le temps passe tranquillement, les anecdotes pleuvent et les rires fusent, peut-être un peu plus fort que d’habitude à cause de la sangria. Vers 15 heures, Lina nous apprend qu’elle a du Champagne, qu’elle a amené de Singapour, et nous demande si nous l’aimons. Quelle question! Sans attendre notre réponse, elle rappelle le maître d’hôtel qui se repose à l’abri des arbres et lui demande de ramener une bouteille de son mini-bar, un seau à glace et trois verres. Sitôt dit, sitôt fait; dix minutes plus tard, nous sommes assis au milieu de la plage, un superbe seau à glace planté dans le sable, trinquant à notre rencontre et dégustant un superbe Moët et Chandon Nectar Impérial en plein soleil. Et dire que nous nous fichions des Anglais ou des Allemands qui buvaient du vin rouge sur nos plages! On ne rira plus, c’est promis! Mais pour l’instant, nous savourons pleinement. Depuis huit mois, à part la bouteille de vin que Fabrice et Azy nous ont amenée, nous n’avons pas bu de vin. Aussi, l’alcool commence-t-il à nous faire tourner la tête. Chantal, dans un fou-rire incontrôlable, fait tomber le soutient-gorge de son maillot de bain. Nous sommes tous les trois écroulés de rire. Pour ne pas être en reste, Lina fait de même. Comment m’était-il possible d’imaginer, en me levant ce matin, que je me retrouverai l’après-midi, assis sur le sable entre deux filles aux seins nus, en train de siroter une bouteille de Moët et Chandon frappée à point? Nous n’arrivons plus à nos arrêter de rire. Et dire qu’il nous reste environ 45 minutes de moto pour rentrer à Ubud… Il est presque 17 heures lorsque nous quittons Lina, en nous promettant de nous revoir un jour, pourquoi pas lors d’un futur passage à Singapour?… Journée incroyable, totalement improbable, mais qui restera à jamais ancrée dans nos mémoires… Merci Lina!
Je rassure tout le monde: nous sommes bien rentrés à Ubud, sans aucune frayeur, malgré la circulation et les embouteillages…
Avant de partir le lendemain midi, Chantal offre son flacon de rouge à ongles à Ketut, je fais cadeau d’un de mes bermudas à Komang. En retour, Ketut nous apporte un bon kilo de mandarines pour le voyage. Tous un peu émus, nous nous donnons rendez-vous pour une prochaine fois…
Même si les points négatifs sont de plus en plus nombreux et prennent de plus en plus d’importance, nous reviendrons, c’est certain, à Bali: pour sa population, pour ses fêtes et ses cérémonies, pour ses rizières, pour Ketut et Wayan, pour sa douceur de vivre, pour l’absence totale de stress… et pour ses rencontres inopinées!
Nous espérons seulement qu’elle prenne enfin conscience des dangers qui pourraient, à moyen terme, lui être fatals…