Lorsque nous arrivons devant notre guesthouse de Koh Lanta, le propriétaire qu’on appelle Papa nous reconnait aussitôt et sort d’on ne sait où le sac que nous lui avions confié en partant l’année dernière. Tout s’y trouve : raquettes de plage, parapluies, bouilloire… Et, sans rien lui préciser, il nous attribue directement la chambre que nous occupions. Incroyable ! Nous avons malgré tout droit à une mauvaise surprise : nous connaissons que trop le seul autre locataire de la guesthouse, un Montréalais de notre âge, très grande gueule, narcissique et irrespectueux au possible. Il ne nous reconnait même pas, alors que pendant notre dernier séjour ce monsieur s’était permis de rentrer, sans un mot d’excuse, dans notre chambre pour la visiter tandis que nous étions en train de nous préparer. Ça promet !
Pour le moment, nous vidons nos sacs, répartissons les vêtements entre l’armoire et les étagères, puis partons faire quelques courses au supermarché du coin : yaourts, café, biscuits, bières. En milieu d’après-midi, nous obtenons la preuve de ce que nous avons constaté depuis notre arrivée : les touristes ne se bousculent vraiment pas sur la longue plage de Klong Dao. Nous apprendrons plus tard que la clientèle chinoise a boudé la Thaïlande suite à la catastrophe de juillet dernier où 56 d’entre eux avaient péri lors du naufrage d’un bateau local surchargé au large de Phuket. Aujourd’hui, leur absence saute vraiment aux yeux, mais ce n’est pas pour nous déplaire. Pensons aussi un peu à nous ! Après une partie de raquettes un brin difficile par un manque d’entraînement certain et un bain dans une mer oscillant entre 28° et 30°, nous regagnons nos pénates pour nous délecter d’une bonne Changapéritive sirotée sur la terrasse de notre chambre. Dommage que notre voisin québécois se croit obligé de venir nous imposer sa présence en racontant ses aventures dont nous n’avons strictement rien à faire !…
Baifern, la jeune patronne de 20 ans de notre restaurant préféré, nous accueille les bras grands ouverts. Nous sommes heureux comme tout de retrouver la bonne cuisine de cette famille thaïe si attachante, mais la maman, malgré un sourire de circonstance, nous parait bien triste derrière ses casseroles. Contrairement aux années précédentes, le papa semble absent… Au retour, nous nous arrêtons saluer André et sa femme Sairung qui tient une petite échoppe de bijouterie dans la rue principale. Nous avons l’impression incroyable d’avoir quitté les lieux le mois dernier !
Notre emploi du temps sur l’ile de Koh Lanta se résume en simplement quelques mots : marche à pied le matin le long de l’eau, Frisbeependant les baignades, parties de raquettes pour se sécher et lecture et Sudokupour Chantal, mots croisés ou fléchés pour moi. Pour éviter la grosse chaleur du midi, nous rentrons manger une mangue succulente quand nous en avons et boire un café. Vers 15 heures, nous retournons sur la plage jusque 17 h 30, heure à laquelle nous revenons nous doucher et prendre notre bière sur la terrasse en écoutant en sourdine de la musique sympa. Nous partons aux alentours de 19 heures pour deux kilomètres de marche vers le restaurant. Sauf exception, nous en regagnons nos pénates vers 21 heures après avoir fait les courses dans l’un des supermarchés qui jalonnent le chemin du retour, puis chacun d’entre nous s’adonne à ses occupations favorites. Ou pas d’ailleurs ! Prendre la plume ne m’inspire toujours pas davantage, mais je m’oblige à le faire, ne serait-ce que pour le souvenir : on oublie tellement vite !
Les jours se répètent ainsi, se ressemblent tous. La monotonie qui pourrait nous guetter ne parvient pas à s’installer. Mais alors, pas du tout ! J’ai tellement de retard en écriture à rattraper après nos escapades réunionnaises et malgaches que le temps passe même trop vite. Et puis, notre voisin visiblement déçu par notre manque d’intérêt envers sa personne vient régulièrement pimenter l’ordinaire. En s’installant à des heures indues téléphoner sans écouteurs devant notre porte, par exemple. Ou bien en se mettant à converser avec sa voix tabagique avec des résidents qu’il a réussi à arrêter… un bref instant ! Ou bien alors en crachant ses poumons et tout le reste tous les matins à partir de 5 h 30 ! Nous nous sommes pris le chou maintes fois, tête contre tête, front contre front, nez contre nez ! Cela n’a heureusement jamais dégénéré, mais tous les résidents se sont vraiment réjouis de son départ. Moi en premier ! Il a tout de même fallu que nous le subissions durant un mois et demi. Dans certains cas, le temps peut paraitre bien long. Pas de monotonie pour nous, donc !
Toutes les rencontres ne ressemblent pas forcément à celle-là. Un soir, au restaurant, un jeune homme asiatique qui regarde Chantal intensément depuis plusieurs minutes se lève soudainement et s’approche d’elle en prononçant son prénom dans un large sourire. Nous le reconnaissons alors aussitôt tous les deux : Joy, le barman malais supersympa des iles Perhentian qui nous offrait toutes nos bières parce que je lui avais donné, ainsi qu’à son patron chinois, toute la musique mp3que je possédais à l’époque ! Quelle bonne surprise de le revoir ici à Koh Lanta ! Il a retrouvé un emploi de moniteur de plongée, job qu’il avait dû abandonner aux Perhentian à cause d’un gros souci aux oreilles. Il a aujourd’hui 41 ans, mais n’en parait que 30. Même s’il a coupé ses longs cheveux, Chantal est toujours sous le charme ! Nous nous promettons de boire un verre un de ces soirs…
Une autre fois, nous faisons la connaissance au restaurant de Sophie et Jean-Marie deux quarantenaires du Nord au rire très facile. Nous avons bien rigolé lors du diner que nous avons pris ensemble après nous être retrouvés à Saladan. Dommage qu’ils soient partis aussi rapidement, mais les vacances sont plus courtes pour certains que pour d’autres !
Noël arrive presque sans nous en apercevoir. Nous trouvons d’ailleurs drôle que, sur cette ile très touristique, les décorations soient totalement absentes. Seuls quelques grands hôtels ont orné dans la journée du 24 leur établissement d’un cône en bois recouvert de tissu qui rappelle, de loin, un sapin. Bref, on ne peut pas franchement parler d’ambiance survoltée ! Pour notre part, après l’apéritif traditionnel sur la terrasse, nous nous rendons dans notre restaurant favori et commandons chacun un plat plus élaboré qu’à l’ordinaire accompagné un verre de vin blanc bien frais ! C’est Noël, quoi ! Avant de rentrer et pour terminer agréablement cette soirée particulière, nous allons boire une bière ou deux sur la plage de Klong Dao, la mer tiède venant nous lécher les doigts de pied…
Les touristes ne sont arrivés en masse que le 20 décembre ! Comme chez nous donc, les saisons raccourcissent d’année en année ! Pourtant, dans le sud de l’ile les constructions vont bon train. Un peu moins qu’à Bali, mais plus que dans le nord du pays par exemple, de nouvelles bâtisses dédiées au tourisme viennent sans cesse enlaidir un paysage vierge il y a quelques années encore. Ban Sang Kha Ou, village traditionnel de pêcheurs autrefois complètement isolé, se retrouve désormais coincé au milieu des bungalows et hôtels qui ont jailli du sol ces deux dernières années. Et la quatre-voies en construction qui desservira les côtes ouest et est en passant par le centre de l’ile n’engendre pas forcément l’optimisme. Le tourisme de masse avec son économie attrayante continue de faire de sérieux ravages en Asie du Sud-Est !
Il fait chaud en ce dernier jour de l’année 2018. Très chaud même au milieu de l’après-midi lorsque je demande à notre voisin de baisser un peu le ton. On aimerait en effet prendre notre café tranquillement sans avoir à écouter la conversation téléphonique qu’il a avec sa vieille tante canadienne qui lui fait tout répéter. En fait, ça ne le gêne pas de déranger les autres, mais il ne supporte pas que quelqu’un vienne troubler son confort. Il m’insulte si fort en québécois que les patrons accourent tous les deux de leur maison pour tenter de nous calmer. À leur vue, le bouledogue, certainement honteux de s’être abaissé à ce point, part la queue entre les jambes et s’enferme dans sa chambre. Nous ne nous adresserons jamais plus la parole… et ça, ça me fait réellement plaisir ! L’année se termine bien !
Bien ? On se le demande vraiment vers 15 heures lorsqu’une coupure générale d’électricité vient semer le doute. Tous les hôtels de la plage continuent malgré tout leurs préparatifs. Nous prenons donc tranquillement l’apéritif à la lueur des chandelles. Very romantic, comme diraient les Chinois s’ils étaient là ! Après une bonne Leoqui a remplacé la Chang depuis quelques jours et que nous apprécions de plus en plus, nous filons diner au Baifern. Pour ce menu de réveillon, nous prenons exactement la même chose qu’à Noël, mais y ajoutons un dessert, du riz gluant à la mangue. Qu’ils nous paraissent loin le foie gras, les fruits de mer, les bons vins français ! Mais on se régale tout de même avec ces plats typiques et parfumés ! Et puis, l’électricité est revenue ! Nous nous apercevons seulement à ce moment que de nombreuses tables sont inoccupées. Et que les autres restaurants autour ne rassemblent pas plus de clients. Aujourd’hui, la plupart sont restés dans les hôtels qui organisent tous une grande fête ! Comme il y a une semaine, nous allons terminer la soirée sur la plage. Le choix du lieu se complique quand nous voulons nous asseoir à une table. Un des barmen accourt et nous demande si nous désirons rester longtemps. Devant ma réponse positive, il nous dit que tout est réservé alors que les trois quarts des places sont libres ! Ne souhaitant pas en faire la remarque, nous filons un peu plus loin et nous asseyons. Pas de chance, l’enceinte la plus proche de nous a le son le plus pourri que j’ai entendu ces dix dernières années ! Au grand désarroi du serveur, nous nous levons et continuons notre chemin. L’Indian Bar, comme toujours, affiche déjà complet ! Déçus, nous revenons sur nos pas et lorsque nous repassons devant le premier, le barman nous fait signe et nous trouve une table. En fait, il n’a pas eu trop de mal ; il n’y a pas plus de monde maintenant que tout à l’heure ! Tandis que d’innombrables lanternes s’élèvent dans la nuit ventée, les premiers feux d’artifice éclatent dès 22 heures au-dessus de nos têtes. Et plus l’heure avance, plus leur nombre augmente pour se terminer en apothéose aux alentours de minuit. Sur deux kilomètres, les fusées de toutes les couleurs illuminent la plage et la mer. Tous les hôtels tirent le leur, mais ne sont pas seuls. Des Thaïs ont amené un set pyrotechnique et le mettent à feu au milieu des gens qui s’éparpillent alors dans tous les sens. Impossible d’imaginer la même scène en France avec nos normes de sécurité ! Pour une fois, je les approuve. La féerie se prolonge durant une demi-heure pour se terminer tranquillement et laisser de nouveau la place aux lanternes lancées par tous ceux qui veulent voir leurs vœux exaucés…
Bonne année 2019 !
La nouvelle année commence très bien. En nous apercevant jouer aux raquettes sur la plage presque déserte, une Chinoise s’approche timidement et demande la permission de m’affronter. Chantal lui donne volontiers la sienne. Après quelques échanges mal assurés, la partie devient vite acharnée. La jeune fille court dans tous les sens et n’hésite pas à faire le grand écart pour rattraper la balle. Au bout de quinze minutes de ce haut régime, je demande grâce ! Je suis flapi et la Shanghaïenne sympa repart ravie s’asseoir près de sa copine.
La tempête Pabukfait des siennes ; annoncée par tous les médias locaux et étrangers, elle ignore complètement la région de Koh Lanta. Pourtant, toutes les liaisons maritimes avec le continent ont été fermées. Impossible de quitter l’ile ou de venir ! Je n’avais jamais vu un ouragan si faible ! Je pense sincèrement qu’il s’agissait d’un coup médiatique. Après la catastrophe de l’été dernier, la Thaïlande a besoin de redorer son image et en pleines vacances le moment était franchement opportun. Cela a tout de même fait paniquer notre Québécois qui a vainement cherché en urgence une chambre au troisième étage d’un hôtel éloigné de la mer pour éviter le tsunami que son application téléchargée hier et suivant en temps réel la prétendue tempête lui avait prédit. Trop drôle !…
Nous sommes en train de nous reposer à la guesthouse lorsque les voix de Sylvie et Michel résonnent dans la cour ! Avec l’annonce de la mauvaise météo, ils étaient bloqués sur l’ile Koh Yao Noi au large de Krabi et ne savaient s’ils pourraient se déplacer aujourd’hui comme prévu. Pabuks’est dégonflé et, après une matinée de transport, les voilà avec nous, contents de retrouver le soleil qui les avait fuis depuis leur arrivée en Thaïlande ! Nous avions passé, ici même, trois semaines ensemble l’année dernière. Nous fêtons leur arrivée à l’apéro avant de nous rendre au restaurant où Baifern les attend avec une certaine impatience ; nous l’avions prévenue de leur venue…
Comme chaque fois que nous séjournons à Koh Lanta, nous prenons de temps en temps une moto à la journée pour casser un peu la routine. Pour notre première location au bout de trois semaines, nous sommes allés, en deux heures et quart de trajet, prolonger nos visas d’un mois au bureau de l’immigration de Krabi. Nous étions assez inquiets, mais l’opération s’est déroulée en moins de vingt minutes. Ouf ! Ressortis à 9 h 30, nous en avons profité pour aller manger une soupe aux nouilles chez les petites dames que nous connaissons bien et faire le plein de cacahuètes sur le marché avant de revenir à Koh Lanta. Aujourd’hui, nous prenons la direction du village de Old Town sur la côte Est. Là-bas, les changements s’accélèrent. De nouvelles constructions, des hôtels et des restaurants, ont vu le jour depuis l’année dernière. La vitesse à laquelle se déroulent les travaux nous impressionne vraiment plus ici qu’en Malaisie ! Nous dégustons un shake à la banane et à la mangue avant de poursuivre jusqu’à la pointe sud où nous arrêtons nous reposer un moment sur les transats d’un bel hôtel. De plage en plage, nous revenons tranquillement vers Saladan. Dans une crique, je m’apprête à photographier des pêcheurs travaillant sur leurs casiers, lorsque mon appareil se referme automatiquement sans que j’aie pu déclencher. Plus de batterie ! Et j’ai bêtement oublié de prendre la seconde ! Un débutant ! À ma décharge, c’est la première fois que je sors mon Sony depuis notre arrivée. Je n’ai plus l’habitude… Mauvaise foi, moi ?!
André, un ami de Sylvie et Michel, se joint à nous quelques jours plus tard. De compagnie agréable, il nous accompagne au restaurant qu’il apprécie lui aussi ! Nous voilà désormais cinq gourmands réunis autour d’une table. Et devinez de quoi qu’on cause ? De bouffe, évidemment ! Nous faisons malgré tout une infidélité à Baifern, ou du moins, elle nous force à lui en faire une en fermant deux jours de suite pour se rendre au mariage d’une cousine à Krabi. Nous tentons, par obligation donc, le restaurant voisin dont la dame à l’entrée nous salue gentiment tous les soirs lorsque nous passons devant elle. Et là, divine surprise, la cuisine nous ravit tous les cinq, chacun avec un plat différent. Le lendemain, pas de fainéants pour y retourner. Nous effectuons d’un pas presque pressé les deux kilomètres sans vraiment nous en apercevoir ! Et une fois de plus, nous nous délectons de l’excellente cuisine thaïe servie en quantité dans nos assiettes. La dame à l’entrée sourit encore plus que d’habitude lorsque nous quittons ce bel endroit. Nous y retournerons certainement…
Durant les deux mois passés sur l’ile, nous nous sommes gavés de mangues le midi. Délicieuses et juteuses, nous les trouvons facilement et à bon prix sur tous les étals des marchés contrairement à l’année dernière où, moins abondantes, elles valaient beaucoup plus cher. Nous les savourons sur notre terrasse au moment le plus chaud de la journée et juste avant le café. Après celles de Madagascar et celles-là, elles nous manqueront au Laos, notre prochaine destination.
Sylvie, Michel et André nous ont quittés depuis quelques jours pour se rendre sur Koh Yao Yai, une ile entre Krabi et Phuket. L’heure des préparatifs approche pour nous aussi. Une ultime laundryavant de boucler les bagages et nous voilà prêts à partir demain midi pour Krabi Town. En attendant, nous allons diner une dernière fois chez Baifern qui nous apporte un plat chacun en plus de ceux commandés et deux cafés glacés. Au moment de l’addition, elle fait cadeau à Chantal d’un petit sac fantaisie en remerciement de notre fidélité. Sympa ! Quelques jours auparavant, nous avions, il est vrai, donné deux de mes ticheurtes aux adorables serveurs et un bracelet acheté chez Sairung et André le Québécois à la jeune patronne. Nous avons déjà hâte d’y revenir l’année prochaine…
Papa et Mama, nos logeurs, affichent une mine triste lorsque nous leur déposons un sac avec quelques-unes de nos affaires jusqu’à notre future visite. J’ai beaucoup de mal à leur faire comprendre que nous n’en connaissons pas encore la date.
Nous nous engouffrons très vite dans le minivan arrivé avec plus d’une demi-heure de retard et prenons d’office deux sièges libres que le chauffeur pensait donner à d’autres. Je reste ferme malgré ses lamentations. Tant pis pour les deux voyageurs suivants qui devront se coltiner les places du fond au milieu des sacs !
À Krabi Town, nous retrouvons notre hôtel habituel juste pour une nuit. Demain matin, nous prenons en effet l’avion pour Luang Prabang, au Laos, avec un rapide changement d’appareil à Bangkok…