Le bus dans lequel nous étions pour une fois assis et non couchés nous dépose en plein centre du quartier historique de la capitale, tout près du lac Hoan Kiem. En tirant nos bagages sur des trottoirs tellement encombrés qu’ils en sont presque impraticables et en suivant notre instinct, nous trouvons seuls le chemin de l’hôtel de Rodolphe, un Français rencontré il y a trois ans à Don Khong au Laos. Je lui ai envoyé plusieurs mails depuis pas mal de temps pour l’avertir de notre arrivée cet après-midi. Marié à une Vietnamienne et bientôt papa, il gère cet établissement depuis quelques mois. Nous le trouvons derrière son bureau lorsque nous pénétrons dans le hall de ce bel hôtel. L’émotion des retrouvailles passée, nous montons visiter les chambres et laissons les gros sacs à la réception. Les grandes pièces très claires et décorées avec goût donnent sur la rue de la cathédrale ou sur une autre, très calme. Nous avons posé nos petits sacs à dos dans un coin, mais Rodolphe nous demande de les reprendre avant de descendre. Tiens ! Elle n’était pas pour nous celle-là ? À la réception, sa femme nous sert une tasse de café et quelques gâteaux. Le temps passe et nous discutons toujours assis dans le canapé. La soirée va bientôt débuter lorsque nous devinons enfin que rien n’a été prévu ici pour nous loger ! Pour nous qui souhaitions nous rafraichir un peu, c’est une véritable douche froide ! Nous tombons tous les deux des nues. Nous avions bien compris que les prix ne rentraient pas forcément dans notre budget, mais nous avions fait le choix d’y rester quelques nuits, au moins pour faire plaisir à Rodolphe qui nous avait toujours tenus au courant de ses longues transactions. D’où mes nombreux mails pour l’avertir de notre arrivée !
Recherche imprévue d’une chambre
Le jour est en train de tomber lorsque nous nous mettons en quête d’une chambre. Sans nous poser de questions, nous partons directement vers le quartier où nous avons passé tous nos précédents séjours. Mais en cette heure tardive d’un dimanche soir et comme nous nous y attendions, tous les hôtels affichent complet. Nous en dégotons malgré tout une dans un établissement luxueux, au cas où, mais poursuivons tout de même notre recherche un peu plus loin. Et dire que j’aurai pu en réserver une à notre convenance, tranquillement, il y a seulement quelques jours ! La nuit est en train de tomber lorsque nous en trouvons enfin une à un prix satisfaisant dans un petit établissement référencé dans le Guide du Routard ! Nous la prenons sans aucune hésitation. Après quelques manipulations du jeune réceptionniste sur son ordinateur, nous pourrons même la garder le temps de notre séjour dans la capitale. Délivrés d’un poids, nous retournons chercher nos bagages chez Rodolphe, à un kilomètre de là. Il semble soulagé qu’on ait trouvé quelque part où dormir. Nous nous quittons en nous promettant d’aller diner ensemble.
Après la douche, nous partons en quête d’un endroit pour souper. Sans aucune hésitation, nous prenons la direction du quartier animé que nous connaissons bien pour y avoir passé toutes les soirées de nos séjours précédents. Mais là, nouvelle déception ! Le bistrot où nous avons vécu tant de bons moments n’existe plus et a été remplacé par une anonyme gargote engluée dans un alignement de restaurants et de bars à la mode sans charme. Les sonos trop fortes et les rabatteurs finissent de nous convaincre de fuir, d’autant plus que la bière pression locale Bia Hoiqu’on offrait par tournée semble avoir totalement disparu. Nous la dénichons pourtant, à l’écart de la foule, mais pas très loin tout de même, servie sur les tables d’un petit bar de rue. Nous nous précipitons sur les deux chaises basses en plastiques encore libres ! Pour le montant dérisoire de 1,50 euro, nous nous en offrons deux grands verres chacun. Rançon d’un incroyable succès : le restaurant d’une des meilleures soupes que nous ayons jamais mangées reste dorénavant fermé le soir et ne sert plus que le matin. Nous nous rabattons donc, un peu à contrecœur, dans un autre lieu, lui aussi de notre connaissance, mais à la cuisine plus banale. Décidément, quand ça va mal, tout va vraiment mal ! Sitôt le repas fini, nous regagnons nos pénates. À dire vrai, nous avons hâte que cette journée pas comme les autres se termine enfin. Heureusement, la vidéo d’Octave faisant du vélo tout seul, sans roulettes, qu’on reçoit avant de nous coucher nous remet du baume au cœur. Il nous fallait bien ça !…
Chantal se fait renverser par une moto !
Le petit-déjeuner du lendemain matin semble vouloir prolonger la morosité de la veille : la baguette trop sèche s’écrase en s’effritant dès qu’on en prend un morceau et le jaune de mes œufs au plat pourrait presque se comparer à la dureté de mes mollets (si, si !). Heureusement, l’ananas, la banane et la pastèque aussi sucrés les uns que les autres parviennent à faire oublier le café trop dilué et le jus de fruit au goût synthétique servis à volonté. L’estomac malgré tout satisfait au contraire de nos papilles, nous partons d’un pas décidé à l’assaut de la ville. Quelques centaines de mètres plus tard, un marché de rue se profile à l’horizon. Chantal qui me suit en ressassant peut-être encore son repas de tout à l’heure ne prête pas attention à la moto qui arrive en face. De son côté, la conductrice n’est guère plus vigilante. À l’évidence plus concernée par ses éventuels achats que concentrée sur son pilotage et, ce, malgré la présence de sa petite fille coincée entre ses jambes, elle prend par mégarde une bretelle du sac de Chantal dans son guidon. Tandis que je viens tant bien que mal de l’éviter, la moto s’arrête brusquement juste derrière moi. Éberlué, je vois alors ma femme faire un tour sur elle-même les bras en l’air et s’étaler de tout son long au milieu de la rue et de son trafic. Je me précipite sur ses lunettes qui ont valdingué loin dans la foule et m’en reviens tancer la jeune femme. Pendant ce temps, des passants ont aidé Chantal à se relever. Je peux le dire maintenant : plus de peur que de mal. Mais quelle gamelle, les amis ! Visuellement superbe ! Et quelle trouille pour nous trois ! J’espère aussi que ce joli gadin va enfin clôturer la série des petites choses qui merdouillent depuis hier !
Encore un peu sous le choc, nous continuons tout de même la balade à travers la ville et rentrons dans un smart-store non loin de la cathédrale. Le réceptionniste à qui j’en avais parlé ce matin avant de partir m’en a conseillé un dans ce quartier. À Hué, nous avions visité l’un de ces magasins de smartphones et avions flashé sur un Huawei Y7 Pro 2019, en vente seulement au Vietnam pour l’instant. À nous qui n’en avons encore jamais eu, ce mobile phone d’entrée de gamme convient très bien. Une demi-heure plus tard, nous ressortons avec le bel appareil bleu métallisé dans les mains. Enfin, pour être tout à fait honnête, je dois spécifier : dans les miennes ! Chantal qui a tout compris de mon manège semble d’ailleurs déjà résignée ! Du coup, et je me demande bien pourquoi, j’ai une envie subite et irrésistible de rentrer…
Un verre de canne à sucre bien mérité !
Pour nous remettre de toutes ces émotions matinales, nous nous offrons, une fois n’est pas coutume, des sandwiches pour le déjeuner. La queue devant le restaurant spécialisé le plus réputé de la ville finit de nous convaincre. Nous ne regrettons absolument pas notre écart ; ils sont copieux et délicieux. Du coup, nous allons prendre un verre de jus de canne à sucre dans un petit bar de trottoir, assez proche de l’hôtel et toujours tenu par la même mamie qu’il y a trois ans. Nous lui montrons les photos de nous faites à l’époque en train de siroter son succulent breuvage. À voir son sourire et ses révérences, nous devinons son plaisir. Dommage que nous ne puissions pas nous comprendre !…
Pas de chance ! Pour l’apéro, la petite buvette d’hier soir n’a pas repris ses quartiers. Nous en cherchons une autre dans le coin, mais il n’y a malheureusement que des bars à la sono hurlante qui ne servent que des bières en bouteille. Et leurs rabatteurs pénibles nous font plutôt fuir. La nuit est tombée depuis pas mal de temps lorsque nous pénétrons dans un restaurant que nous fréquentons depuis notre première fois à Hanoi, il y a 16 ou 17 ans, je ne me souviens plus très bien. S’il a beaucoup changé, c’est toujours la même famille qui y accueille les clients. Coincé dans la fameuse rue très animée où nous avons cherché en vain notre ancien bistrot hier soir, il a certainement été, avec les deux bars situés un peu plus bas sur la petite place faisant office de carrefour, à l’origine de l’engouement pour ce quartier. Aujourd’hui, nous le regrettons amèrement tellement les innombrables racoleurs harcèlent les promeneurs. Nous trouvons deux places à une table déjà occupée par deux autres personnes et commandons nos plats dans la foulée à la mamie pas très souriante. Rodés à servir autant de monde tous les jours, les cuisiniers ne chôment certainement pas et les assiettes, toujours aussi copieuses, arrivent très vite devant nous. Ce soir encore, nous nous régalons. Tandis que nous réglons la note à la vieille dame, un serveur débarrasse notre table. Lorsque nous partons, deux nouveaux clients s’y sont installés…
En cherchant bien, nous dégotons un bar tout près de notre hôtel et prenons place sur sa terrasse confortable et abritée. Pour une fois, nous sommes assis sur de vraies chaises et non sur de petits tabourets en plastique comme habituellement dans ce genre d’endroit. Nous commandons chacun une pinte de Bia Hoi à la pression. Mon verre devant être percé, j’en réclame une seconde une demi-heure plus tard !… En tapotant sur mon smartphone, le temps passe encore plus vite.
Lorsque nous entrons dans notre chambre, nous avons parcouru plus de quatre kilomètres ce soir. Je le sais, c’est le podomètre de mon Huawei qui me l’a dit !
Sitôt le petit-déjeuner avalé — celui de ce matin nous semble bien meilleur que celui d’hier avec une baguette qui s’effrite beaucoup moins — nous prenons la direction de la Pagode au Pilier Unique qui n’a que très peu changé depuis notre dernier passage. Nous poursuivons la promenade jusqu’au temple Quan Thânh et sa statue monumentale en bronze noir de Trấn Vũ réalisée en 1677. Nous en repartons une demi-heure plus tard pour rejoindre quelques encablures plus loin la jolie Pagode Trân Quôc située sur une petite ile du Lac de l’Ouest. Son élégant stupa en brique domine le site du haut de ses 11 étages et de ses 15 mètres. Nous aimons trainer dans cette enceinte qui reste paisible malgré les visiteurs. Au fil de nos passages ici, j’y ai pris des dizaines et des dizaines de photos… qui se ressemblent toutes ! Avec le ciel trop neutre d’aujourd’hui, celles de cette année ne figureront malheureusement pas parmi les meilleures.
Nous pensions trouver la cathédrale Saint-Joseph illuminée pendant la fameuse heure bleue précédant la nuit. Mais, déception, elle ne l’est pas. L’autre soir, baignée dans la lumière de ses spots, elle se détachait merveilleusement bien sur le ciel obscurcissant. Je n’avais hélas pas mon appareil. J’espère que j’y parviendrai tout de même avant de partir. Pour surmonter cette petite contrariété, nous décidons d’aller goûter une phở bò, la fameuse soupe au bœuf vietnamienne, dans un restaurant spécialisé tout proche. La longue file d’attente nous fait douter de notre envie, mais la vitesse à laquelle elle avance nous incite à persévérer. Nous avons bien fait. La soupe très bien servie est sublime et nos grands bols ne résistent pas à notre appétit. Une vingtaine de minutes plus tard, nous ressortons repus. Cela ne nous empêche pourtant pas de nous arrêter au même bar qu’hier soir et savourer une bonne Bia Hoi à la pression…