Après avoir embrassé notre fils Alexis une dernière fois hier avant de le retrouver avec sa compagne en Thaïlande en février prochain, nous gagnons Roissy par le RER de 7 heures, pratiquement vide en ce dimanche matin.
Le vol sur Qatar Airways s’est déroulé en trois étapes. La première nous a emmenés de Paris à Doha sur Boeing 777-300ER en 6 heures et demie, puis, après une escale de 2 heures, la seconde de Doha à Bangkok sur Airbus A380 en 6 heures 10 et, enfin, après un stop de 5 heures et demie dans l’aéroport thaïlandais, de Bangkok à Hanoi sur Boeing 777-300ER en 1 heure 15. Une fois nos bagages récupérés, nous filons vers le centre de la capitale vietnamienne en minibus en compagnie de Béatrice, une jolie Suissesse baroudeuse dont nous venons de faire connaissance. Nous effectuons les derniers hectomètres à pied en tirant nos sacs sur les trottoirs encombrés dans la chaleur moite tropicale.
Nous retrouvons sans difficulté notre hôtel dans le dédale du Vieux Hanoi. Bien au calme malgré son emplacement privilégié, il a très bien résisté aux outrages des années. Après une amusante négociation, les jeunes filles de l’accueil nous accordent le même tarif qu’il y a trois ans. La nuit est déjà en train de tomber lorsque nous déposons les valises dans l’une des deux chambres du 4e étage, très propre et presque luxueuse pour nous. Mais nous savons aussi apprécier les bonnes choses ! Après une toilette tant attendue, nous partons nous promener en cette fin d’après-midi dans le quartier historique d’Hanoi et, avant d’aller manger, fêtons notre arrivée en dégustant une bière Saïgon bien désaltérante à la terrasse de notre logis. Un peu plus tard, en quittant un peu déçus le restaurant que nous fréquentions assidument lors de notre séjour précédent, nous devons nous réfugier dare-dare sous un auvent en toile pour laisser passer la pluie torrentielle qui s’abat dans un grondement ininterrompu de coups de tonnerre. Après un bon quart d’heure, l’orage cesse enfin, aussi soudainement qu’il était arrivé, et nous pouvons regagner notre hôtel pieds nus, les sandales à la main pour ne pas les abimer ! Après le long voyage, et 36 heures sans sommeil en ce qui me concerne, nous nous endormons tous les deux comme des masses…
Lorsque nous nous réveillons le lendemain matin, il est 9 heures passées. Si nous voulons profiter du petit-déjeuner, nous devons faire fissa. Après une rapide toilette, nous descendons dans la salle nickel, mais exigüe, près de la réception. Un jeune homme nous sert à chacun une tasse de café au lait, deux œufs sur le plat, trois toasts, du beurre et de la confiture, un petit ananas et un verre de citron vert pressé. On a bien fait de se dépêcher !
Malheureusement, ce matin, le temps est maussade et il pleut. De cette pluie fine qui ressemble tant au crachin breton, mais qui, ici, prend des allures de vaporisateur bienfaisant. Vers midi, les nuages se déchirent pour laisser la place à un beau ciel bleu, celui qui met instantanément de bonne humeur. En contrepartie, la chaleur devient vite étouffante : 41° ressentis ! Nous avions perdu l’habitude, malgré le chaud mois de juillet en Bretagne…
Nous profitons du soleil revenu pour nous balader autour du lac Hoan Kiem, également connu pour son photogénique pont en bois d’un rouge écarlate et pour son îlot surmonté d’un stupa carré, et dans les environs de la cathédrale Saint-Joseph. En fin d’après-midi, pour nous désaltérer, nous nous asseyons à une terrasse animée et, calés sur nos minuscules tabourets en plastique, commandons deux bières pression Bia Hoi, au prix de 5 000 dôngs le verre, soit seulement 0,20 €. Elle nous parait encore meilleure ! Une fois nos gobelets vides, nous cherchons la gargote locale qui, d’après le guide du Routard, sert une phở bò, soupe au bœuf, parmi les plus réputées de la ville. En apercevant la queue devant le petit établissement, nous ne doutons plus de notre choix. Un jeune homme saisit un immense bol dans lequel il jette une belle poignée de nouille, une dame prend le relais, y met grand nombre de tranches fines de viande cuite et crue et saupoudre le tout d’herbes aromatiques grossièrement hachées. Pour terminer, un monsieur complète avec un bouillon qui, rien qu’en le reniflant, réjouit nos narines et émoustille nos papilles. Après avoir dégoté deux petites places sur une table commune, nous ajoutons dans nos jattes de la sauce pimentée assez épaisse et trois ou quatre petites rondelles de piment rouge. Avec celle, inoubliable, de Xi’an en Chine, cette soupe se révèle être l’une des meilleures que nous ayons mangées. Sincèrement…
L’estomac rassasié, nous ne faisons pas de vieux os et tombons dans les bras de Morphée aussitôt nous être couchés.
Une nouvelle fois, les 9 heures sont passées lorsque nous ouvrons paresseusement un œil le lendemain matin : la faute au jetlag, certainement. Sitôt le petit déjeuner avalé, nous prenons la direction du pont Long Biên, anciennement nommé pont Paul Doumer, le vestige colonial d’Hanoi peut-être le plus représentatif de l’époque indochinoise. Avant de l’atteindre, nous traversons un quartier typique aux rues bruyantes et populeuses où des vendeuses ambulantes se disputent un minuscule bout de trottoir pour pouvoir y stationner leur vélo. La ruelle s’anime encore un peu plus lorsqu’une dizaine d’entre elles s’enfuient soudainement devant des policiers venus faire le ménage parmi les marchandes à la sauvette. Les sédentaires assises dans leur boutique, à même le sol, derrière un étalage souvent bien fourni et joliment arrangé regardent la scène d’un œil amusé. Regroupées dans le même coin, les marchandes de poisson ne se gênent pas d’assommer les grosses bêtes d’un coup de machette sur la tête pour pouvoir les peser tranquillement et ainsi en donner le prix juste à leurs clientes. L’endroit nous plait vraiment beaucoup ; aussi décide-t-on d’y revenir une autre fois. Pour l’instant, nous continuons jusqu’au fameux viaduc ferroviaire qui ne tarde pas à se dresser devant nous, éternel charmeur dans son habit de poutres métalliques rouillées. Long de 1682 mètres, il fut le premier pont en acier à enjamber le Fleuve Rouge. Construit sur un plan de Gustave Eiffel par la société française Daydé-Pillé durant quatre années et inauguré en 1903, il a subi les affres des bombardements américains, mais n’a jamais été totalement détruit. Les habitants d’Hanoi y restent très attachés en dépit de son état de délabrement manifeste. Les vélos, motos et trains continuent malgré tout de l’emprunter tous les jours…
Après l’avoir arpenté dans un sens, puis dans l’autre, nous nous dirigeons maintenant vers le lac de l’Ouest, le plus grand d’Hanoi. La chaleur épuisante nous fait nous asseoir quelques instants à l’ombre des arbres. Chantal en profite pour remplir une grille de sudoku sur son iPad, tandis que je lis quelques chapitres d’un bouquin sur le mien. Bien reposés, nous repartons une heure plus tard pour la pagode Tran Quoc, la plus vieille de la ville, trônant sur une petite presqu’île du lac. Nous aimons bien ce temple avec sa tourelle élancée en brique cernée d’autels et d’arbres photogéniques. À son pied, un pêcheur armé d’un simple bambou et de fil qu’il enroule d’un geste vif du poignet sur un anneau de plastique tenu dans l’autre main, sort un gros poisson de l’onde noire de l’ancien bras du fleuve. Il fait de nombreux envieux autour de lui. Un peu plus loin, un groupe de jeunes femmes s’amuse et rit de bon cœur. L’une d’entre elles laisse malencontreusement échapper un billet de 50 000 dôngs qui se pose tranquillement sur la surface de l’eau. Ni une, ni deux, elle enlève une chaussure, passe de l’autre côté de la balustrade, s’y agrippe et récupère la coupure entre ses orteils ; elle s’en est servi aussi facilement que moi de mes doigts. Incroyable ! Tout le monde l’applaudit et les rires redoublent…
Nous poursuivons la promenade paisiblement dans la chaleur moite de l’après-midi. La très large avenue que nous suivons à l’ombre de grands arbres débouche sur l’immense place Ba Dinh, entourée de bâtiments importants comme le Palais présidentiel, le Mausolée de Hô Chi Minh, le Ministère des Affaires étrangères, et le nouveau Palais de l’Assemblée nationale. Elle est considérée comme le centre politique du Vietnam. Tout près se trouve la Pagode au Pilier Unique, emblème de la ville. Cet adorable sanctuaire perché sur sa colonne de pierre trône au milieu d’un bassin où fleurissent les lotus. Nous restons un petit moment dans le jardin agréable qui l’abrite avant de reprendre la direction du centre-ville. Nous pénétrons alors dans le noyau historique de la capitale : le quartier des 36 rues, celui des marchands et des artisans. Les années passant, il parvient tant bien que mal à conserver son âme. Mais pour éviter qu’il ne la vende aux diables de l’immobilier, il est prévu de l’inscrire sur la liste du patrimoine de l’humanité de l’UNESCO. Chaque rue était jadis spécialisée dans un type de profession et aujourd’hui encore quelques-unes persistent : par exemple, celle des quincailliers, impressionnants de dextérité, celle des joailliers ou bien celle des calligraphes ou des pharmaciens. Celle de la soie ne présente plus guère d’intérêt avec ses trop nombreux marchands de ticheurtes et de camelote à deux sous. D’autres abritent les vendeurs de chaussures, de bambous, d’objets votifs ou bien de laque. Même s’il est très bruyant, l’endroit reste tout de même attachant, animé, coloré et, surtout, presque exclusivement fréquenté par les Vietnamiens eux-mêmes. C’est pour cette raison que nous préférons Hanoi à Saigon qui, elle, est devenue une ville beaucoup plus moderne et cosmopolite.
Pour souper, nous retrouvons sans mal un restaurant que nous avions l’habitude de fréquenter durant nos deux séjours précédents. Il n’a pas changé et jouit toujours d’une honorable réputation. Nous dinons près de Doreen et Vivian, une maman et sa fille de Singapour, qui dévorent leurs 5 plats tout en discutant joyeusement avec nous. Le poulet sweet and sour de Chantal et mon porc au caramel se révèlent tout bonnement excellents ; tout autant que les assiettes de fruits et les verres d’alcool de riz qu’on nous offre au moment de l’addition et qui entretiennent les bonnes relations. Nous y reviendrons donc tous les deux jours !