Le patron de la guesthouse où nous logions il y a une semaine encore nous installe dans la chambre voisine de celle que nous avons occupée durant un mois. Nous retrouvons immédiatement nos repères et le premier boulot de Chantal consiste à ravitailler le frigo : bouteilles d’eau et bières pour l’apéro de ce soir. Elle en profite pour se rendre dans une clinique privée et refaire son pansement. Le prix qu’elle a dû payer nous incite à acheter sur-le-champ tout le nécessaire pour nettoyer la plaie et bander le pied. Nous ne sommes pas plus bêtes que les autres, nous y arriverons bien.
Au Baifern que nous avons dû rejoindre en tuk-tuk à cause de la grosse averse qui s’est abattue au moment du départ nous tombons sur Michèle et Jean-Marc attablés avec Françoise et Patrick, des Castrais dont ils viennent de faire la connaissance. Nous nous greffons à la bande de joyeux drilles et nous délectons comme toujours ici, du moins en ce qui nous concerne, du contenu de nos assiettes. Le lendemain, le restaurant complet, nous nous rabattrons tous les six sur un autre, insipide et sale. Michèle sera d’ailleurs malade…
Les journées passent et Chantal ne peut toujours pas se baigner. Elle nous regarde avec envie jouer aux raquettes sur le sable et à la balle rebondissante dans la mer. Au septième jour, elle se rend enfin à la clinique pour ôter les fils, mais, mauvaise nouvelle, elle doit encore les garder trois jours de plus. Patrick, l’ancien gymnaste comme moi, et Françoise la rigolote nous quittent pour Koh Phi Phi, Jean-Marc et Michèle pour Langkawi. Nous renouons donc avec notre petite vie à deux, peinarde comme j’aime, sans emploi du temps précis, sans obligations. Chantal enfin libérée de son pansement reprend avec moi les longues balades le long de l’eau, les jeux de raquettes et surtout les baignades qui lui ont tant manqué. Un soir, en allant diner, nous remarquons sans trop y faire attention que la lune, pleine, a un aspect bizarre. Nous mettons cela sur le dos d’un nuage. À la fin du repas durant lequel Baifern nous a offert une belle coupe glacée à la noix de coco, tous les gens dans la rue ont le regard tourné vers le ciel. Levant les yeux nous aussi, nous avons la surprise de découvrir une lune d’un rouge sombre stupéfiant. Nous sommes, en fait, en train d’observer une éclipse totale qui ne se renouvellera que dans 150 ans. Magnifique ! Nous avons déjà eu l’occasion d’assister à certaines, mais celle-ci est, de loin, la plus étonnante, la plus irréelle. Nous effectuons tout le trajet du retour la tête en l’air. Une heure plus tard, l’astre au front d’argent a retrouvé son aspect normal, mais Dieu que c’était beau !
Notre petite vie pépère est interrompue par l’arrivée de Sylvie et Michel, des Landais de Mimizan, qui, venus pour deux ou trois nuits, s’en iront en fait après notre départ, soit presque trois semaines plus tard ! Ils tournent depuis deux mois en Asie et éprouvent le besoin de souffler quelques jours. Le premier soir, nous prenons nos Chang apéritives en leur compagnie avant de leur faire découvrir notre restaurant fétiche. Tandis que Michel avale son assiette de massaman au thon bien épicé, en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, Sylvie dévore son phad thai aussi rapidement. À voir leurs mines réjouies à la sortie, je pense qu’ils ont apprécié l’endroit ! Ils ne lui feront d’ailleurs aucune infidélité durant tout leur séjour, ils y viendront tous les soirs ! Dans la journée, chacun vaque à ses occupations, mais, vers 18 heures, nous nous retrouvons autour d’une bonne bière tout juste sortie du frigo, puis, tout en continuant de discuter, marchons d’un pas alerte jusqu’à Saladan. Chaque jour ou presque, ils choisissent des plats différents et ne sont jamais déçus. Quel plaisir de partager sa table avec des gourmands ! Sur le chemin du retour, il arrive même qu’on élabore le menu du lendemain. On n’est pas Français pour rien !… Dans ce restaurant, nous faisons aussi la connaissance de Fari et Babak, un couple d’Iraniens charmants qui a passé une bonne partie de sa vie aux États-Unis. À force de nous y croiser, nous avons enfin fait les présentations et, en cours de conversation, ils nous indiquent une boulangerie tenue par un Français qui vient juste d’ouvrir il y a un mois. Ils ont pris l’habitude d’y acheter leur miche et nous la recommandent vivement. Dès le lendemain, Chantal s’y rend et revient avec certainement la meilleure baguette qu’on a mangée en Asie : du pain qui en a le goût et une mie aérée et fine. Elle a aussi pensé à se procurer de la confiture d’orange pour la tartiner. Trop bon ! Le matin suivant, je me rends dès 7 heures au fournil, à un kilomètre de la guesthouse, et en ramène une encore chaude que nous dévorons en un clin d’œil. Pour la prochaine, il faudra déjà acheter un autre pot de confiture ! Lorsqu’ils passent devant notre terrasse, Sylvie et Michel qui n’ont pas les yeux dans leur poche, aperçoivent la baguette et… se renseignent pour demain. Depuis, Michel et moi nous relayons pour aller en chercher. Quel régal ! En remerciement du tuyau, à l’apéro, ils nous font partager une bouteille de rosé qu’ils ont achetée pour l’occasion. Génial ! On n’avait pas bu de vin depuis notre départ de France en septembre dernier. Celui-là nous a semblé bien bon…
Certainement pour fêter notre émigration en Malaisie après-demain, Chantal s’envoie l’auvent d’un marchand ambulant garé en bordure de trottoir dans la tête et s’affale de tout son long (rien à voir avec le vin de l’autre jour !). Et une chute, une ! Cette fois, pas trop de bobos à part une petite rayure sur l’un de ses verres de lunettes, mais elle a un peu mal au poignet. Au réveil demain, il sera marron foncé tirant sur le violet… Mon acrobate de femme a toujours aimé les couleurs !
Le départ approche. Les enfants devant venir nous voir à Bali cet été, nous avons changé tout notre itinéraire et avons décidé de revenir passer deux autres mois ici au lieu de sillonner Laos, Cambodge, Vietnam et de nous rendre ensuite au Japon comme prévu, avant de gagner Bali. Comme c’est compliqué la vie de voyageur ! En attendant, nous réservons la même chambre auprès de nos hôteliers thaïs qui ont bien du mal à nous comprendre, mais nous y parvenons. À partir du 1ermars, nous serons de retour parmi eux. Nous partons juste en Malaisie deux petites semaines refaire nos visas pour la Thaïlande… Du moins, c’est ce que nous pensons à ce moment-là…
Nous quittons à regret Sylvie et Michel, dont l’anniversaire arrive à grands pas, avec qui nous avons passé de très bons moments. Appelons ça les joies du voyage…
Cela fait 80 jours pile que nous venons de passer sur Koh Lanta…
Et ce n’est pas bien difficile !…
Nous passons une dernière journée à Krabi, le temps de faire le plein de cacahuètes, les meilleures du coin, et de nous procurer les billets de minivan pour Penang. On en profite aussi pour fêter en amoureux la st-Valentin en assistant au coucher de soleil sur la rivière…
Very romantic !…