La traversée en ferry depuis Langkawi s’est très bien passée. Des âmes charitables ont eu pitié de Chantal en voyant son bras bandé et ont monté ses bagages à bord. Elle me jette discrètement un œil triomphant ayant recouru à cette ruse pour cette raison. Et ça marche! Par contre, une fois arrivés à la guesthouse, c’est moi qui me coltine les deux escaliers difficiles avec son sac de 20 kilos! Je suis trop bon!
Pour une fois, nous changeons de chambre, d’étage même, puisque celle où nous avons nos habitudes est actuellement occupée. Celle que nous choisissons se situe au second et semble un peu moins bruyante. L’absence de mitoyenneté doit certainement y être pour quelque chose.
À George Town, la chaleur nous oblige en général à nous cacher le plus possible du soleil. Mais cette fois-ci, en plus, elle nous étouffe littéralement. Le moindre mouvement nous fait suer à grosses gouttes et nos bouteilles d’eau se vident à un rythme d’enfer. Heureusement pour le porte-monnaie, nous faisons ce que l’on appelle ici des refill, c’est-à-dire que nous les remplissons, à un tarif dérisoire, dans des distributeurs placés sur les trottoirs. Sans doute possible, c’est en Malaisie que nous buvons le plus. Pour fêter notre arrivée, nous achetons deux canettes de Carlsberg dans un 7-Elevenen début de soirée et les allons les déguster tranquillement assis sur un banc dans une rue où les guesthouses se disputent chaque maison ancienne mise en vente. Nous profitons même de la musique d’un bar proche. Nous sommes en train de savourer nos dernières gorgées, lorsque Lucy, une Canadienne anglophone que nous avons rencontrée dans notre hôtel de Krabi, passe devant nous. L’Asie semble d’un coup toute petite. Contents de nous revoir, nous restons discuter peu avant de partir diner, chacun de notre côté. Lucy doit en effet trouver des plats qui lui conviennent à cause de ses allergies; malgré ce handicap, elle voyage un peu partout dans le monde, plusieurs mois par an. Pour notre part, nous retrouvons avec bonheur le restaurant indien où le personnel, chose rare ici, n’a pas changé depuis notre dernière venue. Tous nous accueillent avec un franc sourire qui ne nous laisse pas insensibles. Le jeune homme de Katmandu qui se souvient de tout dépose devant nous, hilare, un verre de teh tariket un autre de Milo icedque nous avions l’habitude de lui commander. Nous le félicitons pour sa mémoire. Chantal a un peu de mal à terminer son assiette, toujours aussi copieusement servie. Je me repais de mon chicken curry, accompagné de riz et de haricots verts, et du roti pisangque je demande, en plus, en guise de dessert. Au moins, à Penang, je ne risque pas de continuer à perdre du poids. J’espère même en reprendre un peu; j’en ressens le besoin.
Après la traditionnelle balade digestive, nous regagnons nos pénates.
J’ai très mal dormi. Est-ce dû à la chaleur? Certainement un peu. Du coup, chose unique depuis que nous voyageons, Chantal doit me réveiller à 10 heures, car je ronfle encore! Je n’en crois pas mes yeux lorsque je regarde ma montre, mais le soleil qui inonde la chambre ôte tous mes doutes. À peine debout, je m’aperçois que j’ai une faim de loup. Chantal qui poireaute depuis déjà trois heures a aussi l’estomac qui gargouille d’impatience. Vite, direction le marché! Mais, à cette heure tardive, les vendeurs de soupe doivent déjà avoir plié bagage. Nous restons donc là et commandons des œufs au plat, des toasts et du chocolat glacé au patron de l’hôtel, peu habitué à nous voir petit-déjeuner chez lui.
En fin de matinée, à un carrefour assez proche, nous tombons complètement par hasard sur nos marchands de won ton qui rentrent chez eux. Tout étonnés de nous trouver là, ils nous font leur promettre de passer demain; c’était de toute manière notre intention. Nous continuons un peu la promenade, mais la chaleur est telle que nous préférons regagner la chambre et prendre une douche. Celle-ci n’est même pas froide, seulement tiède, à peine assez pour nous rafraichir.
Le matin suivant, nous ne manquons pas à notre engagement et allons sur le petit food-courtlocal savourer cette merveilleuse recette de won ton mee que nous apprécions tant. Pour 4 ringgits, c’est-à-dire moins d’un euro, nos désormais copains nous servent à chacun un é-n-o-r-m-e bol de bouillon, subtilement parfumé, aux nouilles et aux succulents raviolis chinois accompagnés de morceaux de poulet, de quelques légumes… et d’un second bol de bouillon pour moi! Il faut préciser que mon écuelle est parfois si bien garnie, qu’il n’y a plus assez de place pour le liquide. Incroyable, mais vrai! Si je n’avais mangé celle de Xi’an en Chine, je lui aurais, sans aucune hésitation, décerné le trophée de «Meilleure soupe d’Asie». Elle ne pourra, de toute façon, jamais être délogée du podium. Impossible! De son côté, Chantal dont la portion n’a pas la taille de la mienne, mais pas loin, a l’habitude de commander en plus un chocolat glacé au café d’à côté. Un serveur d’origine chinoise que nous ne connaissons pas le lui apporte et lui demande d’où nous venons. En apprenant que nous sommes Français, le voilà qui se lance dans un discours assez radical sur les attentats de Paris et nous dit que nous ne devrions accepter aucun musulman sur notre territoire. En joignant le geste à la parole, il nous mime un Kill the Muslims!qui nous laisse pantois… Après avoir fait un tour au marché et dans une galerie marchande, nous entrons dans une petite boutique où Chantal déniche une robe sympa, d’un joli vert que je ne l’ai jamais vu porter. Elle ressort joliment sur sa peau bronzée. Nous nous retrouvons dans la rue quelques instants plus tard le paquet à la main!
En regagnant notre chambre, nous tombons sur une famille française sur le palier et échangeons un long moment nos impressions de voyage. Originaires de Caen, Olivier, Valérie et leurs deux garçons, Robin et Nolan, parcourent l’Asie du Sud-Est depuis 4 mois et arrivent au terme de leur périple. Une dernière étape à Langkawi et ce sera la fin. Les trouvant très sympas, nous aurions aimé partager un peu plus de temps en leur compagnie. Pour nous taquiner un peu, ils nous font saliver avec le Camembert, le vin rouge, les plats cuisinés dont ils vont se goinfrer dans moins d’une semaine. Oh! les chanceux! Ils nous donneraient presque envie de rentrer au pays nous aussi!…