Les jours filent vite à George Town entre recherches de choses indispensables, comme les boxers Body Gloveque j’apprécie tant et un polo Polo pour le prochain retour en France, flânerie sur la promenade en bordure de mer ou encore visite d’une maison traditionnelle. Lorsque nous ne faisons rien de spécial, je profite des heures les plus chaudes pour écrire quelques lignes de ce journal à la relative fraicheur de l’hôtel. Nous avons choisi une chambre avec ventilateur, mais, en cette année de très forte chaleur, la climatisation n’aurait certainement pas été de trop. Pour compenser, nous prenons plusieurs douches par jour et laissons sécher notre peau mouillée sous les pales du brasseur d’air. Cela nous fait momentanément du bien. Nous ressortons en général dans l’après-midi pour rechercher les peintures qui ornent les façades et les murs un peu partout en ville. Certaines, souvent les plus anciennes, ont disparu depuis notre dernier séjour, soit en raison des intempéries, soit à cause des rénovations. Par contre, de nouvelles sont apparues dans des rues et des endroits plus en retrait du passage. À chaque fois que nous tombons sur une œuvre récente, nous jubilons comme des gamins tout heureux de découvrir un jouet neuf. Mais pour avoir droit à cette joie, nous devons parcourir des kilomètres et des kilomètres à travers la vieille cité et pénétrer dans des lieux plus ou moins privés ou bien abandonnés. Cela ressemble fort à une partie de chasse dans une forêt dont les arbres auraient été remplacés par des immeubles modernes et des maisons traditionnelles retapées. Nous en avons déniché dans d’autres localités, malaises ou non, mais jamais autant qu’ici. Leur présence à George Town n’est certainement pas étrangère au fait que nous adorons cette ville.
Quand nous en avons assez d’arpenter les rues, nous prenons le bus, frigorifique tellement la climatisation est poussée à fond, pour nous rendre à Batu Ferringhi. Cette plage reste la plus facilement accessible de toutes celles de l’île, mais les scooters des mers et canots encombrent désormais trop souvent les lieux de baignade. D’ailleurs, lorsque pour nous rafraichir nous nous jetons dans l’eau peu limpide de l’anse, nous devons garder un œil bien ouvert sur les nombreuses embarcations qui passent seulement à quelques mètres du bord en tirant parachutes ascensionnels ou bananes pneumatiques qui plaisent tant aux vacanciers asiatiques. Ceux-ci, contrairement à nous, n’apprécient en effet que très peu les bains de mer. On ne peut vraiment pas parler de plage paradisiaque, mais nous faisons avec. Un cône glacé au McDonald’sproche de l’arrêt de bus termine immanquablement la journée.
Un matin sur deux, nous changeons notre menu du petit-déjeuner: un jour la won ton mee du marché local, un jour les roti pisang, teh tariket Milo iceddu restaurant indien. Que ce soit chez l’un ou l’autre, nous en avons assez pour pouvoir patienter jusqu’au souper. Pour faire plaisir à Pierre et Aleth de passage à Penang, nous allons tester un nouveau food courtque nous avons aperçu lors d’une promenade près du Quai des Clans. Chantal et moi apprécions cet endroit fréquenté en grosse majorité par les locaux. Le claypotde riz et poulet que j’ai choisi me parait moins copieux que ma portion de curry de notre cantine indienne habituelle. Heureusement, ce plat cuit dans un pot de terre où tous les ingrédients sont mélangés est correct, même s’il ne renversera jamais une montagne. Chantal, pour sa part, a commandé 5 malheureux raviolis maigrichons aux légumes. Elle aussi repart avec sa faim. Quant à Pierre et Aleth, ils ne semblent pas avoir franchement apprécié l’ambiance du lieu. Contrairement à nous, ils préfèrent largement le food courtdu centre-ville où ils nous emmènent boire une bière et où des chanteuses à la voix aigüe se trémoussent à la chaine devant une clientèle cosmopolite. À chacun ses goûts!…
Un autre jour, nous prenons le bus pour retourner aux temples birman et thaïlandais au nord de la ville. Cette fois-ci, la rénovation du lieu saint thaï semble terminée. Lors de nos deux séjours précédents, les ouvriers venus spécialement de Thaïlande carrelaient de morceaux de verres colorés les nagaet dvarapalade la cour d’entrée. Aujourd’hui, ils scintillent de mille feux sous les rayons ardents du soleil. Le sanctuaire birman, lui, a aussi été restauré: les peintures ont été rafraichies et quelques vieux arbres ont disparu pour laisser la place à de jeunes plants. Les statues y gagnent beaucoup, en étant mieux mises en valeur par l’espace dégagé et moins étouffées par la végétation. Après la visite et malgré la chaleur suffocante, nous choisissons de rentrer à pied, en passant par le quartier bobo de Tagore Square. Nous apprécions énormément flâner dans ces rues historiques où les bars branchés de style très dépouillé se cachent dans les anciennes shophousesretapées au goût du jour. Les couleurs acidulées règnent ici en maitre. L’endroit fait office de jouet grand format pour les photographes de tous horizons. En général, je me régale, mais aujourd’hui je n’y arrive pas; j’ai l’impression d’y avoir déjà tout fait.
Nous aimons nous balader partout dans les villes de Malaisie. Malheureusement, comme nous n’arrêtons pas de le rappeler, le principal reproche encore valable reste la quasi-impossibilité de marcher sur les trottoirs. Soit il n’y en a pas, soit ils sont trop encombrés pour pouvoir y déambuler tranquillement, en toute sécurité. Combien de fois avons-nous été surpris par une moto ou un vélo qui forçait le passage sur une des rares portions d’espace soi-disant réservé aux piétons? Nous ne saurons le dire. Pour ces conducteurs, circuler à contresens est devenu une banalité affligeante et, malheureusement, acquise. Traverser tient aussi du goût du risque. À une intersection par exemple, on peut attendre durant de longues minutes sans qu’on puisse le faire. À bout de patience, on s’arme alors de courage et on s’élance crânement au milieu des véhicules lancés à vive allure. Les chauffards d’ici qui n’ont absolument pas l’habitude de céder le passage paraissent prêts, j’exagère à peine, à rouler sur les pieds des plus téméraires. D’ailleurs, ils ne ralentissent même pas. À nous de les éviter!
Les trois semaines se terminent déjà. Mais en ce dernier week-end malais, nous avons deux fois de la chance. D’abord le vendredi soir. Nos copains, marchands de soupe, nous invitent à participer à un office protestant, eux-mêmes étant chrétiens. Pour ce faire, ils passent nous prendre devant l’hôtel en voiture et nous emmènent… au 5e étage d’un immeuble moderne. Là, le pasteur nous reçoit en grande pompe et signale notre arrivée à ses fidèles. Les chants accompagnés à la guitare se succèdent durant toute la célébration. Lorsque celle-ci prend fin, on nous offre le couvert: poulet frit, riz, porridge, boissons fraiches et chaudes. Quand nous quittons la pièce, le prêtre nous fait promettre de revenir lors de notre prochain séjour. Cette fois-là, il nous préparera beaucoup plus de choses à manger!
Le dernier jour, le dimanche, on nous apprend qu’une fête indienne, le Thaipusam, a lieu toute la journée dans un temple près du Jardin botanique. Après avoir avalé nos roti pisang du petit-déjeuner, une famille indienne entière, assez aisée à voir leurs vêtements de classe, nous aide à nous y rendre. Le bus nous ayant déposés à l’entrée du quartier de la cérémonie, nous parcourons à pied les ultimes hectomètres qui y mènent. Des stands de nourriture, de bondieuseries se succèdent sans fin. Ce festival hindou célébré principalement par la communauté tamoule lors de la pleine lune du mois tamoul de Thai n’est autorisé qu’en Malaisie et à Singapour et paradoxalement interdit en Inde. La fête honore la victoire du dieu Murugan, fils de Shiva, sur les démons. Elle a pour objectif de rappeler que le monde est souffrance et que nous devons vivre au mieux en aidant les autres. Au milieu de l’affluence, des pénitents se trémoussent avec leur harnachement de torture. Certains ont des hameçons enfoncés dans la peau et une tige métallique qui leur traverse les joues, d’autres des lames d’acier qui leur titillent les muscles pectoraux et dorsaux au rythme d’une danse effrénée. Bref, que des réjouissances! Nous escaladons la colline parmi la foule bigarrée pour atteindre le fameux temple. Nous y retrouvons notre famille de ce matin qui prie devant l’autel principal. Je prends quelques photos de cette ferveur et des nouveaux baptisés reconnaissables à leur crâne fraichement rasé et recouvert de poudre jaune. Nous nous abreuvons de boisson fruitée et glacée à tous les points de distribution. Ne mangeant pas le midi, nous refusons poliment le repas qu’on souhaite nous offrir et qui consiste en un mélange appétissant de différents currys, de riz et de légumes copieusement servis sur une feuille de banane. Nous quittons tranquillement ce lieu de festivités pour rejoindre notre hôtel à pied en pestant, une fois de plus, contre les trottoirs absents ou pas finis et les chauffards qui nous ignorent… Le mot piéton existe-t-il dans le vocabulaire local?
Sacrée Malaisie!… Mais on reviendra tout de même!