D’après les notes de Chantal
Ce matin, après une bonne nuit passée dans «notre» chambre de l’Arjuna, nous filons illico louer une moto chez Mako, le gars sympa qui nous en trouve toujours une correcte. Mais aujourd’hui, pour un prix inchangé par rapport aux autres fois, il nous propose une Honda Varioblanche toute neuve : elle n’a pas encore 1 000 kilomètres au compteur ! Nous prenons cela comme un cadeau pour notre fidélité. Pour reprendre tranquillement la main après pratiquement 3 mois sans conduire, Alain m’emmène explorer les environs immédiats d’Ubud. Mais la déception nous guette au premier tournant : les rizières ont été moissonnées et sont laissées en jachère durant quelques semaines. Heureusement, l’altitude différente dans l’ile nous permettra tout de même d’en voir. D’ailleurs, après seulement quelques kilomètres, nous en trouvons quelques-unes qui arborent des épis en pleine maturation et d’autres en train d’être repiquées. La majorité d’entre elles attendent cependant le labour.
En rentrant sur Ubud, nous nous arrêtons au supermarché Bintang faire quelques courses qui vont rendre la villégiature encore plus agréable : du thé pour le soir et des cacahuètes pour grignoter avec l’apéro. Nous en profitons pour nous approvisionner en eau, gel-douche et mousse à raser (ma bombe, à peine entamée, a disparu de mon sac durant le voyage en avion, la faute, apparemment, à de nouvelles consignes de sécurité de la Malaysia Airlines).
Pour terminer cette première journée balinaise, nous fêtons notre arrivée en dégustant une bière Bintangsur notre terrasse à la lumière des bougies achetées cet après-midi et au son d’une musique que diffuse le haut-parleur multicolore Bluetooth que Ketut nous avait donné lors du séjour précédent. Pour finir en beauté, nous allons au Mangga Madu manger un tuna bakaret un tuna base kalastoujours aussi savoureux.
Après le thé, nous nous endormons tous les deux comme des bébés…
En route vers Ubud, nous sommes passés hier soir devant des boutiques de grandes marques de surf qui semblaient être en solde. Cela tombe bien : Alain doit remplacer un bermuda qui est en train de partir en lambeaux.
Nous nous y rendons donc ce matin en moto et trois quarts d’heure de trajet plus tard, nous chinons dans les rayons Quiksilver, Billabonget Oakleyd’un immense complexe commercial de vêtements de sport. Le choix semble considérable, mais les articles à sa taille se font pourtant rares. Il en dégote tout de même un qui nous plait et dans sa forme et dans sa couleur. Il le fait mettre de côté avant de poursuivre sa quête vers les autres étages que compte ce conglomérat de boutiques. Il en essaie quelques autres, mais celui de chezOakleyl’emballe vraiment. Il décide de l’acheter. En voulant le régler avec sa Visa, il constate que la vendeuse le majore de 3%. La suite, je la connais par cœur. Après le refus ferme de la jeune fille de déduire la taxe, il repose le sac sur le comptoir, reprend sa carte et s’en va. Il est comme ça mon mari ! Et dire qu’il a été lui-même commerçant ! Le voilà donc, quelques instants plus tard, sur le parking, ronchon et sans son beau bermuda… J’ai une folle envie de rire, mais j’arrive tout de même à me retenir ; inutile de l’énerver davantage.
Sur le chemin du retour, après seulement quelques kilomètres et une brève réflexion, il fait brusquement demi-tour et retourne à la boutique où il accepte raisonnablement de verser le surplus. Problème ! La carte ne passe plus à cause d’un logiciel récalcitrant sur toutes les caisses. On nous demande juste de patienter une heure avant qu’un technicien n’intervienne. Ceux qui paient en espèces ne rencontrent, semble-t-il, aucun souci. Heureusement, nous avons pris nos iPad. Assis tous les deux sur un canapé rudimentaire, nous nous laissons absorber par nos lectures. Une heure plus tard, comme nous nous y attendions, la caissière nous fait comprendre que le problème n’a pas été corrigé. Un monsieur du magasin, désolé pour nous, nous indique un distributeur ATMà une centaine de mètres plus loin. Bon sang, ils ne pouvaient pas le dire avant ?! Un quart d’heure après, la jeune fille nous remet enfin l’article tant désiré qu’Alain vient de payer en liquide. Le client qui le suit tend une carte bancaire pour régler son achat… Et ça marche ! Grrr… Dans le milieu d’après-midi, nous rejoignons Ubud exténués, autant par cette folle journée que par la circulation et les embouteillages qui ont rendu la conduite assez pénible.
Sur la route de bonne heure pour aller voir les rizières de Tegallalang, nous sommes une nouvelle fois déçus. Comme celles d’Ubud, elles sont en friche. Pour une fois, le charme n’opère pas vraiment. Nous ne nous attardons donc pas et continuons vers le marché local devant lequel nous sommes passés tout à l’heure et qui semblait bien animé. Lorsque nous y arrivons, les étals sont en effet encore bien garnis avec des légumes et des fruits de toutes sortes. Nous nous faisons un plaisir de photographier les femmes, jeunes et moins jeunes, qui trônent derrière leur stand. Les rires fusent de toute part et toutes nous souhaitent un bon séjour à Bali. L’heure que nous avons passée en leur compagnie nous a parue bien courte.
Nous rejoignons Ubud et le Ubud Kelod, près du terrain de football de la Monkey Forest Road, où Ketut confectionne, avec des dizaines d’autres femmes en habit de cérémonie comme elle, des offrandes en végétaux tressés, découpés et agrafés qui finissent entassées dans différents paniers qui semblent avoir chacun une signification particulière. Nous avons depuis longtemps déjà fait notre deuil de notre envie à vouloir comprendre quelque chose à tous ces rites, si nombreux dans la vie balinaise. Cette fois, nous savons juste que toutes préparent la grande crémation collective qui doit se dérouler dans deux semaines. C’est d’ailleurs pour elle que nous sommes revenus durant la haute saison touristique que nous avions toujours fuie jusqu’ici. Les hommes qui ne s’occupent jamais des offrandes, mais de la fabrication et de la construction des décors de temples, sont réunis à l’entrée et palabrent à l’ombre d’un arbre tout en confectionnant des satay bien appétissants dont vont se régaler tous ceux et celles qui travaillent aujourd’hui. Il en est de même dans tous les villages qui préparent leur importante cérémonie qui ne se déroule que tous les cinq ans, comme ici à Ubud.
Nous continuons la promenade dans les environs immédiats d’Ubud chez un peintre un peu fou, mais renommé, qu’Alain avait rencontré en avril dernier. Cette fois, un panneau devant son atelier annonce son absence pour la journée même si la majeure partie de ses œuvres est exposée dehors, au bord d’une route fréquentée. C’est pour cela aussi qu’on apprécie tant l’Asie du Sud-Est. Les locaux ne volent pas. Il faut juste se méfier, en premier lieu, des touristes à la bourse parfois un peu trop plate…
Le soleil brille de mille feux lorsque nous prenons la direction de la plage de Padangbai.
Après une bonne heure de route facile, nous étalons nos serviettes sur l’étroite portion de sable sec que la marée qui bat son plein a épargné. Il n’y a pas grand monde et Alain peut s’amuser comme un petit fou dans les rouleaux qui viennent terminer leur périple sur le sable blond de la crique. Effrayée par la hauteur des vagues, je ne me mouille que lorsque la mer descendante a retrouvé un peu de calme et que le vent est tombé. Mais je reste juste au bord et ne suis malgré tout pas très rassurée. Mon charmant mari se moque même de moi ce qui ne fait qu’accentuer ma peur.
Par gourmandise, en guise de dessert ce soir, nous nous laissons aller à gouter deux nouveaux parfums de glace Magnum. Trop bons !
Nous partons sitôt le petit-déjeuner avalé vers les rizières de Jatiluwih. La fluidité de la circulation rend la conduite agréable, les chauffeurs de taxi chassant toujours leurs clients dans les villages à cette heure-là. Bien qu’il soit plutôt convenable, l’état de la chaussée des grands axes tend à s’améliorer encore. Par contre, des tronçons de routes secondaires restent, ou pire, sont devenues presque impraticables à certains endroits. En trois mois, la vitesse avec laquelle ils se sont dégradés nous impressionne vraiment.
Pour ne pas perdre les bonnes habitudes, nous accédons au site par le bas, gratuitement, l’arrivée par le haut que tous les touristes empruntent étant sujette à péage. Nous jubilons de notre ruse ! Comme nous le redoutions, ici aussi les moissons sont terminées. Par contre sur l’ensemble du gigantesque amphithéâtre qu’elles dessinent, seules quelques rizières sont déjà en eau et attendent d’être repiquées. Comme pour nous faire plaisir, dans une parcelle, la seule qui ne soit pas encore en jachère, trois femmes sont en train de cueillir les derniers épis de manière traditionnelle. La botte de cinq kilos qu’elles ont vite fait de constituer va rejoindre les autres qui sèchent étalées en plein soleil. Le Nikonen alerte, j’adore chercher les meilleurs angles autour de ces monticules dorés très photogéniques. D’arrêt en arrêt, nous remontons tranquillement jusqu’au village de Jatiluwih où sont regroupées des dizaines de touristes arrivés jusqu’ici dans leurs voitures avec chauffeur et qui se contentent d’admirer le site du parking, sans l’arpenter, ou si peu. Dommage pour eux de se satisfaire de trop maigre aperçu…
Nous consacrons ces matinées aux balades en moto.
Certains villages que nous traversons préparent ardemment, si tant est que cela soit possible à Bali, les crémations de la semaine prochaine. Dans l’un d’entre eux, des hommes s’affairent à la fabrication de 63 taureaux qui seront brulés le jour de la cérémonie. Pendant que deux sculpteurs cisèlent les têtes dans du bois tendre avec une rapidité effarante, un groupe s’attèle à la confection du corps en entourant de lanières de bambou une ossature de poutrelles clouées grossièrement entre elles. Plus loin, une autre escouade de tâcherons tapisse les armatures terminées avec des feuilles de journaux trempées dans de la colle liquide. Lorsqu’ils auront fini, ils n’auront plus qu’à les recouvrir de tissu noir, rouge ou blanc et à les décorer de fils de coton de couleur, pour mettre en valeur la tête notamment. Un homme plutôt jeune va discuter un peu avec Alain et l’invite à venir le jour de la crémation. Pour ne pas le décevoir, il accepte, mais je ne sais déjà que nous ne pourrons pas honorer sa promesse étant obligés d’assister à celle d’Ubud. Nous verrons si nous avons le temps.
Lorsque nous revenons à Ubud, nous tombons sur un bouchon presque inextricable. Des dizaines de motos sont coincées derrière un énorme embouteillage qui paralyse les accès au centre. Heureusement pour nous, Alain qui connait nombre de rues, de ruelles, de chemins de contournement à force de se balader dans le coin parvient à abréger de façon conséquente le trajet jusqu’à la guesthouse. Sitôt arrivés, nous partons, par curiosité, faire un tour à pied : on se croirait au Mont St Michel un 15 aout ! Une foule dense a envahi les trottoirs trop étroits et se marche littéralement sur les pieds autour du marché où les vendeurs de camelote ne savent plus où donner de la tête. Nous n’avions encore jamais vu Ubud dans ce délire touristique. Cela ne nous manquait absolument pas…
Pour une fois et pour changer un peu, nous allons manger une pizza et boire un verre de Hatten, vin blanc local très correct, dans un restaurant italien aux tarifs attractifs qu’une Lorientaise nous a fait découvrir lors de notre dernier séjour.
Le Nord de l’ile est et le Centre-Est sont au menu de la journée. Nous quittons Ubud relativement tard, à 8 h 45, pour ce genre de balade. Mais ce matin, nous ne nous arrêterons pas au croquignolet temple Pura Ulun Danu Bratan de Bedugul que nous avons tant de fois admiré dans la lumière matinale. Nous gagnerons ainsi au moins deux heures et demie sur nos temps de passage précédents et rattrapons notre retard !
Avant l’arrivée à Bedugul, nous enfilons un pull, car la température devient frisquette avec l’altitude. Sur la crête de la caldeira qui domine les lacs de cratère, nous ne nous attardons pas et filons à vive allure jusqu’à la descente vers Munduk où nous retrouvons une météo plus conforme à nos attentes. Sur les pentes des montagnes, des hommes grimpés sur des échelles de bambou qui balancent dangereusement cueillent des clous dont les girofliers regorgent. C’est le début de la saison. Sur les bas-côtés de la chaussée et dans les villages, des mamies trient et retournent plusieurs fois par jour la récolte étalée au soleil sur des bâches en plastique. On devine le degré de séchage par la couleur de plus en plus foncée que prennent les clous. Un puissant parfum d’épice embaume alors l’air chaud de la vallée et vient nous lécher délicieusement les narines. Après Munduk, lors d’un arrêt en bordure de route pour photographier quelques rizières, nous partons tous les deux sur un sentier qui serpente entre les parcelles jusqu’à un hameau de quelques maisons dissimulées dans la végétation. Notre arrivée intrigue évidemment les personnes présentes et un garçon qui parle un peu anglais nous explique que sa sœur se marie aujourd’hui. C’est vrai que des décorations de végétaux tressés et de fleurs ornent l’entrée. Nous acceptons l’invitation de nous asseoir et le jeune homme nous présente à tous les membres de sa famille. Alain prend quelques photos du couple qu’il forme avec sa femme qui berce dans ses bras un joli bébé. Dommage que la mariée ne soit pas encore arrivée, mais nous devons poursuivre ! Nous les quittons à regret en leur promettant de nous arrêter la prochaine fois que nous passerons par là. Ils en sont ravis et nous aussi. En rentrant ce soir, Alain leur enverra les clichés par email.
Pour l’instant, nous continuons la balade jusque Pupuan en prenant bien le temps d’admirer les beaux paysages que nous traversons. Par ici, les rizières sont en majorité en eau ou viennent juste d’être repiquées. Il est regrettable pour les photos que le soleil de midi écrase de sa lumière terne les figures géométriques que dessinent les champs. Dans l’un d’eux, un gamin d’une dizaine d’années qui accompagne ses grands-parents en train de lisser la surface de la terre inondée avec un tronc de bananier tiré à l’aide d’une fourche plantée en son milieu plonge gaiement dans la boue. Malgré l’éloignement, Alain lui fait signe qu’il va le figer sur sa carte mémoire. Il exécute alors un tour complet en l’air avant de se vautrer avec plaisir dans la vase de la parcelle. Tout le monde rigole. Nous arrivons quelques instants plus tard à Pupuan, notre étape roborative habituelle. La vieille patronne trône encore derrière sa caisse, tandis que la serveuse qui nous a reconnus nous prépare une belle assiette de nasi campur, toujours aussi bon et copieux pour son prix dérisoire.
Une fois régalés, nous attaquons la descente vers le sud par la jolie route de Tabanan. Nous ne pouvons pas louper l’arrêt devant l’amphithéâtre rizicole de Belimbing. Pour une fois, le site nous parait quelconque avec ses rizières en friche après la moisson. Nous ne nous y attardons d’ailleurs pas. Quelques kilomètres plus loin, Alain s’arrête dans un virage et descend par un sentier forestier dans un cirque de terrasses tandis que je reste près de la moto, ne désirant pas m’aventurer sur ce chemin dangereux. Il en revient une bonne demi-heure plus tard, ravi. Une vieille femme qui mettait le feu aux éteules qui vont servir d’amendement s’est approchée de lui et lui a parlé en balinais. Ils ne se sont pas compris, mais sont tout de même parvenus à avoir un semblant de conversation. Il en rapporte bien évidemment quelques photos.
Nous ne nous arrêtons plus jusqu’à Ubud, ayant envie de terminer cette longue journée de route avant la tombée de la nuit, à 18 heures. Lorsque nous atteignons notre but dans les temps, nos fesses sont à peine meurtries. Il faut dire que, pour une fois, la moto neuve et confortable y est pour beaucoup.